Le choix de Isabelle Déchène Guay, réviseure
J’ai choisi cet article tout d’abord, car il démontre la vitalité de notre francophonie albertaine même au creux des montagnes Rocheuses. Les ACFA régionales sont des acteurs essentiels dans la transmission de la langue française et de la promotion de la culture francophone d’ici et d’ailleurs. Sans le travail acharné de ces employés et bénévoles à nous réunir, que ce soit pour une célébration, un spectacle ou une séance d’information, nombre d’entre nous se retrouveraient encore plus isolés, ignorant la présence réelle et forte de la francophonie en terre albertaine, et sujets à l’assimilation. J’ai aussi choisi ce texte, car j’ai eu un véritable coup de cœur pour cette nouvelle plume, celle de Gabrielle Audet-Michaud, qui réussissait à me transmettre non seulement de l’information, mais aussi des émotions. Après la lecture de ce petit article, aux abords bien banals, je regrettais presque de ne pas vivre à Canmore et d’avoir participé à cette activité. Chapeau à l’ACFA régionale de Canmore! Merci Gabrielle!
(Article paru le 24 novembre 2022)
Les tables et les chaises étaient disposées contre les murs lorsque les premiers invités se sont engouffrés Chez François sur le coup de vingt heures. Ce restaurant fondé par Jean-François Grouin et Sylvie Grégoire, il y a plus de trois décennies, se spécialise dans l’offre de déjeuners-dîners. Véritable institution à Canmore, l’établissement est devenu un pilier pour la communauté francophone de la région puisqu’on peut y être servi en français.
En vue de la soirée, un écran géant trônait au fond du restaurant et deux haut-parleurs répandaient dans le reste de la salle à manger un morceau de Malajube, défunt groupe de rock québécois. Dès leur arrivée, les adeptes de karaoké se sont salués chaleureusement en se faisant une accolade et en se serrant la main. Certains se connaissaient, d’autres pas, mais qu’importe. La soirée allait bientôt prendre des allures de réunion familiale.
Une fois tous les participants assis sur leurs chaises, Monique Tougas s’est emparée du microphone. La Franco-Albertaine d’origine montréalaise a brisé la glace en interprétant avec justesse un morceau de Led Zeppelin.
Parce que oui, bien qu’il s’agissait d’un karaoké organisé pour faire rayonner la francophonie, le coordonnateur événementiel de l’ACFA régionale, William Prince-Dufort, a souvent rappelé le mot d’ordre de la soirée : «on est ici pour s’amuser ensemble, peu importe la langue».
Cette invitation, Monique Tougas l’a embrassée à bras ouverts. «Moi, je parle franglais», raconte-t-elle, le sourire en coin. «Je me sens toujours comme une outcast. I don’t fit in, you know?» La femme à la chevelure grisonnante hésite un instant avant de reprendre : «Sauf qu’ici, on essaie d’inclure tout le monde et ça me fait plaisir».
Lors d’une entrevue, William Prince-Dufort a expliqué sa fierté de voir rayonner une francophonie «plurielle» à travers cette soirée karaoké. «On a bien vu la diversité dans les chansons qui ont été chantées», mentionne-t-il. «On a entendu des chansons francophones de France, du Québec, du Maroc…», énumère le coordonnateur événementiel.
Une fois les dernières notes de Led Zeppelin achevées par Monique Tougas, le registre musical a changé drastiquement. Deux participants se sont avancés vers le milieu de la pièce pour interpréter un classique intemporel de Joe Dassin. Le reste de l’assistance s’est jointe au moment du refrain : «Aux Champs-Élysées pala-palapa» pouvait-on entendre fredonner à droite et à gauche.
Puis, quelques minutes plus tard, c’était au tour de deux Québécois de chanter une chanson de Fouki, ce jeune rappeur né à Montréal qui récite ses textes dans un franglais fortement créolisé. «Fouki, on n’entend pas ça souvent à Canmore», lance à la blague l’enseignante Marie-Soleil Brien, quelques minutes après sa performance.
Originaire du Québec, celle qui habite dans les montagnes albertaines depuis sept ans s’est dite réjouie de voir l’ACFA régionale troquer son traditionnel potluck pour un karaoké. «C’est tellement important de soutenir notre francophonie en participant aux activités qui sont organisées pour nous», s’enthousiasme-t-elle. «J’aimerais qu’il y ait davantage d’activités francophones à Canmore», ajoute aussitôt l’enseignante.
Denise Lavallée croit, elle aussi, en l’importance de tenir de tels rassemblements. «Un événement comme ce soir, ça montre à quel point notre francophonie albertaine est dynamique», note la sympathique directrice générale de l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta (AJEFA) qui était présente lors de la soirée. «Ça nous permet aussi de la célébrer tous ensemble», renchérit-elle.
Pour plus d’information :
Semaine nationale de l’immigration francophone : bit.ly/3EEDmrK
ACFA régionale de Canmore-Banff : canmore.acfa.ab.ca
William Prince-Dufort s’est dit satisfait du déroulement du karaoké. Le coordonnateur événementiel a souligné le partenariat effectué entre l’ACFA régionale et le Réseau en immigration francophone de l’Alberta (RIFA) dans le cadre de la soirée.
Il a aussi salué le travail publicitaire qui a été fait en amont afin d’attirer d’autres personnes que les participants réguliers aux événements de l’ACFA régionale. «Environ 80% des personnes présentes ce soir n’avaient jamais participé à nos événements», estime-t-il. «C’est une belle réussite que d’aller au-delà de nos membres « réguliers ».»
À savoir si une deuxième édition pourrait être organisée, le coordonnateur événementiel de l’ACFA régionale n’en dément pas la possibilité. «Une deuxième édition? Possiblement! Nous avons tellement reçu de bons commentaires», répond-il d’un air joyeux.
William Prince-Dufort tient aussi à préciser qu’au-delà de la soirée chantante, le karaoké a eu l’avantage de rapprocher les gens. «Ce soir, on a aussi été [témoin] de belles discussions entre des personnes qui [se sont] rencontrées ou retrouvées», indique-t-il. «Deux nouveaux arrivants se sont même réjouis parce qu’ils n’avaient jamais été mis en contact avec la communauté québécoise [auparavant]», conclut-il.
Glossaire – Démentir : Déclarer qu’un fait, un discours est faux
Le choix d’Étienne Haché, chroniqueur
En relisant cet article, il m’est venu à l’esprit la thèse de Max Weber dans «La profession et la vocation de savant» (1919) au sujet des dégâts de la rationalisation croissante dans le monde moderne. Pour Weber, celle-ci a imprégné l’économie, le droit, la politique et même la religion. Mais le sociologue ne croit pas que la rationalité permette à l’homme de mieux vivre. Le monde est devenu si complexe qu’aujourd’hui personne n’a la moindre idée du nombre de processus nécessaires pour produire un téléphone portable par exemple. Ainsi, le monde du travail, qui est devenu très complexe, est aussi devenu un lieu difficile à vivre, voire inadéquat pour se réaliser pleinement comme individu. Le rationalisme repose sur la conviction que l’on peut donner un sens à son travail. Est-ce encore vrai de nos jours? Rien n’est moins sûr. Je ne sais pas si Gabrielle serait d’accord avec moi pour substituer à l’intuition les sentiments. Chose certaine, les sentiments permettent un retour sur soi afin de mieux se connaître et ainsi se projeter dans le temps. Merci beaucoup à Gabrielle pour cet article très suggestif et en parfaite adéquation avec mes réflexions actuelles sur l’importance des sentiments comme des attributs humains enchanteurs susceptibles d’éclairer nos choix et nos décisions…
(Article paru le 29 mars 2023 sur notre site web : lefranco.ab.ca)
Invitée par le Conseil de développement économique de l’Alberta (CDÉA), Annie Peyton a mis peu de temps pour déstabiliser le public réuni à Plateform Calgary le 8 mars dernier. «Je vous sens endormis, allez tout le monde debout, on n’arrête pas de bouger jusqu’à tant que j’arrête la musique», a lancé celle qui a œuvré dans le milieu artistique pendant deux décennies.
