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le Jeudi 13 août 2020 21:23 À la une

De Beyrouth, «tous les Canadiens ont entendu cette explosion»

De Beyrouth, «tous les Canadiens ont entendu cette explosion»
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Un an déjà ! Un an que la communauté pleure ses morts. Un an, et que reste-t-il de ce beau pays? Je n’ai ni le coeur, ni les mots, ni le droit de juger, d’aviser. Je ne peux que me hâter de voir le Liban renaître de ses cendres. Mais la résilience du peuple libanais n’a-t-il pas ses limites?

Arnaud, chef de pupitre.

Mardi 4 août dernier, une double explosion ravage Beyrouth. Bien que 9 837 kilomètres séparent la ville libanaise d’Edmonton, madame Kahawaty assure «que tous les Canadiens ont entendu cette explosion, tout le monde connaît Beyrouth maintenant». Aline Kahawaty et Élianne Farhat, Franco-Albertains d’origine libanaise, racontent comment ils ont vécu ce drame international.

L’explosion dans le port de Beyrouth a déclenché une bombe dans le cœur d’Aline : «tu as mal au cœur, tu es juste ému aux larmes. C’était une journée d’inquiétudes et d’angoisses toute la journée».

Une maison endommagée à Beyrouth. Crédit photo : Courtoisie Aline Kahawaty

Encore secouée par l’événement de mardi qui a détruit sa ville natale, Aline Kahawaty raconte. Au travail, elle reçoit un coup de téléphone de son mari vers 9 h 30. «Il y a une explosion au Liban, peut-être à Beyrouth. Tu dois, tout de suite appeler, tes parents», lui dit-il. Immédiatement, elle appelle sa sœur en vacances au Liban pour l’été. 

Via vidéoconférence, elle découvre sur son écran sa sœur et son mari avec leurs deux enfants. Un soulagement immense. «Je ne pouvais pas parler après ça, c’était de savoir qu’ils allaient tous bien», dit-elle, la voix remplie d’émotions. Même chose avec sa mère et son frère : «quand j’ai entendu leur voix, il m’ont dit : “on est bien, on est bien”.»

La famille d’Aline Kahawaty lors de la veillée organisé par la Calgary Lebanese Association, devant la mairie de Calgary, mercredi 5 août 2020, pour supporter les personnes vivant à Beyrouth. Crédit photo : Courtoisie Aline Kahawaty

Tous les membres de sa famille ne sont pas sortis indemnes de l’explosion. «J’ai un cousin qui sortait de son travail. On pense que quelque chose est tombé sur lui, sur sa jambe. Il a comme 19 ou 20 ans, vraiment jeune. Ce n’était pas possible pour lui de parler avec ses parents, les réseaux téléphoniques étaient tous congestionnés à ce moment-là.»

«Des gens l’ont transporté à l’hôpital, mais c’était tout plein : il ne pouvait pas rentrer. Puis, ses parents ont été contactés. Ils ont appelé un autre hôpital qui était plein lui aussi. Et puis, ils ont finalement trouvé un troisième hôpital. Pour lui, c’était une blessure aux jambes, ce n’était pas fatal. Ils ont donc fait du tri pour les gens qui ont besoin immédiatement d’aide. Après 7 ou 8 heures, il a été pris en charge.»  

Incertitudes

Élianne Farhat vit quant à lui à Fort McMurray. Il témoigne au Franco de la situation de son pays d’origine. «Nous sommes en crise économique, une pandémie, une famine nationale et maintenant une bombe qui explose dans le port de Beyrouth faisant plusieurs morts, blessés et des personnes disparues».

Une maison endommagée à Beyrouth. Crédit photo : Courtoisie Aline Kahawaty

Les Libanais sont un «peuple résilient, mais pour combien de temps ?», se demande-t-il. «Combien de temps faudrait-il pour que le pays se reconstruise  », interroge quant à elle Aline.

Cette mère de trois enfants pense aux jeunes qui se sont mobilisés volontairement. «Ils sont des bénévoles, juste aider les gens à déménager, à nettoyer, à apporter des aliments pour que les gens mangent, pour que les gens boivent. Certains n’ont plus de maison. Voir tous ces jeunes, ça me donne un peu d’espoir que ça va être mieux prochainement», aspire-t-elle.

«Libanais» rime avec «Canadien»

Le 4 août, c’est devant la télévision qu’Aline et son mari ont passé leur journée et leur nuit : «Toute la journée et la nuit, jusqu’à maintenant, on regarde la télévision, on parle avec tous les amis, on envoie des messages pour vérifier que tout le monde est bien».

La famille d’Aline Kahawaty. Crédit photo : Courtoisie Aline Kahawaty

À envoyer des messages, mais aussi à en recevoir : «Mardi et mercredi, mon téléphone n’a pas cessé d’avoir des appels et des messages de nos amis canadiens : de notre église, de notre école, des voisins. Tout le monde voulait savoir si notre famille était bien, si nous avions besoin d’aide. Je suis très fière d’être Canadienne et Libanaise en même temps. Nés au Liban, nous avons choisi le Canada, les deux sont proches à notre cœur».

Cet article fut publié dans l’édition du 13 août 2020 en page 6.