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Mumbai Dakar

Mumbai Dakar
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Des anciennes routes maritimes qui parcouraient le globe de l’Asie à l’Europe, en passant par l’Inde et l’Afrique pour fournir les marchands d’épices, subsiste aujourd’hui un patrimoine culinaire extraordinaire. Solo Diallo nous invite à la découverte de cette gastronomie à la fois simple et subtile. 

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Originaire de Kaolack au Sénégal, Solo Diallo est arrivé à Winnipeg, il y a «déjà trois décennies», avec ses parents et une fratrie de huit enfants. Bien que «les hommes ne cuisinent pas en Afrique», lui n’a pas eu le choix que d’aider, dès le primaire, sa maman à préparer les repas. «C’était la seule femme de la maison, car mes deux sœurs se sont mariées très jeunes.»

De cette proximité avec celle qui lui a donné vie sont nés une complicité, un amour et une passion pour l’art culinaire. «Elle m’a tout appris», dit-il, reconnaissant. Plus tard, il commence des études en éducation et fait une majeure en histoire à l’Université Saint-Boniface. «J’ai toujours aimé l’enseignement et j’adore l’histoire, l’égyptologie.»

Solo Diallo propriétaire et chef du restaurant Mumbai-Dakar

De ses journées sur le campus, il se rappelle surtout les soirées dansantes qu’il organisait avec ses frères. «On faisait à manger pour tout le monde, on mettait de la musique et on dansait jusqu’à trois heures du matin!» L’appel des batteries de cuisine a finalement eu raison de son goût pour l’enseignement. Il quitte les bancs de l’université et rejoint le Red River College pour y devenir chef.

À Winnipeg, il rencontre Angel, son épouse et la future mère de ses trois enfants. Solo Diallo est un homme d’action et décide de rejoindre Edmonton. Il espère profiter du «boom économique albertain», tout en acquérant l’expérience nécessaire pour ouvrir «sa propre affaire».

Une dizaine de restaurants plus tard, il part pour trois années «dans le nord afin de financer ses futurs projets». «Après, je pensais rentrer au Sénégal ou à Winnipeg pour ouvrir un restaurant sénégalais, mais mon épouse a choisi Edmonton, car elle avait trop froid au Manitoba», dit-il amoureux.

Mumbai-Dakar, un voyage gustatif 

En 2019, il trouve un partenaire d’affaires en la personne d’Ahmad Mohammad Ashfaque. «Nous avions déjà travaillé ensemble. C’est un grand chef d’origine indienne.» Ils décident alors d’ouvrir Mumbai-Dakar, une errance dans le monde des épices et des saveurs, entre l’Inde et le Sénégal.

«Mon plat favori, c’est bien sûr le plat national sénégalais, le ceebu jën.» Solo Diallo

«Mon plat favori, c’est bien sûr le plat national sénégalais, le ceebu jën», évoque Solo Diallo.  Aussi épelé thiéboudiène ou tiep bou dièn, c’est un ragoût à base de riz, légumes et poisson qui peut se décliner de multiples façons. Solo Diallo a choisi la recette traditionnelle à base de sauce tomate afin d’apporter cette authenticité oubliée, aujourd’hui inscrite sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité (UNESCO).

Sur la carte, on retrouve d’autres mets extraordinaires comme le mafé aux subtiles essences de beurre d’arachides, le poulet braisé typique de la Côte d’Ivoire, le poulet au beurre ou le riz biryani pour les inconditionnels de la gastronomie indienne.

Secrètement, il espère très vite ajouter à sa carte le foufou, appelé parfois fufu, une pâte à base de manioc, de maïs, de banane plantain ou d’igname bouillie et pilée servie avec une sauce qui diffère selon les goûts. «Le foufou, c’est très populaire! Tout le monde connaît le foufou.»

«Le foufou, c’est très populaire! Tout le monde connaît le foufou.» Solo Diallo

Une première affaire ou l’art de parer aux imprévus

Installé au nord-ouest de la ville d’Edmonton au-delà de la 50e rue et sur la 118e avenue, ses débuts n’ont pas été si faciles, mais il ne se plaint pas. Ce n’est pas dans son ADN.

«C’était ma première affaire; il y a eu beaucoup d’imprévus. De plus, la démographie du quartier n’est pas africaine, alors il a fallu faire sa place.» Ce choix, en partie lié à l’aspect raisonnable des locaux qu’il occupe aujourd’hui, a exigé de lui qu’il fasse preuve d’ingéniosité pour y attirer ses compatriotes.

Plat de poulet

Un défi relevé haut la main, puisqu’«aujourd’hui ma clientèle vient de très loin pour manger nos spécialités», dit-il enthousiaste. Ce n’est d’ailleurs pas sans fierté qu’il annonce être certainement le seul restaurant sénégalais dans la province! À force de visibilité, et de bouche enjouée à oreilles, la clientèle a adopté l’endroit.

Heureux de cette réussite, l’adage d’un homme averti en vaut deux semble lui coller à la peau. «Un entrepreneur, c’est d’abord quelqu’un qui veut faire des affaires. Mais cela ne s’improvise pas.» Il n’est pas de ceux qui vont «ouvrir un restaurant et mettre leur épouse en cuisine; cela ne fonctionne pas sur le long terme».

«Un restaurant, c’est d’abord une entreprise comme les autres» 

Il revendique ses connaissances, ses deux années d’études en tant que chef, mais aussi l’expérience qu’il a acquise tout au long de son cheminement. «J’ai travaillé partout à Edmonton.» Il donne beaucoup d’importance à la gestion, le coût et la qualité de ces aliments, tout en laissant vivre sa créativité.

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En un clin d’œil, il énumère ses traits de caractère qui permettent de réussir. «Il faut être obstiné, voire têtu, courageux et patient, et avoir de l’amour pour la cuisine.» Pour lui, un restaurant, «c’est comme une banque, une société d’assurance, une entreprise. Cela doit être pris très au sérieux».

À l’inverse, il avoue en souriant «être parfois sûrement trop gentil». Mais il ne regrette rien. «Je fais tout pour entretenir mes amitiés, c’est très important. Tu as beau avoir tout l’or du monde, si tu n’as pas d’amis, cela sert à quoi!»

Le désir de partager avec sa communauté 

Il garde cette âme de visionnaire de l’époque où ses frères et lui apprenaient aux étudiants africains «à cuisiner le mafé». Il se projette facilement dans l’avenir, avec d’une part, l’ouverture de «petits kiosques sénégalais, des plats à emporter, cinq ou six couverts» aux quatre points cardinaux de la ville, de l’autre la mise en place d’ateliers culinaires pour sa clientèle, mais aussi dans les écoles francophones.

Une façon de redonner à la communauté qui l’a si bien accueilli à ses débuts. «La langue française véhicule notre quotidien. Je tiens à ce que mes enfants, Samory, Cumba et Bocar  parlent ma langue, mais aussi celle de leur maman, le mandarin, et bien sûr l’anglais. Les trois langues les plus populaires au monde!»