Le but de l’exercice : aider les participants à prendre conscience de leur ego, ce discours intérieur qui agit comme un «chien de garde» en poussant les humains à «tout rationaliser» et en les empêchant de lâcher leur fou. «On a tous des pensées limitantes, soit parce qu’on a peur d’être jugés, qu’on manque de confiance ou qu’on se sent [comme un] imposteur», résume la psychosociologue.
Les participants, d’abord perplexes, ont rapidement pris goût à l’exercice. Quelques minutes plus tard, essoufflés d’avoir autant gesticulé* et le sourire encore accroché aux lèvres, ils ont repris place sur leur siège avec entrain. Une énergie nouvelle flottait dans la salle. La fatigue et la gêne s’étaient dissipées pour laisser place à la jovialité et l’ouverture.
«Quand je vois une audience comme celle-là, ça me touche vraiment parce que c’est le plus beau que je peux trouver», confie Annie.
La conférencière explique que l’ego, qui est issu de l’hémisphère gauche de notre cerveau, est absolument nécessaire puisqu’il «nous garde en sécurité» et permet à chacun «de faire preuve d’intellect et de logique». Mais cette rationalité poussée à l’extrême peut agir comme un «leader négatif» et «masquer la voix de notre intuition», une faculté qui permet aux humains d’être créatifs et spontanés.
«Pour challenger notre ego ou notre esprit rationnel, il faut sortir de notre zone de confort et avoir du plaisir comme avec l’exercice de danse», explique Annie. En consultation, elle propose d’ailleurs à ses clients d’intégrer des activités inusitées à leur routine. «Ça permet d’occuper notre chien de garde interne à autre chose et, pendant ce temps-là, on fait preuve de beaucoup plus d’ouverture et de créativité.»
Les gens peuvent aussi augmenter leur réceptivité à l’intuition en passant du temps dans la nature, en stimulant leurs cinq sens ou en se connectant davantage à leurs émotions. «L’idée, c’est de se reconnecter à soi, à sa voix authentique, pour être le plus près possible de ses aspirations. Il n’y a rien de plus puissant que d’être authentiquement soi-même.»
Avis aux sceptiques, si l’intuition a été longtemps rangée dans la même case que la sorcellerie, cette faculté a depuis été étudiée de fond en comble par des neuroscientifiques, note la psychosociologue. Elle est décrite comme une forme d’intelligence très puissante que tout le monde possède sans nécessairement l’utiliser.
Dans le monde du travail, fortement dominé par les chiffres et la rationalité, l’intuition a encore plus de chances d’être mise de côté, notamment au profit de la productivité, prévient Annie Peyton. Une façon de faire désuète, car elle déconnecte les travailleurs de leurs besoins et nuit à leur efficacité, «ce qui est peut-être très souffrant», raconte-t-elle.
Et «c’est comme ça qu’on en arrive aux épuisements professionnels, aux troubles de l’anxiété et la démotivation», s’indigne-t-elle. Elle insiste alors sur ce besoin de se reconnecter à l’essentiel.
Lorsque l’intuition est employée par des collaborateurs, elle peut offrir de fiers services aux entreprises en imaginant des réponses et des solutions hors de la logique habituelle, un principe clé lié à l’innovation. Penser différemment pour obtenir des résultats différents.
«Les entreprises ont besoin de gens qui ressentent, de décideurs intuitifs qui valorisent le courage et contribuent au bien-être de leurs employés. » Annie Peyton.
Bien qu’elle ait été témoin de changements de mentalités «majeurs» dans divers milieux de travail au cours des dernières années, Annie estime que le chemin est encore long pour valoriser l’intuition au travail dans sa globalité. Pourtant, tout le monde en sortirait gagnant.
«Les entreprises ont besoin de gens qui ressentent, de décideurs intuitifs qui valorisent le courage et contribuent au bien-être de leurs employés, toutes les compagnies gagnent à s’ouvrir à ça. En retour, leurs employés seront plus créatifs et efficaces au travail», analyse-t-elle.
Début 2015, Nancy Mbatika est en congé de maladie et fait face à un mur : retourner à son poste d’agente de bord qui lui assure un revenu stable ou se lancer dans le vide. À la suite d’un «concours de circonstances», décrit par Annie Peyton comme «une série de synchronicités», elle atterrit dans le bureau de la psychosociologue.
«Je ne la connaissais pas, mais dès qu’elle a ouvert la porte, j’ai eu l’impression que c’était une amie de longue date», se remémore Nancy. Au fil des consultations, elle sent l’épais brouillard d’incertitudes qui l’entoure se dissiper peu à peu. «C’était comme si je discutais à voix haute avec quelqu’un qui calmait toute la portion rationnelle de mon cerveau.»
«J’avais de l’incertitude financière et je sentais que je n’avais pas la légitimité pour mener à terme un projet. En gros, je manquais de confiance», ajoute-t-elle. C’est en calmant son discours intérieur que l’ancienne agente de bord a «un gros déclic». «Tout est devenu clair», raconte-t-elle.
Inspirée par un livre fait maison, écrit par ses grands-parents, qui résume l’histoire de leur rencontre, Nancy explique donc à la psychosociologue qu’elle rêve d’offrir un espace à tous les aînés pour qu’ils puissent se raconter. «Une idée extraordinaire», répond Annie, qui l’encourage à aller de l’avant.
Un mois plus tard, Nancy a déjà couché sur papier le premier jet de ce qui deviendra Chroniques d’une femme en or : votre histoire, un livre questions-réponses qui permet aux femmes de 50 ans et plus de se raconter.
Sauf que les défis continuent pour Nancy. Elle cherche désormais à faire publier son manuscrit et essuie coup sur coup le refus de près d’une trentaine de maisons d’édition. «Je croyais en mon projet, mais là, je n’avais pas d’argent, pas de modèle d’affaires…» Elle se sent alors découragée.
Annie l’incite à continuer ses recherches. «À la blague, elle me disait d’imaginer mon livre avec le sceau coup de cœur de Renaud-Bray», mentionne Nancy en faisant référence à ce réseau de librairies francophones.
Contre toute attente, quelques jours plus tard, elle trouve une compagnie qui se spécialise dans l’accompagnement d’auteurs autoédités et fait imprimer son manuscrit. La suite relève de l’incroyable; Renaud-Bray lui en commande quelques centaines de livres et il se voit assorti du fameux sceau «coup de cœur».
Aujourd’hui, Nancy Mbatika a troqué l’uniforme d’agente de bord pour se consacrer à sa passion : donner du sens et de l’importance à l’histoire des personnes âgées. En plus de publier ses livres, elle offre, entre autres, des ateliers pour encourager les aînés à partager leur sagesse.
«Si Annie m’avait dit dès la première rencontre : lâche ta job et écris un livre, je serais sortie de son bureau en courant», s’amuse l’autrice.
Glossaire – Gesticuler* : Bouger beaucoup
Le choix de Gabrielle Audet-Michaud, journaliste
En tant que Québécoise d’origine établie en Alberta, j’aime établir des parallèles entre ma terre d’accueil et celle que j’ai quittée. La Loi sur la souveraineté de l’Alberta dans un Canada Uni a certainement fait couler beaucoup d’encre, des Rocheuses jusqu’au Saint-Laurent, invitant les plus âgés à faire le rapprochement avec le projet souverainiste québécois… C’est pourquoi j’ai jugé pertinent d’analyser les ressemblances et les différences entre l’approche autonomiste de Danielle Smith et celle qui a façonné le Québec d’aujourd’hui. Bien qu’il soit souvent difficile de trouver des intervenants francophones en Alberta, je trouve que les réflexions de Frédéric Boily, combinées à celles des experts Jacques Beauchemin et Jérémy Elmerich, sont très pertinentes et éclairantes.
(Article paru le 26 janvier 2023)
Cela se traduit en partie par la position offensive qu’ont adoptée les provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta au cours des derniers mois. D’une part, le gouvernement du premier ministre Scott Moe a déposé, en novembre 2022, un projet de loi visant à modifier unilatéralement la Constitution afin de réaffirmer la compétence de la Saskatchewan en matière de ressources naturelles.
D’autre part, le Parti conservateur uni de Danielle Smith a adopté, en décembre dernier, la Loi sur la souveraineté de l’Alberta dans un Canada uni, qui lui permet, entre autres, de réviser et de réécrire des lois fédérales jugées nuisibles.
