le Lundi 11 Décembre 2023

La directrice générale de la radio Nord-Ouest FM, Gisèle Bouchard (au centre), accompagnée de ses collègues Marianne Houle (gauche) et Randy Fillion (droite). Photo : Courtoisie

Rappelons que le FDÉFP vise à encourager la participation active des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le développement économique de leur province. Ce programme de financement est administré par le Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM), le Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan (CÉCS) et le Conseil de développement économique de l’Alberta (CDÉA). 

Grâce au Fonds, la radio communautaire Nord-Ouest FM, située à Falher, a bénéficié d’une subvention de 41 500 dollars pour continuer à développer ses services techniques de scène et de location d’équipement audiovisuel. Selon la directrice générale, Gisèle Bouchard, le montant accordé servira surtout à «l’achat de matériel supplémentaire et à la promotion accrue de l’initiative dans les foires d’entrepreneuriat régionales».

Elle souligne également que Nord-Ouest FM, en tant que média communautaire local, cherchait depuis longtemps à diversifier ses sources de revenus, un objectif qui sera atteint grâce à ce projet. 

«On prépare une vidéo promotionnelle pour YouTube et on finalise notre site web. On veut donner un gros coup en janvier pour mieux faire connaître les services que l’on offre dans notre région», ajoute-t-elle. Mais déjà, sans qu’aucune promotion n’ait été faite, l’engouement de la communauté est palpable. «J’ai eu neuf lettres d’appui lorsque j’ai soumis le projet au FDÉFP, autant du côté francophone que du côté anglophone, on sent que l’intérêt de la communauté est là», explique Gisèle.

Randy Fillion est le technicien principal de la radio. Photo : Courtoisie

Des besoins multiples

Son collègue Randy Fillion, qui occupe le rôle de technicien principal à la radio, abonde dans le même sens. Selon lui, le service de location d’équipement est déjà très sollicité. «On n’a même pas encore fait notre stratégie marketing et on est super occupés. Notre équipe est parfois doublement [réservée] les weekends», explique-t-il. 

Avec l’ajout d’équipement grâce au soutien du FDÉFP, la demande de la population de la région de Rivière-la-Paix risque encore d’augmenter, estime-t-il. «On va pouvoir acheter des caméras vidéos et des accessoires d’éclairage professionnels, ce qui va rendre nos services encore attrayants.»

Il semble crucial de préciser que la forte demande pour le service de location d’équipement de scène est directement attribuable à l’absence d’une alternative à proximité. Le service comparable situé le plus près se trouve à Grande Prairie, à environ deux heures de route de Falher. 

Jusqu’à très récemment, les habitants de la région devaient ainsi entreprendre deux trajets de quatre heures chaque fois qu’ils avaient besoin de matériel, une situation récurrente pour les mariages et les événements communautaires. «Ça impliquait beaucoup de route, des allers-retours sur deux jours et beaucoup de logistique», illustre Randy.

La station de radio communautaire offrira aussi du soutien pour aider la population à se servir de l’équipement. 

Le directeur général de la SHFA, Denis Perreaux. Photo : DDClic

Un projet historique à saveur entrepreneuriale

La Société historique francophone de l’Alberta fait également partie des bénéficiaires du FDÉFP. Avec un financement de 20 000 dollars, l’organisme pourra concrétiser son projet visant à répertorier les entreprises issues des écoles francophones albertaines. «C’est une collaboration dans le cadre du trentième anniversaire de la gestion scolaire francophone en Alberta», explique le directeur général de la SHFA, Denis Perreaux. 

En 1994, les Franco-Albertains obtenaient le droit de gérer leurs écoles, marquant l’élection des premiers conseillers scolaires francophones de la province. «Ça ne remonte qu’à trente ans, alors on a étendu quelque peu la notion d’histoire, mais c’était dans l’esprit du projet, on voulait absolument promouvoir l’entrepreneuriat comme une valeur qui découle de la gestion scolaire en français», souligne-t-il. 

