le Mardi 23 avril 2024
le Dimanche 13 février 2022 9:00 Edmonton

L’Alzheimer, une maladie sous silence linguistique

Crédit : Tim Doerfler / Unsplash
Crédit : Tim Doerfler / Unsplash
L’Alzheimer, une maladie sous silence linguistique
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À l’heure actuelle, selon la Société Alzheimer, 49 000 Albertains présentent un trouble neurocognitif. Ce chiffre représente 1 % de la population. Les troubles cognitifs englobent plusieurs types de maladies neurodégénératives et incurables. La plus connue est la maladie d’Alzheimer.

Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco 

Avant de recevoir un diagnostic de maladie d’Alzheimer, une personne doit avoir plusieurs signes précurseurs. Entre autres, elle perd tranquillement la mémoire, a de la difficulté à accomplir des tâches familières et quotidiennes, perd des mots de son vocabulaire et est désorientée dans l’espace et le temps.

«Souvent, lorsqu’une personne va consulter un médecin pour l’Alzheimer, elle va commencer à annoter des pertes de mémoire [qui affectent son quotidien]», relate Dre Michelle Dion, médecin de famille. Pour diagnostiquer la maladie, le patient doit se soumettre à une série d’évaluations. En Alberta, ces tests se font dans les deux langues officielles et sont administrés par un médecin, une infirmière ou une infirmière auxiliaire.

«Avant de dire qu’une personne est atteinte d’une démence, il faut exclure tous ses problèmes de santé.» Dre Dion

Le premier élément évalué est l’état de santé de la personne pour s’assurer qu’il n’y a pas «un problème sous-jacent qui pourrait mimer [la maladie d’Alzheimer]». Le spécialiste va également vérifier son historique médical et mental. Un bilan sanguin sera fait. Elle prendra également part à une évaluation cognitive qui permettra de mesurer sa capacité à dessiner des choses simples telles qu’un cube. Pendant celle-ci, des questions concernant sa mémoire et son langage peuvent lui être posées.

«Avant de dire qu’une personne est atteinte d’une démence, il faut exclure tous ses problèmes de santé pour être certain qu’il n’y a pas d’autres maladies adjacentes qui auraient pu [introduire ces signes précurseurs]», souligne Dre Dion.

Lorsque la personne est dans un stade peu avancé de la maladie, Dre Dion affirme que celle-ci peut en ralentir la progression. Elle doit notamment rester active, bien manger, avoir un sommeil équilibré, socialiser, tout en s’occupant de sa santé. «Il faut qu’elle se garde stimulée et que son corps reste en bonne santé.»

Une bataille au quotidien

Nouha Ben Gaied, la directrice recherche et développement, qualité des services de la Société Alzheimer du Québec, précise que les proches aidants de la personne atteinte doivent se préparer à l’ampleur de la maladie. «Au début de la maladie, les symptômes sont modérés. Mais plus elle avancera, plus la personne atteinte aura besoin d’aide, notamment dans ses soins d’hygiène personnelle ou pour l’habillement.»

D’ailleurs, devant l’ampleur de celle-ci, ils doivent s’outiller par le biais de stratégies d’intervention. «Elles vont faire toute la différence auprès de la personne atteinte», explique Mme Ben Gaied.

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Plusieurs de ces stratégies sont, entre autres, liées à la communication. «Le verbal ne représente que 7% de la manière dont on communique. Le reste se passe par le non verbal, c’est-à-dire la posture, l’attitude, le volume et le débit de la voix». De plus, si un interlocuteur veut parler à la personne, il doit le faire en se plaçant devant elle afin de lui permettre de comprendre plus facilement le message. Pour s’exprimer avec elle, il peut également mimer ses propos.

Néanmoins, en raison de la perte de mémoire à court terme de la personne, parfois les stratégies d’intervention vont fonctionner une journée, des fois non. Cependant, Nouha Ben Gaied martèle qu’il faut toujours les réessayer le lendemain.

La langue maternelle, un possible atout contre la maladie

Les études sont nombreuses à démontrer que l’apprentissage et la pratique d’une langue étrangère ont des effets positifs sur la santé cérébrale. Toutefois, dès 2011, la psychologue et chercheuse canadienne Ellen Bialystok a démontré que les personnes bilingues souffrant de la maladie devenaient quatre ans plus tard que des unilingues.

En effet, la personne bilingue atteinte de la maladie d’Alzheimer perdra très rapidement la connaissance d’une langue apprise. «Généralement, sa langue maternelle va reprendre le dessus», explique Nouha Ben Gaied. Une situation qui ne facilite pas forcément le traitement de la maladie lorsque l’on vit dans un milieu minoritaire comme l’Alberta.

«Généralement, sa langue maternelle va reprendre le dessus.» Nouha Ben Gaied

La spécialiste de la maladie affirme d’ailleurs qu’à l’écoute de leur langue maternelle, les personnes atteintes de troubles cognitifs sévères vivent des émotions importantes. Cela leur rappelle des souvenirs d’enfance puisque c’est dans cette langue qu’elles ont été «bercées». Même si leur mémoire à court terme est affectée, «leur mémoire à long terme demeure intacte», mentionne Nouha Ben Gaied.

Plus concrètement, le rôle de la langue est essentiel pour lutter contre la maladie. En effet, le patient risque très rapidement de perdre ses repères et les relations sociales qu’il a pu avoir avec celles et ceux qu’il côtoie dans sa langue d’adoption. Il peut très vite être victime d’isolement.

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On peut dès lors dire qu’une part de la solution dans l’accompagnement de ces patients serait la présence de bénévoles, de proches aidants et de médecins francophones à chaque étape de la maladie.

Pour plus d’information sur la maladie d’Alzheimer, consultez :

https://alzheimer.ca/fr