Ces manifestations autonomistes semblent avoir ébranlé la confiance du premier ministre Justin Trudeau. En effet, on apprenait par le journal La Presse, grâce à une note obtenue en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, que le ministère du premier ministre éprouvait des craintes face aux poussées autonomistes de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Québec.
Ces discours pourraient «affecter la capacité du gouvernement du Canada à faire avancer ses objectifs et à maintenir un sentiment collectif d’appartenance au Canada», peut-on lire dans une note datée du 31 octobre 2022.
En outre, s’il y a toujours eu des tensions entre le gouvernement fédéral et l’Alberta par rapport à la gestion des ressources naturelles, Frédéric Boily estime qu’avec le plan de transition énergétique présenté par le Parti libéral de Justin Trudeau pour lutter contre les changements climatiques, la situation s’est envenimée à un seuil jusque-là inédit.
«C’est du jamais vu dans l’histoire», affirme le professeur de science politique du Campus Saint-Jean.
Pourtant, ce n’est pas la première fois que l’appareil fédéral canadien se voit menacé par les demandes autonomistes d’une de ses provinces… On peut penser, notamment, au Québec du 20e siècle à l’ère duplessiste.
«Pendant la période où Maurice Duplessis était au pouvoir (de 1944 à 1959), il régnait au Québec un nationalisme autonomiste similaire à celui que l’on voit aujourd’hui en Alberta», analyse Jacques Beauchemin, professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). «Duplessis réclamait lui aussi une plus grande autonomie pour sa province dans la fédération canadienne», ajoute-t-il.
Sauf que cette tendance au nationalisme autonomiste n’a pas tardé à en faire émerger une seconde.
À partir des années 1960, le nationalisme québécois «se politise», explique Jacques Beauchemin, c’est-à-dire que les partis politiques ne cherchent plus à «défendre la culture canadienne-française au sein du Canada […], mais tentent plutôt d’affirmer le sujet québécois comme politiquement souverain».
En d’autres mots, c’est la naissance du mouvement séparatiste québécois. «À partir de ce moment, le nationalisme canadien-français devient un nationalisme souverainiste», affirme le spécialiste en sociologie politique. Jusqu’à la fin des années 1990, le Québec cherche à mener à terme son projet d’indépendance, ce qui cause la grogne des gouvernements fédéraux qui se succèdent.
Même si l’on pourrait être tenté de lire dans les gestes récents de la première ministre albertaine Danielle Smith les balbutiements d’une idéologie souverainiste telle qu’elle était entendue au Québec au cours de la fin du 20e siècle, Frédéric Boily explique qu’il vaut mieux éviter d’effectuer ce parallèle.
«Oui, on a mis le mot “souveraineté” dans la Loi [sur la souveraineté de l’Alberta dans un Canada uni], mais on n’est pas, pour le moment, dans une démarche de souveraineté telle qu’elle était imaginée au Québec», précise-t-il. «On n’est pas dans une logique de séparation ou de nationalisme à proprement parler, mais plutôt dans une logique autonomiste», explique le politologue.
Il rappelle aussi que le projet souverainiste albertain tarde à gagner en popularité dans la population. «C’est un peu comme un avion qu’on construit tranquillement, mais on ne sait pas jusqu’à quelle altitude il va voler… ou même s’il va décoller», lâche le professeur du Campus Saint-Jean (CSJ).
Au Québec, «ironiquement», après deux référendums échoués et l’arrivée au pouvoir de la Coalition Avenir Québec (CAQ), l’idée de nationalisme autonomiste fait son chemin depuis quelques années. «C’est l’autonomisme du bon vieux temps qui revient en force», annonce Jacques Beauchemin sur un ton rieur.
«Sauf qu’il faut comprendre que c’est une position de repli pour le Québec [contrairement à l’Alberta]. Avec le projet de séparation, on était à l’offensive face à Ottawa alors que là on est à la défensive», ajoute-t-il.
Dans cette optique, explique le sociologue, la CAQ cherche encore à protéger la culture et les intérêts québécois même s’il n’est plus question de séparation. «C’est un peu comme si on essaie d’aller gruger le plus de pouvoirs possible à Ottawa tout en restant au sein du Canada.»
Le doctorant en science politique à l’UQAM, Jérémy Elmerich, estime lui aussi que le nationalisme prôné par la CAQ de François Legault s’inscrit à l’intérieur du giron du fédéralisme. En ce sens, il constate que le Québec renoue avec une «tradition autonomiste qui serait similaire à celle de Maurice Duplessis ou à Honoré Mercier et Henri Bourassa, si on cherche des personnages un peu moins clivants», s’empresse-t-il d’ajouter.
Malgré que la CAQ ait une forte volonté de faire respecter ses champs de compétences provinciales, le doctorant estime que ce processus s’effectue sans chercher la confrontation avec le fédéral. «En fait, on cherche essentiellement à vivre sans Ottawa, tout en restant à l’intérieur du Canada», ironise-t-il.
C’est ici qu’une première distinction doit être faite entre les idéologies autonomistes actuelles du Québec et de l’Alberta : si d’un côté, la CAQ ne cherche pas à partir en guerre contre Ottawa, de l’autre, chez Danielle Smith, «il y a cette recherche de confrontation et de provocation à l’endroit de Justin Trudeau et du gouvernement fédéral», analyse Jérémy Elmerich.
L’une des ressemblances qui pourraient unir les idéologies autonomistes albertaines et québécoises a à voir avec l’insatisfaction commune face à l’attitude paternaliste adoptée par gouvernement fédéral, mentionne le politologue Frédéric Boily.
«Des deux côtés, on s’entend sur le fait que le gouvernement fédéral empiète sur les pouvoirs provinciaux, que le fédéral a une approche presque impérialiste à l’égard des provinces qui sont considérées comme les enfants d’Ottawa», évoque-t-il.
Sauf que l’exercice de comparaison s’arrête ici. Hormis ce dernier point, les approches autonomistes du Québec et de l’Alberta diffèrent plus qu’elles ne se ressemblent, admet le politologue.
L’approche de la CAQ repose avant tout sur l’idée qu’il existe une nation québécoise dont il faut protéger la spécificité (langagière) et l’intégrité (culturelle). «Si on prend l’exemple de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, on voit que François Legault cherche à obtenir plus de pouvoirs en matière de langue, mais c’est notamment dans le but de protéger la langue française», analyse le professeur de science politique.
À l’inverse, le Parti conservateur uni de Danielle Smith ne cherche pas à faire valoir les distinctions culturelles inhérentes de l’Alberta. Ses revendications ont davantage à voir avec le mode de vie économique de la province. «Du côté de l’Alberta, on cherche à protéger l’industrie de l’énergie (pétrole, sable bitumineux et gaz) [pour protéger] les intérêts économiques qui y sont liés», précise Frédéric Boily.
En suivant cette logique, indique le professeur en science politique, cela voudrait dire que l’Alberta privilégie une forme de «provincialisme» ou de «régionalisme» plutôt qu’une idéologie nationaliste comme celle du Québec, qui implique la «protection d’une entité nationale».
Le sociologue Jacques Beauchemin fait d’ailleurs remarquer que l’Alberta critique souvent la supposée sous-représentation de l’Ouest au sein du Parlement canadien. «En Alberta, on a l’impression que tout se joue au Canada central (Québec et Ontario). Que c’est à cet endroit-là que la fédération est menée», avance-t-il.
Frédéric Boily, quant à lui, rappelle que sur le plan électoral, ni l’Alberta ni la Saskatchewan n’agissent comme joueurs majeurs pour permettre au Parti libéral de Justin Trudeau de se maintenir au pouvoir (c’est le Québec, l’Ontario et les Maritimes qui ont favorisé sa réélection en 2021). Reste à voir si ce déséquilibre continuera à nourrir les ardeurs autonomistes des deux provinces de l’Ouest.
Glossaire – S’envenimer : S’aggraver ou s’exacerber
IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
Ancienne élève dans la «toute première classe de 6e année» de l’école Citadelle, la directrice Lisa Magera voit dans ce nouvel édifice une belle histoire de résilience bigénérationnelle*. Malgré qu’elle-même et d’autres parents de l’école n’aient pas eu accès à des infrastructures modernes lorsqu’ils étaient en âge de scolarité, leurs enfants peuvent maintenant en profiter. C’est notamment le cas de la fille de Lisa, une élève de 8e année.
