le Samedi 20 avril 2024
le Mercredi 24 mai 2023 8:27 Provincial

Des organismes communautaires font entendre leur voix en vue des élections

Françoise Sigur-Cloutier est membre des conseils d’administration du CANAF et de La Fondation franco-albertaine. Photo : Courtoisie
Françoise Sigur-Cloutier est membre des conseils d’administration du CANAF et de La Fondation franco-albertaine. Photo : Courtoisie
Des organismes communautaires font entendre leur voix en vue des élections
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Alors que les élections provinciales approchent à grands pas en Alberta, plusieurs membres clés de la francophonie émettent  des recommandations sur les dossiers qui devraient être traités en priorité par le nouveau gouvernement lors de son arrivée au pouvoir. Ces voix rappellent également l’importance de prendre en compte les besoins particuliers de la communauté francophone dans les politiques gouvernementales.

IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO

«Il faudrait commencer par nous connaître et nous reconnaître, [mais] la stratégie, c’est de nous donner un peu [d’air] de temps en temps, juste pour dire : “tenez-vous tranquilles, on s’occupera de vous quand on aura le temps”.». Françoise Sigur-Cloutier.

Les Franco-Albertains sont souvent les grands laissés-pour-compte* lors des élections provinciales, se désole Françoise Sigur-Cloutier. Elle regrette que les partis politiques ne considèrent pas suffisamment leurs besoins. «Il faudrait commencer par nous connaître et nous reconnaître, [mais] la stratégie, c’est de nous donner un peu [d’air] de temps en temps, juste pour dire : “tenez-vous tranquilles, on s’occupera de vous quand on aura le temps”», explique-t-elle.

Pour pallier ce manque, elle encourage les électeurs francophones à communiquer directement avec leurs représentants politiques pour leur faire part de leurs préoccupations. En effet, celle qui siège sur les conseils d’administration du Centre d’accueil pour nouveaux arrivants francophones (CANAF) et de La Fondation franco-albertaine souligne que la participation active de la communauté francophone dans le processus démocratique est «essentielle pour obtenir les changements significatifs que l’on souhaite».

Françoise, elle, aimerait voir le prochain gouvernement s’occuper plus efficacement de la crise du logement qui commence à se dessiner à Calgary et à Edmonton. «On prévoit de faire venir beaucoup plus de nouveaux arrivants au pays et dans les grandes villes, mais on n’est pas équipés de logements abordables pour tous ces gens-là dont la première priorité est quand même d’avoir un toit sur la tête», fait-elle valoir. 

Le directeur général de Francophonie Albertaine Plurielle (FRAP), Alphonse Ndem Ahola, est bien au courant de l’afflux croissant d’immigrants qui s’installent dans la province. En outre, il a remarqué une augmentation de l’immigration francophone africaine et une forte migration interprovinciale provenant l’est du pays, notamment du Québec. Il considère cette croissance comme positive et espère que cela maintienne le poids démographique de la communauté francophone en Alberta autour de 2%.

Alphonse Ndem Ahola est le directeur général de la FRAP. Photo : Courtoisie

«On sait que le fédéral cherche à augmenter le nombre d’immigrants francophones (hors Québec] et j’aimerais que notre gouvernement provincial s’assure d’aller en chercher une portion pour continuer d’agrandir notre communauté.». Alphonse Ndem Ahola.

«On sait que le fédéral cherche à augmenter le nombre d’immigrants francophones (hors Québec] et j’aimerais que notre gouvernement provincial s’assure d’aller en chercher une portion pour continuer d’agrandir notre communauté», s’exclame-t-il. Toutefois, si l’Alberta veut continuer d’être une terre d’accueil pour ces francophones, il est primordial de les loger convenablement et de mettre en place des services d’établissement accessibles dans leur langue, explique Alphonse, en faisant écho aux propos de Françoise Sigur-Cloutier.  

D’ailleurs, en balisant l’octroi de certains services de base au niveau légal, il estime que le gouvernement démontrerait sa volonté de collaborer avec les Franco-Albertains. «Je sais qu’il y a la Politique [en matière de francophonie du gouvernement de l’Alberta], mais je pense que cette politique devrait être accompagnée d’une loi, de sorte que la population francophone soit de plus en plus prise en compte», affirme le directeur général.

Déconstruire les barrières systémiques

Alors que de plus en plus d’immigrants francophones africains arrivent dans la province, Alphonse souligne l’importance pour le gouvernement de rester vigilant en matière de racisme. «Il est crucial de s’assurer que ces immigrants ne soient pas victimes de barrières systémiques et de discrimination», soutient-il.

