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le Samedi 25 juin 2022 13:00 Provincial

Journée mondiale des abeilles

Nathalie Astruc - Journaliste
Journée mondiale des abeilles
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Alors que le Festival du miel de Falher vient tout juste de se terminer, il nous semblait important de revenir sur la Journée mondiale des abeilles grâce à l’article de Nathalie Astruc publié initialement dans l’édition du 10 mai 2022 de La Source, le journal francophone de Vancouver.

La rédaction

Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), 35 pour cent de la production agricole mondiale dépend des pollinisateurs comme les oiseaux, les chauves-souris et… les abeilles, dont la Journée mondiale est soulignée globalement le 20 mai. Cependant, de nombreuses menaces pèsent sur cet insecte bienfaiteur. Rencontre avec Tanya Drapeau de l’entreprise Alvéole.

Associées à l’éloquence, à la royauté dans l’Égypte ancienne, à l’immortalité chez les Grecs ou encore à l’amour et au dieu Kama pour les hindouistes, les abeilles sont souvent symbole de l’organisation, de la coopération, de la discipline et du travail, par leur caractère industrieux.

Tanya Drapeau, gestionnaire d’équipe à Alvéole à Vancouver, en est l’illustration et est actuellement aussi occupée que ses abeilles. «On fait de l’apiculture depuis le 28 février, toutes les semaines. Avec la météo de Vancouver, les abeilles sont toujours un peu actives et même au milieu du mois de janvier, s’il y a une belle journée de 14 degrés, on va voir les abeilles actives.»

Elle explique également que ce moment de l’année, la sortie de l’hibernation, est celui des inspections et de la création de nouvelles ruches. «On a créé 100 ruches dans les trois dernières semaines. On a visité au moins 100 ruches, on vient de doubler notre charge! Ça nous donne des ruches pour de nouvelles installations et pour remplacer les pertes, d’environ 30 pour cent, dues à l’hiver. On installe de nouvelles ruches tout le long du mois de mai», explique la gestionnaire.

De la ruche du jardin aux toits des entreprises

Tout commence par quelques étés au Manitoba pour les trois cofondateurs d’Alvéole, alors qu’ils travaillent en apiculture commerciale (pollinisation et production de miel). En 2012, ils ont décidé de ramener des ruches du Manitoba à Québec et les ont placées sur les toits et les balcons de leurs amis, remarquant un véritable intérêt par rapport à l’apiculture.

Les cofondateurs ont pu voir à quel point une ruche suscitait l’intérêt dans une cour des voisins, qui posaient des questions par rapport aux abeilles et à l’environnement. Les gens ont dit : «Ce serait cool s’il y avait une ruche sur mon lieu de travail».

«Quand on a une ruche dans une cour, ça a un impact sur le voisinage et sur les gens qui en prennent soin, mais une fois qu’on met une ruche sur un immeuble, près de 3 000 personnes vont aller tous les jours pour travailler : l’impact de la ruche est exponentiel!», explique Tanya Drapeau, en ajoutant que c’est même un argument utilisé par les entreprises pour ramener les télétravailleurs sur site.

L’année 2019 marque un tournant pour l’entreprise qui décide de s’orienter vers l’installation de ruches auprès des entreprises et, notamment, une offre d’ateliers. «Notre mission, c’est d’amener l’abeille et la nature en ville, de susciter les conversations et de créer de l’engagement. C’est que le but n’est pas de simplement placer une ruche, mais que nous puissions fournir des outils pour que nos clients soient des promoteurs de pollinisateurs», explique Tanya Drapeau, avant de préciser que l’entreprise apicole a conduit plus de 300 ateliers en entreprise à travers la planète pour la dernière Journée de la Terre.

Le concept essaime tout d’abord dans tout le pays, notamment en 2019 avec Vancouver, puis les États-Unis et l’Europe.

Des projets en école encore poussifs

Certaines craintes peuvent exister par rapport aux ruches dans les écoles selon Tanya Drapeau. «Bien sûr, pour les écoles, on a un prix totalement différent par rapport aux entreprises. C’est plus avantageux, mais comme à chaque fois qu’on propose un projet d’apiculture, c’est de bien faire comprendre que même s’il y a une ruche sur site, il ne va pas y avoir de piqûres ou de dangers. À Montréal, avec nos connexions, on a une centaine d’écoles qui ont des ruches.»

Si Vancouver est un nouveau marché, Alvéole compte déjà trois écoles élémentaires, dont une quatrième en immersion française qui s’ajoute cette année. «Sur la côte ouest, on se lance à Victoria. Une étudiante demandait d’avoir ce projet à l’école et c’est encore mieux quand ça vient des élèves et de leur intérêt! Ça devient un projet de levée de fonds pour avoir la ruche. On peut parler à nos partenaires corporatifs s’ils veulent commanditer la ruche à l’école», explique la gestionnaire.

«Une étudiante demandait d’avoir ce projet à l’école et c’est encore mieux quand ça vient des élèves et de leur intérêt!» Tanya Drapeau

Les autres freins potentiels dans les écoles peuvent être administratifs et politiques. Ce type de projet requiert temps et finesse afin de convaincre les écoles selon Tanya Drapeau. Cet engouement pour l’apiculture existe également dans le secteur des études supérieures, notamment à BCIT et à l’Université Trinity Western.

Des menaces humaines avec des conséquences pour… l’humain

Toutes les menaces qui pèsent sur les abeilles sont d’origine humaine. En première ligne, Tanya Drapeau dénonce la monoculture. «Avec cette pratique, il n’y a qu’une floraison, il y a un buffet pour deux à trois semaines dans l’année et puis il n’y a plus rien. Avec le changement climatique, la température change le temps de floraison des fleurs, les abeilles ne pourront pas polliniser et donc, il y aura moins de fruits. Il faut aussi que les abeilles soient prêtes en même temps, autrement, elles auront moins de pollen et donc moins de subsistance.»

«Avec le changement climatique, la température change le temps de floraison des fleurs, les abeilles ne pourront pas polliniser et donc, il y aura moins de fruits.» Tanya Drapeau

Directement liée à la monoculture, la prolifération de maladies peut toucher les populations d’abeilles, toujours selon la gestionnaire. «Par exemple pour la pollinisation des amandiers, on amène 100 000 ruches en Californie et on les déplace ensuite. Quand on a une surcharge de créatures dans un endroit, les virus, bactéries et maladies se transmettent plus facilement parce qu’on a une concentration de ruches, qu’on force à polliniser dans un certain contexte, moins favorable et sain.»

Tanya Drapeau mentionne aussi la surcharge agricole, l’utilisation outrancière de pesticides, d’engrais et d’eau comme des menaces cumulatives. À l’échelle de la planète, les trois quarts des cultures qui produisent des fruits ou des graines destinés à l’alimentation humaine sont tributaires, au moins en partie, des pollinisateurs, selon l’ONU.