«Je ne sais même pas si je suis capable de mettre en mots le niveau de fierté que je ressens.». Lisa Magera.
«Je ne sais même pas si je suis capable de mettre en mots le niveau de fierté que je ressens», fait savoir la directrice de l’école. «De pouvoir offrir aux élèves des cours complémentaires, un laboratoire de science, d’avoir un gymnase qui nous appartient, je veux dire… Des fois, on se pince encore», ajoute-t-elle.
La directrice mentionne que les infrastructures scolaires ne devraient jamais être le facteur décisionnel qui motive un parent à envoyer ou non son enfant dans une école francophone. Malheureusement, cette réalité survient trop fréquemment à son goût puisque les écoles francophones ont tendance à être moins modernes que leurs homologues anglophones. «Quand je pense à mon éducation, c’est certain que c’était différent en raison des infrastructures», mentionne-t-elle.
«On veut le mieux pour nos enfants; je ne blâme pas les parents qui envoient leurs enfants ailleurs. Ça peut être difficile de choisir un bâtiment vieux de 80 ans qui est mal adapté quand il y en a un autre neuf à côté.». Steve Daigle.
«On veut le mieux pour nos enfants; je ne blâme pas les parents qui envoient leurs enfants ailleurs. Ça peut être difficile de choisir un bâtiment vieux de 80 ans qui est mal adapté quand il y en a un autre neuf à côté», ajoute le président du Conseil scolaire Centre-Nord (CSCN), Steve Daigle, dont les filles ont fréquenté l’établissement scolaire de Legal au début des années 2000. «C’est pour ça qu’on doit avoir des infrastructures équivalentes», laisse-t-il entendre.
Avec ce nouvel édifice au goût du jour qui accueille actuellement une centaine d’élèves, mais dont la capacité d’accueil est le double, l’école Citadelle espère être en mesure d’attirer plus d’élèves des localités avoisinantes. «On est dans notre campagne de recrutement, on a fait des foires aux alentours de notre communauté pour essayer de nous faire connaître et on espère être en croissance dès l’année prochaine», explique la directrice de l’école, Lisa Magera.
L’école Citadelle, l’un des quatre établissements scolaires fondateurs du CSCN, a vu ses installations évoluer fréquemment au fil des années. À partir de 1997, l’école a pris possession de l’ancien couvent des Soeurs grises, un bâtiment quasi centenaire, vétuste et inadapté aux besoins de l’éducation moderne qui a même dû être rénové puisqu’il abritait auparavant un centre de désintoxication. Quelques années plus tard, des locaux ont été aménagés dans le centre communautaire de Legal pour offrir plus d’espace aux élèves.
En parallèle, les parents de la région ont rapidement commencé à réclamer la construction d’une nouvelle infrastructure mieux adaptée aux besoins des élèves de la maternelle à la 9e année. Sauf que le processus a été «très long» et complexe, explique Steve Daigle. «Malheureusement, c’est la réalité en Alberta. Chaque fois qu’on veut ouvrir une école francophone, ça prend beaucoup de temps et d’implication de la communauté, des parents. Ce n’est pas différent dans ce cas-ci», ajoute-t-il.
«Pour mettre les choses en [perspective], on pourrait dire que nos quinze projets les plus pressants au CSCN seraient tous des numéros un sur la liste des conseils scolaires anglophones.». Steve Daigle.
Comme le réseau scolaire francophone de l’Alberta a accumulé du retard dans la modernisation de ses infrastructures, le CSCN a dû faire des choix «déchirants» en priorisant d’autres projets de construction «plus urgents» avant celui de Legal, explique le président. «Pour mettre les choses en [perspective], on pourrait dire que nos quinze projets les plus pressants au CSCN seraient tous des numéros un sur la liste des conseils scolaires anglophones», analyse-t-il.
C’est finalement en 2019 que le projet d’environ 15,5 millions de dollars a été approuvé par le gouvernement albertain. Une extension pourrait éventuellement être construite pour accueillir les élèves de 10e à 12e année qui fréquentent, pour l’instant, l’école Alexandre-Taché à Saint-Albert.
Glossaire – Bigénérationnel* : relatif à deux générations
IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
Dans une annonce conjointe, l’honorable Ginette Petitpas Taylor et le premier ministre Justin Trudeau ont dévoilé des investissements records de 4,1 millions $ qui sont, dans l’ensemble, «très positifs pour la francophonie albertaine», affirme le président de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), Me Pierre Asselin.
Selon lui, le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 (PALO) reconnaît plus que jamais à quel point «la francophonie est fragile au pays» et démontre la volonté du gouvernement fédéral à renverser son déclin. D’ailleurs, les sommes prévues pour améliorer l’accès aux services en français dans les provinces et les territoires représentent «une grande victoire» pour la communauté francophone albertaine, car elles permettront de répondre aux besoins particuliers de la francophonie. «C’est ce qui va faire la plus grosse différence sur le terrain», dit-il.
En effet, bien que des discussions devront avoir lieu avec le gouvernement provincial après les élections du 29 mai en vue de la renégociation de l’Entente Canada-Alberta, Me Asselin précise qu’une «bonification financière considérable» pourrait être accordée afin d’accroître les services provinciaux en français.
«On a eu plusieurs conversations avec le ministre Jason Luan, qui est responsable du Secrétariat francophone, et d’autres élus. Je pense que la province est prête à faire un changement et à mettre plus d’argent pour améliorer l’accès aux services en français et maintenant, on aurait l’enveloppe du fédéral pour le faire», analyse le président de l’ACFA.
«C’est très positif […] Ça veut dire que le gouvernement fédéral reconnaît l’existence des droits linguistiques au Canada pour les francophones qui ont besoin d’être représentés dans un milieu anglophone […].». Me Elsy Gagné.
«C’est très positif […] Ça veut dire que le gouvernement fédéral reconnaît l’existence des droits linguistiques au Canada pour les francophones qui ont besoin d’être représentés dans un milieu anglophone […]», affirme l’avocate.
Même si les détails de ces investissements demeurent inconnus pour le moment, la présidente de l’AJEFA espère qu’ils permettront d’accroître l’accès à des ressources juridiques en français. «En droit de la famille et en droit criminel, on a de plus en plus de francophones et beaucoup d’immigrants francophones qui invoquent leur droit d’être représentés en français parce que les lois fédérales le permettent», dit-elle.
Me Gagné se réjouit aussi de la bonification de 5 millions de dollars sur cinq ans du financement de base aux organismes qui appuient l’accès à la justice dans les deux langues officielles. «Cette augmentation, même si elle n’est pas énorme, […] [o]n espère qu’elle va nous permettre d’avoir un peu plus de latitude, de stabilité et de moyens», dit-elle en rappelant que le versement actuel de 80 000$ par année n’est pas suffisant pour couvrir «tous les programmes, les projets et les ateliers» organisés par l’AJEFA.
Pour freiner le recul du français au pays, des mesures seront prises pour renforcer l’enseignement du français langue seconde et le financement des programmes d’immersion française. Dans ce cadre, une enveloppe supplémentaire de 16,3 millions de dollars a été allouée pour créer un «corridor» visant à améliorer la sélection et la rétention d’enseignants de français à travers le Canada. L’objectif est d’attirer des enseignants qualifiés et de maintenir un niveau élevé d’enseignement en français dans tout le pays.
«Pour nous autres ici en Alberta, il y a un grand défi avec nos programmes ruraux, spécifiquement en ce qui concerne la rétention et le recrutement.». Michael Tryon.
Le directeur général de la section albertaine de Canadian Parents For French (CPF), Michael Tryon, estime que cette initiative arrive à point nommé*. «Pour nous autres ici en Alberta, il y a un grand défi avec nos programmes ruraux, spécifiquement en ce qui concerne la rétention et le recrutement», mentionne-t-il.
Du travail devra être fait rapidement pour trouver des solutions à la pénurie d’enseignants sans quoi certains programmes d’immersion française devront être fermés, ajoute-t-il. «Il y a des [allégations] comme quoi si les choses ne changent pas d’ici les cinq prochaines années, il va falloir couper à certains endroits», affirme le gestionnaire.