En outre, le dirigeant de la FRAP a remarqué que les hommes et les femmes d’affaires d’ascendance africaine sont souvent confrontés à la «barrière linguistique». Malgré leurs qualifications et leurs compétences, ces personnes ont tendance à être discriminées sur le marché du travail en raison de leur maîtrise imparfaite de l’anglais ou de leur accent prononcé. «Ça plombe réellement leurs ambitions», s’attriste Alphonse.

Ce phénomène a aussi été observé par Françoise Sigur-Cloutier qui propose que les cours d’anglais offerts aux nouveaux arrivants soient complètement repensés afin qu’ils soient adaptés à la réalité de certains groupes. «On n’a pas les mêmes besoins si on est un professionnel de la santé ou un travailleur de la construction. Il faudrait essayer d’être plus stratégiques dans la manière dont on offre les cours d’anglais pour que ce soit utile dans la vie de tous les jours, mais aussi au niveau professionnel», affirme-t-elle. 

Dicky Dikamba, le directeur général du CANAVUA (Canadian Volunteers United in Action), aimerait, de son côté, voir le gouvernement provincial soutenir davantage les organismes gérés par les communautés noires. Selon lui, cela permettrait à ces organisations de concrétiser «encore mieux» leur travail auprès des populations afrodescendantes et de répondre à leurs besoins d’une manière «culturellement appropriée» afin de les aider à surmonter les barrières systémiques existantes.

«Nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Les mesures annoncées bouchent des trous et répondent à un besoin dans un temps déterminé, mais on a besoin de réfléchir à un moyen à long terme pour aider les populations vulnérables.». Dicky Dikamba.

Dicky Dikamba est le directeur général du CANAVUA. Photo : Courtoisie

Entre inflation et insécurité alimentaire

Mais au-delà de la bonification de l’aide aux organismes dirigés par des personnes noires, Dicky rappelle que le prochain gouvernement, qu’il soit néo-démocrate ou conservateur, devra poursuivre les efforts engagés par Danielle Smith pour lutter contre l’inflation. «Nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Les mesures annoncées bouchent des trous et répondent à un besoin dans un temps déterminé, mais on a besoin de réfléchir à un moyen à long terme pour aider les populations vulnérables», mentionne-t-il.

Il s’étonne aussi de voir de plus en plus d’Albertains en emploi se prévaloir des services de la banque alimentaire du CANAVUA qui offre, entre autres, des denrées aux familles francophones de la province. «Ces personnes peinent à s’en sortir avec leur loyer et leurs factures d’épicerie, et ce, même si elles ont un travail. La situation est vraiment très précaire», explique Dicky.

Françoise Sigur-Cloutier estime, elle aussi, que les mesures annoncées pour lutter contre l’inflation devraient être repensées. «Je ne sais pas dans quelle mesure les chèques envoyés ont été aidants pour les personnes à faible ou moyen revenu. Ce que je sais, c’est que les groupes qui organisent des banques ou des paniers alimentaires sont débordés. Leurs services sont multipliés…», dit-elle, sans se douter que le directeur général du CANAVUA exprimerait le même sentiment.

Faire face au désert en garderies

La Fédération des parents francophones de l’Alberta (FPFA) espère, de son côté, que le prochain gouvernement prenne en compte la problématique des déserts en garderies francophones. Dans un rapport publié en février dernier, la FPFA mentionnait, entre autres, que moins d’un enfant francophone sur sept pouvait bénéficier d’un service de garde à temps plein à Edmonton

«On a déposé notre analyse parce qu’on veut aider le gouvernement et les guider dans la bonne direction. On ne veut pas qu’ils essaient de deviner nos besoins sinon ils vont croire qu’ils sont similaires à ceux de la majorité. On a hâte d’avoir des discussions avec eux et d’avoir des nouvelles de ça», explique la directrice générale de la FPFA, Mireille Péloquin. 

Le manque d’offre francophone à la petite enfance est difficile à vivre pour les familles qui doivent parfois se déplacer sur de longues distances pour permettre à leurs enfants d’avoir accès à une garderie dans leur langue.

«On veut que le gouvernement reconnaisse que les parents francophones ne peuvent pas simplement choisir la garderie qui se trouve au coin de la rue. On veut qu’il reconnaisse notre particularité.». Mireille Péloquin.

Certains parents se voient même forcés d’envoyer leurs enfants dans des services de garde anglophones. «On veut que le gouvernement reconnaisse que les parents francophones ne peuvent pas simplement choisir la garderie qui se trouve au coin de la rue. On veut qu’il reconnaisse notre particularité», conclut la directrice générale.

 

Glossaire – Laissé-pour-compte* : personne à laquelle personne ne prête attention