Bien que la tâche de répertorier les entrepreneurs issus des écoles francophones puisse sembler ambitieuse, le directeur général de la SHFA reste confiant. Il prévoit de collaborer étroitement avec les conseils scolaires pour rassembler les profils de trente anciens élèves, actifs aujourd’hui dans le domaine de l’entrepreneuriat, quelles que soient leurs fonctions. «Trente profils pour trente ans de gestion, cela ne devrait pas être trop compliqué. Les conseils connaissent bien leurs anciens. On m’a déjà parlé de plusieurs personnes. Ça n’a pas besoin d’être des PDG de multinationales non plus», mentionne-t-il. 

La subvention accordée par le FDÉFP permettra à la SHFA de constituer une équipe pour mener les entretiens et les tournages nécessaires au projet, ainsi que de financer les déplacements à travers la province pour rencontrer les anciens élèves.

Les résultats du projet pourraient être dévoilés lors d’un banquet célébrant le 30e anniversaire de la gestion scolaire au printemps 2024.

Glossaire – Palpable : Qui est parfaitement clair, évident

Brenda O’Farrell croit que C-18 n’a pas tenu compte des enjeux auxquels font face les médias communautaires. Photo : Courtoisie

L’entente entre Google et Ottawa a suscité un certain soulagement chez plusieurs médias locaux. «On a évité cette catastrophe», lance Brenda O’Farrell, présidente de Quebec Community Newspapers Association (QCNA), en entrevue avec Francopresse, faisant référence à la menace du géant numérique de bloquer les contenus médiatiques canadiens sur sa plateforme.

«Mais, au niveau des journaux communautaires, il n’y a pas de victoire là-dedans. Est-ce que ça va donner quelque chose à la fin de la journée pour aider les journaux, les petits journaux régionaux?», se demande-t-elle.

«Il n’y a pas de victoire là-dans»

Selon Brenda O’Farrell, la loi C-18 a été mal conçue, car elle «traite tous les médias de la même manière».

Or, la présidente soutient que le modèle d’affaires des journaux régionaux est différent de ceux des plus gros médias, comme CBC/Radio-Canada. «Ça, c’est une chose que le gouvernement avec C-18 n’a pas comprise.»

Les journaux locaux ont la capacité et la volonté d’effectuer un travail journalistique beaucoup plus important, avec très peu de ressources financières et humaines, ajoute-t-elle.

«Si vous regardez ce que les gros quotidiens ont fait avec plus d’argent, ils ont coupé [dans les] emplois, ils ont coupé le nombre d’articles qu’ils ont écrit, ils ont coupé [certaines] régions qu’ils couvraient. Dans toutes les métriques que vous voulez choisir, ils ont fait moins», lâche-t-elle.

Cependant, depuis que le projet de loi C-18 a été déposé en 2022, Brenda O’Farrell estime que la situation financière de nombreux journaux locaux à travers le pays est de plus en plus précaire.

Dans cette optique, Brenda O’Farrell ne cache pas son inquiétude face à la redistribution des 100 millions de dollars convenus avec Google. Selon elle, les critères d’admissibilité ne sont pas clairs.

«Si c’est basé sur le nombre de clics qu’un journal recevra, les petits journaux locaux vont être toujours en bas de la liste», explique-t-elle.

Jean-Hugues Roy souhaite que le gouvernement oblige Meta à redonner l’accès aux contenus médiatiques au Canada. Photo : Courtoisie

«Il faudrait que Radio-Canada s’abstienne»

«Je pense qu’il faudrait que Radio-Canada s’abstienne», dit sans hésitation Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

«Ils ont beaucoup d’argent et s’ils ont besoin de plus d’argent, c’est peut-être parce qu’ils veulent en faire trop, peut-être qu’ils doivent revenir à une mission plus sobre d’une part», affirme de son côté Marc-François Bernier, professeur titulaire au département de communication de l’Université d’Ottawa.

Selon ces deux experts, l’enveloppe du collectif de médias qui sera mis sur pied dans les prochaines semaines devrait être partagée entre les médias locaux, régionaux, les hebdomadaires, les radios communautaires, etc. Entre autres, «tous les médias communautaires ou de langue minoritaire, autochtone», stipule Jean-Hugues Roy.