«On cherchait un total de 300 millions de dollars pour le réseau communautaire à travers le pays et nous sommes à 62,5 millions, donc c’est décevant.». Pierre Asselin.
Pierre Asselin souligne que la demande d’augmentation du financement de base des organismes n’a pas été entendue en totalité par le gouvernement fédéral. «On cherchait un total de 300 millions de dollars pour le réseau communautaire à travers le pays et nous sommes à 62,5 millions, donc c’est décevant», explique le président de l’ACFA.
D’après lui, ce sous-financement forcera les organismes à continuer de fonctionner avec des ressources humaines et financières très limitées. «Ça met à risque leur capacité de répondre à leur mandat, […] alors que ces organismes sont tellement importants pour notre vitalité parce qu’ils permettent aux francophones d’avoir une vie communautaire», analyse-t-il.
Selon lui, il est très fréquent que les organismes n’aient pas assez de capacités financières pour répondre à tous les besoins qui sont présents dans la communauté. «Les ressources sont étirées et ça ne peut pas durer à long [terme]. Et le problème, c’est que si on ne rend pas les services parce qu’on manque d’argent, ça contribue à l’assimilation», conclut-il.
Glossaire – À point nommé* : qui intervient à un moment opportun
IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
«Il y a de belles façons de réduire le coût de son épicerie en cultivant son propre jardin, surtout lorsqu’on s’informe et qu’on s’y prend bien», affirme la directrice générale du Calgary Horticultural Society, Natasha Guillot. Son organisme cherche à démocratiser l’accès au jardinage pour aider les citoyens de Calgary et des Prairies à faire pousser leurs propres récoltes, et ce, malgré les conditions météorologiques difficiles que l’on connaît. «On parle d’épisodes de grêle, de sécheresse, de pluie abondante, de chinook*, etc. Bref, ça prend beaucoup d’éducation pour jardiner ici, surtout si on vient de l’est du pays», avance la Québécoise d’origine.
«Je ne sais pas s’il va y avoir un regain d’intérêt avec l’inflation alimentaire. Et surtout, je me demande encore si la génération Y et la génération Z vont finir par se convertir.». Natasha Guillot.
Bien que les jeunes commencent peu à peu à réaliser les avantages financiers du jardinage communautaire, elle souligne que l’engouement pour cette activité est surtout présent chez les personnes plus âgées. Et même là, l’intérêt semble s’être stabilisé après «le boom» de l’année de pandémie. «Je ne sais pas s’il va y avoir un regain d’intérêt avec l’inflation alimentaire. Et surtout, je me demande encore si la génération Y et la génération Z vont finir par se convertir. Pour le moment, on voit un léger intérêt, mais c’est loin d’être significatif», explique Natasha.
Elle estime que certains jeunes semblent être découragés par le «supposé» niveau d’effort qu’exige le jardinage. Cependant, elle rappelle que les jardins communautaires sont «beaucoup plus accessibles que ce que l’on pourrait penser» et que son organisme fournit de l’aide aux débutants. «Alors, faites au moins le tour de votre quartier, ne serait-ce que pour vous informer sur ce qui s’y trouve. C’est à peu près certain que vous trouverez un jardin», dit-elle en précisant que plus de 150 jardins publics sillonnent Calgary.
Pour les personnes qui ne pourraient ou qui ne voudraient pas se déplacer, Natasha signale également que rien ne les empêche de cultiver chez eux. «Je pense que le plus gros mythe à défaire, c’est qu’on a absolument besoin d’avoir une cour pour jardiner. On peut cultiver de la laitue, des radis et des plants de tomates dans un petit pot sur notre balcon ou même dans une fenêtre bien éclairée de notre maison», ajoute-t-elle.
«Il y a toujours eu de l’insécurité alimentaire, mais ce phénomène s’est exacerbé dans les douze derniers mois en Alberta.». Andrea Blonsky.
Andrea Blonsky, présidente de la Cochrane Community Gardens Society (CCGS), considère, elle aussi, que la population aurait avantage à se tourner vers des méthodes alternatives d’approvisionnement, telles que le jardinage communautaire, pour faire face à l’augmentation actuelle des prix des aliments. «Il y a toujours eu de l’insécurité alimentaire, mais ce phénomène s’est exacerbé dans les douze derniers mois en Alberta», note-t-elle. Le prix des légumes frais a notamment augmenté de 8,3% en 2022 selon l’Indice du prix à la consommation.
Tout comme la société d’horticulture de Calgary, la CCGS cherche à universaliser l’accès au jardinage en offrant des espaces locatifs à faible prix à ses utilisateurs. «Il en coûte autour de 30$ par année pour avoir accès à une grande boîte», affirme Andrea. Il suffit ensuite d’acheter des semences biologiques pour quelques dollars pour avoir des légumes à longueur d’année. «En déboursant 3$, je suis capable de cumuler des carottes pour l’année entière. Il suffit de trouver des méthodes de conservation pour les légumes», explique la présidente.
Andrea ignore si davantage de résidents de Cochrane et des alentours se tourneront vers les jardins communautaires pour contrer l’inflation, mais elle se dit prête à tout pour accommoder le plus de gens possible. «Habituellement, nos 90 boîtes se remplissent assez rapidement, mais si la demande augmente, on en construira quelques-unes en plus. On va s’arranger pour que tout le monde soit desservi», soutient-elle.
«C’est merveilleux de voir les jardiniers expérimentés offrir de l’aide aux petits.». Andrea Blonsky.
Il convient de noter que la CCGS s’efforce également d’intéresser les plus jeunes au jardinage en organisant des activités à la bibliothèque municipale de Cochrane et en permettant aux élèves de l’école primaire Glenbow de faire pousser des légumes dans quinze boîtes qui leur sont réservées. Ces initiatives ont pour objectif d’encourager la communauté à tisser des liens, mais aussi d’accroître les contacts intergénérationnels entre les résidents de la ville. «C’est merveilleux de voir les jardiniers expérimentés offrir de l’aide aux petits», conclut Andrea.
Glossaire – Chinook* : vent chaud et sec qui souffle par rafales
IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
«Il faudrait commencer par nous connaître et nous reconnaître, [mais] la stratégie, c’est de nous donner un peu [d’air] de temps en temps, juste pour dire : “tenez-vous tranquilles, on s’occupera de vous quand on aura le temps”.». Françoise Sigur-Cloutier.
Les Franco-Albertains sont souvent les grands laissés-pour-compte* lors des élections provinciales, se désole Françoise Sigur-Cloutier. Elle regrette que les partis politiques ne considèrent pas suffisamment leurs besoins. «Il faudrait commencer par nous connaître et nous reconnaître, [mais] la stratégie, c’est de nous donner un peu [d’air] de temps en temps, juste pour dire : “tenez-vous tranquilles, on s’occupera de vous quand on aura le temps”», explique-t-elle.
Pour pallier ce manque, elle encourage les électeurs francophones à communiquer directement avec leurs représentants politiques pour leur faire part de leurs préoccupations. En effet, celle qui siège sur les conseils d’administration du Centre d’accueil pour nouveaux arrivants francophones (CANAF) et de La Fondation franco-albertaine souligne que la participation active de la communauté francophone dans le processus démocratique est «essentielle pour obtenir les changements significatifs que l’on souhaite».
Françoise, elle, aimerait voir le prochain gouvernement s’occuper plus efficacement de la crise du logement qui commence à se dessiner à Calgary et à Edmonton. «On prévoit de faire venir beaucoup plus de nouveaux arrivants au pays et dans les grandes villes, mais on n’est pas équipés de logements abordables pour tous ces gens-là dont la première priorité est quand même d’avoir un toit sur la tête», fait-elle valoir.
Le directeur général de Francophonie Albertaine Plurielle (FRAP), Alphonse Ndem Ahola, est bien au courant de l’afflux croissant d’immigrants qui s’installent dans la province. En outre, il a remarqué une augmentation de l’immigration francophone africaine et une forte migration interprovinciale provenant l’est du pays, notamment du Québec. Il considère cette croissance comme positive et espère que cela maintienne le poids démographique de la communauté francophone en Alberta autour de 2%.
«On sait que le fédéral cherche à augmenter le nombre d’immigrants francophones (hors Québec] et j’aimerais que notre gouvernement provincial s’assure d’aller en chercher une portion pour continuer d’agrandir notre communauté.». Alphonse Ndem Ahola.
«On sait que le fédéral cherche à augmenter le nombre d’immigrants francophones (hors Québec] et j’aimerais que notre gouvernement provincial s’assure d’aller en chercher une portion pour continuer d’agrandir notre communauté», s’exclame-t-il. Toutefois, si l’Alberta veut continuer d’être une terre d’accueil pour ces francophones, il est primordial de les loger convenablement et de mettre en place des services d’établissement accessibles dans leur langue, explique Alphonse, en faisant écho aux propos de Françoise Sigur-Cloutier.
D’ailleurs, en balisant l’octroi de certains services de base au niveau légal, il estime que le gouvernement démontrerait sa volonté de collaborer avec les Franco-Albertains. «Je sais qu’il y a la Politique [en matière de francophonie du gouvernement de l’Alberta], mais je pense que cette politique devrait être accompagnée d’une loi, de sorte que la population francophone soit de plus en plus prise en compte», affirme le directeur général.
Alors que de plus en plus d’immigrants francophones africains arrivent dans la province, Alphonse souligne l’importance pour le gouvernement de rester vigilant en matière de racisme. «Il est crucial de s’assurer que ces immigrants ne soient pas victimes de barrières systémiques et de discrimination», soutient-il.
En outre, le dirigeant de la FRAP a remarqué que les hommes et les femmes d’affaires d’ascendance africaine sont souvent confrontés à la «barrière linguistique». Malgré leurs qualifications et leurs compétences, ces personnes ont tendance à être discriminées sur le marché du travail en raison de leur maîtrise imparfaite de l’anglais ou de leur accent prononcé. «Ça plombe réellement leurs ambitions», s’attriste Alphonse.
Ce phénomène a aussi été observé par Françoise Sigur-Cloutier qui propose que les cours d’anglais offerts aux nouveaux arrivants soient complètement repensés afin qu’ils soient adaptés à la réalité de certains groupes. «On n’a pas les mêmes besoins si on est un professionnel de la santé ou un travailleur de la construction. Il faudrait essayer d’être plus stratégiques dans la manière dont on offre les cours d’anglais pour que ce soit utile dans la vie de tous les jours, mais aussi au niveau professionnel», affirme-t-elle.
Dicky Dikamba, le directeur général du CANAVUA (Canadian Volunteers United in Action), aimerait, de son côté, voir le gouvernement provincial soutenir davantage les organismes gérés par les communautés noires. Selon lui, cela permettrait à ces organisations de concrétiser «encore mieux» leur travail auprès des populations afrodescendantes et de répondre à leurs besoins d’une manière «culturellement appropriée» afin de les aider à surmonter les barrières systémiques existantes.
«Nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Les mesures annoncées bouchent des trous et répondent à un besoin dans un temps déterminé, mais on a besoin de réfléchir à un moyen à long terme pour aider les populations vulnérables.». Dicky Dikamba.
Mais au-delà de la bonification de l’aide aux organismes dirigés par des personnes noires, Dicky rappelle que le prochain gouvernement, qu’il soit néo-démocrate ou conservateur, devra poursuivre les efforts engagés par Danielle Smith pour lutter contre l’inflation. «Nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Les mesures annoncées bouchent des trous et répondent à un besoin dans un temps déterminé, mais on a besoin de réfléchir à un moyen à long terme pour aider les populations vulnérables», mentionne-t-il.
Il s’étonne aussi de voir de plus en plus d’Albertains en emploi se prévaloir des services de la banque alimentaire du CANAVUA qui offre, entre autres, des denrées aux familles francophones de la province. «Ces personnes peinent à s’en sortir avec leur loyer et leurs factures d’épicerie, et ce, même si elles ont un travail. La situation est vraiment très précaire», explique Dicky.
Françoise Sigur-Cloutier estime, elle aussi, que les mesures annoncées pour lutter contre l’inflation devraient être repensées. «Je ne sais pas dans quelle mesure les chèques envoyés ont été aidants pour les personnes à faible ou moyen revenu. Ce que je sais, c’est que les groupes qui organisent des banques ou des paniers alimentaires sont débordés. Leurs services sont multipliés…», dit-elle, sans se douter que le directeur général du CANAVUA exprimerait le même sentiment.
La Fédération des parents francophones de l’Alberta (FPFA) espère, de son côté, que le prochain gouvernement prenne en compte la problématique des déserts en garderies francophones. Dans un rapport publié en février dernier, la FPFA mentionnait, entre autres, que moins d’un enfant francophone sur sept pouvait bénéficier d’un service de garde à temps plein à Edmonton.
«On a déposé notre analyse parce qu’on veut aider le gouvernement et les guider dans la bonne direction. On ne veut pas qu’ils essaient de deviner nos besoins sinon ils vont croire qu’ils sont similaires à ceux de la majorité. On a hâte d’avoir des discussions avec eux et d’avoir des nouvelles de ça», explique la directrice générale de la FPFA, Mireille Péloquin.
Le manque d’offre francophone à la petite enfance est difficile à vivre pour les familles qui doivent parfois se déplacer sur de longues distances pour permettre à leurs enfants d’avoir accès à une garderie dans leur langue.
«On veut que le gouvernement reconnaisse que les parents francophones ne peuvent pas simplement choisir la garderie qui se trouve au coin de la rue. On veut qu’il reconnaisse notre particularité.». Mireille Péloquin.
Certains parents se voient même forcés d’envoyer leurs enfants dans des services de garde anglophones. «On veut que le gouvernement reconnaisse que les parents francophones ne peuvent pas simplement choisir la garderie qui se trouve au coin de la rue. On veut qu’il reconnaisse notre particularité», conclut la directrice générale.
Glossaire – Laissé-pour-compte* : personne à laquelle personne ne prête attention
IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
Au cours des derniers jours, la zone de protection forestière de l’Alberta a été le théâtre d’une série de feux actifs, dont le nombre a oscillé* entre 70 et 90. Une vingtaine d’incendies échappent toujours au contrôle des autorités, surtout dans les régions forestières de Grande Prairie, de Edson et de Slave Lake.
«Surtout parce qu’on s’attend à des températures plus chaudes et sèches dans les prochains jours et semaines. Ça va faire grimper le danger de feu partout dans le nord de la province.». Josée St-Onge.
Si des températures fraîches et quelques précipitations ont permis aux pompiers de réaliser des progrès sur le terrain dans la semaine du 8 mai, la situation demeure critique, explique Josée St-Onge, qui travaille comme agente d’information provinciale pour Alberta Wildfire. «Surtout parce qu’on s’attend à des températures plus chaudes et sèches dans les prochains jours et semaines. Ça va faire grimper le danger de feu partout dans le nord de la province», explique-t-elle.
À partir de la mi-mai, certaines régions pourraient, en effet, connaître un deuxième épisode de chaleur extrême avec des valeurs avoisinant les 30 degrés. Dans de telles conditions, les brasiers actuels pourraient reprendre de la vigueur et de nouveaux feux pourraient également se déclencher.
En raison des conditions météorologiques, les autorités albertaines s’attendent à maintenir leurs efforts pour une période prolongée, «pendant des semaines, voire même des mois», confie Josée St-Onge. «Lorsque les feux atteignent une telle envergure, ça prend beaucoup de ressources et de temps pour les éteindre complètement, surtout quand on continue d’avoir des températures au-delà de la normale», analyse-t-elle.
L’agente d’information mentionne que des pompiers de la Colombie-Britannique, du Yukon, du Québec, de l’Ontario et des États-Unis ont dû être appelés en renfort. Des militaires de l’Armée canadienne ont aussi été déployés pour prêter main-forte aux pompiers albertains.
Bien que l’Alberta ait connu plusieurs années records en matière de feux de forêt, notamment en 2011 et 2016, avec plus de 1000 incendies par saison, le nombre d’hectares brûlés depuis janvier 2023 est «beaucoup plus élevé que la moyenne des cinq dernières années», met en garde Josée St-Onge. En date du 15 mai, plus de 534 0000 hectares avaient été réduits en cendres, soit près du double d’une année considérée comme «normale».
«Situation encore plus inhabituelle», prévient-elle, les brasiers se sont dispersés un peu partout dans la province cette année plutôt que d’être restés confinés à certaines zones. « Normalement et historiquement, il y a des secteurs spécifiques où se trouvent plusieurs feux, mais là, c’est un peu partout dans la zone de la forêt boréale», avance celle qui travaille pour Alberta Wildfire.
«La prévention est donc de mise.». Julien Bergeron.
Cette tendance est le résultat des conditions extrêmement chaudes et sèches qui ont prévalu dans la province ces dernières semaines, ainsi que des épisodes de vents violents qui ont attisé l’activité des feux. Bien que la foudre soit soupçonnée d’être à l’origine d’une vingtaine d’incendies, il est important de souligner que c’est l’activité humaine qui reste la principale cause de ces catastrophes. «La prévention est donc de mise», explique Julien Bergeron, le chef adjoint des pompiers du comté de Northern Sunrise.
«Quand on parle des causes humaines, les options sont pratiquement infinies», souligne-t-il. Un feu de forêt peut être déclenché par un simple mégot de cigarette, mais aussi pas un véhicule qui fait surchauffer de l’herbe sèche, une bouteille en verre abandonnée sous le soleil brûlant, ainsi que par des gestes imprudents tels que l’«utilisation de feux d’artifice et de lanternes chinoises en pleine saison de sécheresse», ajoute-t-il.
Il existe plusieurs mesures préventives pour réduire les risques de déclencher un brasier. Toute personne qui passe du temps dans la nature ou qui a l’intention d’aller faire du camping devrait d’abord se renseigner sur les interdictions de feu en vigueur dans la province. Dans la mesure où les feux de camp sont permis, il faut «s’assurer de choisir un [emplacement] comportant de la terre ou de la gravelle» et de maintenir une distance d’«au moins un mètre avec le gazon», avertit le pompier.
«il faut ramasser nos déchets et surtout s’assurer qu’on a bien éteint le feu.». Julien Bergeron.
Pour contenir les flammes, il est suggéré d’apporter un bac de métal ou de placer des pierres pour créer un périmètre qui agira comme coupe-vent. «C’est pour s’assurer qu’il n’y ait pas une étincelle qui voyage et qui provoque un plus gros incendie», note le chef adjoint. Et lorsqu’on quitte les lieux, «il faut ramasser nos déchets et surtout s’assurer qu’on a bien éteint le feu».
Pour ce faire, la meilleure méthode est d’arroser le feu une première fois, puis de remuer ses cendres avant d’ajouter de l’eau à nouveau, et ce, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus «aucun signe de fumée ou de chaleur», explique Julien Bergeron. Pour les personnes qui travaillent à l’extérieur, il est également recommandé de bien nettoyer le moteur de leurs véhicules tout-terrain afin d’éviter que leur équipement ne provoque un incendie accidentel.
Liste pour se préparer à partir de la maison en cas de feu de forêt*
- Avoir assez d’eau et de nourriture pour pouvoir rester seul pendant trois jours.
- Prévoir des vêtements pour quelques jours.
- Rassembler ses documents importants (papiers d’identité, carte d’assurance maladie, etc.) dans un endroit sûr et accessible.
- Ne pas oublier de prendre ses médicaments ou tout autre article important pour sa santé.
- S’assurer que son véhicule contient assez d’essence pour pouvoir se déplacer en cas d’évacuation.
- Apporter son chargeur de téléphone.
- Préparer une liste de numéros de téléphone d’urgence.
- Si possible, arroser la végétation autour de sa maison et même la maison pour réduire les risques d’incendie.
- Avoir une lampe de poche.
*selon les conseils de Julien Bergeron
La fête des Mères n’a malheureusement pas entamé la vivacité des 90 feux de forêt encore en activité dont plus d’une vingtaine ne sont pas maîtriser. Nous devons tous faire preuve de vigilance et éviter les risques.
Glossaire – Osciller* : varier entre deux limites
IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
«En Alberta, je pense que peu importe nos origines, on doit choisir de parler [le] français. Ce n’est pas facile.» Dan Williams.
Dan Williams, candidat dans la circonscription de Rivière-la-Paix, met rapidement les cartes sur table : à l’exception de lui-même et de ses frères qui ont étudié à l’école d’immersion française de la maternelle à la 12e année, il n’y a pas «une seule goutte» d’héritage francophone qui coule dans ses veines.
Mais ça ne l’empêche pas de vouloir s’impliquer au sein de la francophonie. En effet, malgré qu’il se soit autrefois considéré «mauvais élève», désenchanté* par la «complexité» de la grammaire française, Dan affirme aujourd’hui s’identifier fièrement et «par choix» comme Franco-Albertain. La notion de «choix» est cruciale pour les membres de la minorité linguistique, dit-il.
«En Alberta, je pense que peu importe nos origines, on doit choisir de parler [le] français. Ce n’est pas facile. Il y a des Franco-Albertains de multiples générations qui choisissent de maintenir leur langue en vie et d’autres personnes comme moi qui l’apprennent et choisissent de la [valoriser] au quotidien», explique l’ancien secrétaire parlementaire de la francophonie.
Originaire de Montréal, au Québec, Marie Renaud, candidate à la députation dans la circonscription de Saint-Albert, a un lien d’attachement tout autre avec la langue française. Cependant, depuis que sa famille a déménagé en Alberta, il y a quelques décennies, elle reconnaît, elle aussi, travailler très fort pour maintenir vivante sa maîtrise de la langue.
«Malheureusement, j’ai perdu beaucoup de mon français avec les années», confie-t-elle avant de souligner que cela ne l’empêche pas de s’investir énormément pour soutenir la vitalité de la communauté dans son rôle de porte-parole des enjeux francophones pour le Parti néo-démocrate.
«On sait qu’on a beaucoup de travail à faire. […] L’ACFA a été claire.» Marie Renaud.
D’ailleurs, au cours des quatre dernières années de son mandat, la députée s’est engagée activement à «prendre le pouls» de la communauté franco-albertaine et à mieux comprendre les préoccupations qui lui sont propres. Cette démarche lui a permis de cerner trois dossiers prioritaires : l’éducation, l’accès aux services de santé et l’abordabilité.
Plus récemment, elle a également entamé des discussions avec l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) concernant le nouveau Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 (PALO). En cas de victoire du NPD, Marie assure qu’un travail collaboratif et coordonné sera mis en place entre l’ACFA, le gouvernement de l’Alberta et le gouvernement fédéral pour garantir le respect des modalités du PALO.
«On sait qu’on a beaucoup de travail à faire. […] L’ACFA a été claire. On comprend que la communauté francophone continue de s’agrandir et parallèlement à ça que les besoins [en termes] de services ont augmenté», mentionne-t-elle.
Si le NPD est élu, le parti s’engagera notamment à investir des fonds pour attirer davantage de professionnels de la santé francophones capables de «desservir les citoyens dans leur langue», laisse savoir la candidate. En ce qui concerne l’éducation, le Parti néo-démocrate annoncera dans sa plateforme des investissements ciblés pour améliorer les infrastructures des écoles francophones répondant ainsi à un besoin croissant à travers la province.
«Ce [n’est] pas un investissement pour l’immersion ni pour les écoles anglophones. C’est pour les jeunes qui veulent apprendre en français.» Marie Renaud.
«Ce [n’est] pas un investissement pour l’immersion ni pour les écoles anglophones. C’est pour les jeunes qui veulent apprendre en français. Et on ne prévoit pas seulement des fonds pour Calgary et Edmonton, car on sait qu’on a besoin d’écoles francophones dans tous les coins de l’Alberta», affirme Marie Renaud.
Elle souligne aussi que lors de ses échanges avec les francophones tout au long de la campagne électorale, plusieurs interlocuteurs ont exprimé leur opposition à la création d’un service de police provinciale, une proposition avancée par le PCU, mais absente de la plateforme actuelle de Danielle Smith. «Les communautés francophones veulent garder la GRC (Gendarmerie royale du Canada). […] Les agents [fédéraux] sont bilingues, ce qui est important», analyse la candidate dans Saint-Albert.
«On sait que cette idée de croissance est très importante pour les francophones qui cherchent […] à renforcer leur poids dans la province.» Dan Williams.
Comme il ne travaille plus au sein du Secrétariat francophone, Dan Williams ne s’avance pas sur des engagements aussi précis. Cependant, il souligne l’importance de la création d’emplois et de l’immigration, deux politiques conservatrices qui devraient susciter un réel intérêt au sein de la communauté franco-albertaine.
«On sait que cette idée de croissance est très importante pour les francophones qui cherchent […] à renforcer leur poids dans la province. D’ailleurs, les Franco-Africains et Franco-Haïtiens donnent énormément d’énergie et de dynamisme à notre francophonie. Au [PCU], on veut continuer de progresser, d’être dynamique et de créer des opportunités d’emplois», explique-t-il.
Même s’il reconnaît que les Franco-Albertains ont des besoins particuliers, comme la protection de leur patrimoine et leur héritage culturel, le candidat dans Rivière-la-Paix fait remarquer que des questions telles que la sécurité publique, l’économie, l’emploi et la santé reviennent fréquemment, indépendamment de l’origine linguistique des électeurs.
«Les Franco-Albertains sont quand même des Albertains. Qu’ils parlent le français, le déné, le tagalog ou l’anglais, les [besoins] demeurent assez similaires.»
Marie Renaud exprime son enthousiasme de constater que quatre candidats du NPD parlent la langue de Molière. Elle cite notamment le nom de Fred Kreiner, candidat dans Yellowhead Ouest, un ancien enseignant qui a siégé au Conseil scolaire Centre-Nord et agi à titre de directeur de la pratique au Campus Saint-Jean. «J’ai hâte qu’il soit élu comme député», affirme-t-elle en insistant sur le besoin de faire élire un maximum de voix francophones dans tous les coins de l’Alberta.
«J’espère qu’on sera plusieurs élus dans l’Assemblée à parler en français parce qu’on n’est pas beaucoup en ce moment», ajoute-t-elle. Même son de cloche du côté de Dan Williams qui se sent privilégié de pouvoir interagir activement avec les citoyens de sa circonscription en français. «C’est important, parce que les gens ont vraiment l’impression d’être représentés», signale-t-il.
Il rappelle toutefois que plusieurs députés, même s’ils ne parlent pas couramment le français, s’intéressent à la défense des francophones. «Même si votre député ne parle pas votre langue, il peut quand même vous représenter efficacement. Le plus important, c’est l’intérêt et la volonté de préserver la culture francophone», fait valoir le candidat conservateur.
Le 15 mai prochain, retrouvez les candidats Dan Williams du Parti conservateur uni et Marie Renaud du Nouveau Parti démocratique à la Cité des Rocheuses, à Calgary pour un débat d’une heure proposé par l’équipe d’ICI Alberta.Celui-ci sera animé par Jean-Emmanuel Fortier.
Glossaire – *Désenchanter : manque d’enthousiasme
Pendant 30 semaines, les mères participant au programme HIPPY ont droit à une rencontre hebdomadaire avec une visiteuse à domicile pour les aider à renforcer les compétences éducatives de leurs enfants dans divers domaines tels que la lecture, les mathématiques, les sciences, la motricité* et le langage.
Cette approche personnalisée permet non seulement aux enfants âgés de 3 à 5 ans de s’épanouir, mais également aux mères de gagner en confiance quant à leurs capacités parentales, notamment grâce à des jeux de rôle organisés avec les visiteuses.
Malgré leur apparence basique, ces activités sont d’une grande valeur pour les mères immigrantes qui font face à des obstacles linguistiques et culturels majeurs. Elena Popova, coordonnatrice du programme HIPPY pour le PIA, illustre l’impact positif de cette approche en citant l’exemple d’une mère libanaise qui avait du mal à s’exprimer dans une langue unique et dont les enfants avaient accumulé du retard dans leur développement langagier.
Grâce à leur participation au programme, ces enfants ont connu une progression importante. «C’est la maman la plus engagée dans le programme maintenant. Elle suit le curriculum de première année avec son enfant de 3 ans et de deuxième année avec son enfant de 4 ans», note la coordonnatrice.
Pour les femmes nouvellement arrivées, il est crucial de se sentir rassurées et en sécurité dans leur pays d’adoption, tout en veillant à ce que leurs enfants puissent s’adapter et évoluer sans rencontrer trop d’obstacles, confie de son côté la visiteuse à domicile Fatima Zahra El Kouifat. «Je suis là pour les accompagner», soutient-elle.
Cette femme d’origine marocaine dit bien comprendre les défis rencontrés par les familles nouvellement arrivées puisque son propre processus d’immigration a ralenti le développement éducatif de sa fille qui a dû rattraper ses lacunes d’apprentissage à son arrivée au pays. «Ma fille n’a jamais été scolarisée au Maroc, elle a fréquenté la garderie deux mois avant que je démissionne et que j’entame mon processus d’immigration», explique l’ancienne ingénieure industrielle.
«C’est vraiment une bonne méthode parallèle [à la garderie ou la maternelle] pour s’assurer que son enfant s’intègre bien au Canada et soit à jour dans ses connaissances». Fatima Zahra El Kouifat.
Selon elle, les tâches liées à l’immigration ont souvent un impact sur le temps qu’il est possible d’accorder au développement des enfants, ce qui peut avoir des conséquences à long terme. Heureusement, la fille de Fatima fréquente maintenant la maternelle et participe au programme HIPPY, ce qui lui a permis de combler son retard développemental. «C’est vraiment une bonne méthode parallèle [à la garderie ou la maternelle] pour s’assurer que son enfant s’intègre bien au Canada et soit à jour dans ses connaissances», confie Fatima.
Les défis pour certaines mères ne s’arrêtent pas là, car quelques-unes d’entre elles n’ont jamais eu la chance d’aller à l’école dans leur pays d’origine, étant confinées à des rôles traditionnels tels que «donner naissance, prendre soin des enfants et cuisiner».
«Quand elles réalisent qu’elles peuvent faire plus que le rôle qu’on leur attribuait au départ, c’est magique.». Elena Popova.
Cependant, Elena Popova, coordonnatrice du programme HIPPY, souligne que ces femmes font beaucoup de chemin une fois qu’elles prennent connaissance des différentes activités éducatives qu’elles peuvent organiser avec leurs enfants. «Quand elles réalisent qu’elles peuvent faire plus que le rôle qu’on leur attribuait au départ, c’est magique. Le curriculum à suivre les rassure et leur donne la structure dont elles ont besoin pour guider l’éducation de leurs enfants», explique-t-elle.
En plus des visites à domicile et du curriculum que les mères doivent suivre chaque semaine avec leurs enfants, le programme HIPPY offre des activités culturelles de groupe afin que les familles nouvelles arrivantes puissent socialiser et établir de premiers contacts dans leur pays d’adoption.
«Généralement, les mères et leurs familles sont isolées parce qu’elles n’ont pas encore d’amis, de connaissances et de communauté. Ils sont en manque de contact humain». Elena Popova.
«Généralement, les mères et leurs familles sont isolées parce qu’elles n’ont pas encore d’amis, de connaissances et de communauté. Ils sont en manque de contact humain», explique la coordonnatrice du PIA. Ces échanges permettent aussi aux familles d’échanger et de s’entraider. «Souvent, c’est la partie préférée des mères qui sont à la maison, car elles peuvent enfin rencontrer des gens et poser des questions sur la vie d’ici», affirme, quant à elle, Fatima.
Le programme HIPPY, qui existe depuis les années 1960, a été introduit au Canada au début des années 2000. Depuis janvier 2022, l’initiative est accessible aux francophones de l’Alberta grâce aux bailleurs de fonds du PIA, soit Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, le gouvernement de l’Alberta et la ville de Calgary. Les nouveaux arrivants, qu’ils soient résidents permanents, détenteurs d’un permis de travail, citoyens canadiens ou autres, peuvent tous bénéficier de ce service personnalisé à Calgary, Red Deer et Lethbridge.
Glossaire – Motricité* : Ensemble des fonctions musculaires permettant les mouvements
Pour plus d’information :Programme HIPPY du PIA : bit.ly/43SMwLw