«Tous ceux qui ont une mission locale et régionale, parce que c’est là qu’il y a un problème dans notre société», complète Marc-François Bernier.

Selon lui, le manque de financement et d’investissement dans les plus petits médias reste un enjeu important pour la démocratie.

«Il n’y a pas de médias locaux qui surveillent les administrations locales. Il y a plus de risques de corruption, il y a plus de risques de gaspillage de fonds publics et les enjeux locaux n’ont pas d’écho dans les grands parlements», note-t-il.

Marc-François Bernier croit que CBC/Radio-Canada ne devrait pas recevoir un montant du collectif. Photo : Courtoisie

Concurrence déloyale

Marc-François Bernier va plus loin et affirme qu’il y a une concurrence déloyale entre les médias locaux et Radio-Canada. D’après lui, grâce aux fonds publics, Radio-Canada peut couvrir plus d’évènements communautaires là ou d’autres entreprises médiatiques plus petites n’ont pas les moyens ou les ressources pour le faire.

«Il ne faut pas créer de l’argent pour Radio-Canada, sinon ça prive autant les médias locaux de leur droit d’existence, de leur droit de servir leur clientèle. Moi je trouve qu’il y a une question d’équité dans ça, puis c’est aussi lié à la diversité et à la pluralité des sources d’information», défend-il.

Pour sa part, Jean-Hugues Roy croit que La Presse canadienne devrait être en première ligne pour recevoir une part du fonds Google.

«Ce serait très dommageable pour la qualité de l’information au Canada si La Presse canadienne devait fermer ses portes, donc pour moi ce serait la priorité numéro un», assure-t-il.

Le blocage Meta persiste

Depuis le 1er aout dernier, l’entreprise Meta, maison mère de Facebook et Instagram, bloque les contenus médiatiques sur le territoire canadien. Pour Brenda O’Farrell, c’est une action qui «nous a fait mal».

La présidente soutient que la communauté des médias locaux «a très peur» pour son avenir. Selon elle, le gouvernement fédéral doit faire plus en termes de financement pour les médias.

«C’est une plateforme qui permet aux gens d’acheminer du trafic sur le site des médias», explique Marc-François Bernier, qui est du même avis. «Quand on regarde les faits, les résultats [découlant de C-18], c’est pas un grand succès», se désole le professeur de l’Université d’Ottawa.

Pour Jean-Hugues Roy, une action de la part du gouvernement est nécessaire afin d’obliger Meta à garder la circulation des nouvelles sur le territoire canadien. «Beaucoup de Canadiens s’informent grâce à Instagram, grâce à Facebook, il faut forcer. Il y a des arguments qui justifieraient qu’un État oblige Meta à avoir de l’information», conclut-il.

Aujourd’hui, à La Fondation franco-albertaine, il existe plus de 125 fonds de dotation, les donateurs ont donc l’embarras du choix. L’éducation, l’entrepreneuriat, les aînés, les arts et bien d’autres secteurs sont autant de causes pour faire vibrer la communauté. Si le public peut contribuer à ces fonds à tout moment durant l’année en se rendant sur le site Web de La Fondation, l’évènement automnal annuel est toujours une occasion de se rencontrer entre francophones et francophiles, de passer un bon moment et de soutenir la grande cause.

«C’est dur pour tout le monde, mais tout le monde est là pour s’entraider», affirme Joël F. Lavoie, directeur général de La Fondation franco-albertaine, et ce, peu importe le montant. «Tout le monde est capable de faire un don», avoue-t-il, même s’il est conscient que cette année, le coût de la vie peut peser sur le moral et le portefeuille des donateurs. 

Cette 10e édition du Francothon, lancé en 2013, se déroule en effet après une année d’inflation inédite depuis les années 1980 et un coût de la vie qui pourrait mettre en péril la générosité de la population.

Difficile, mais pas impossible

Nalanda Thondrayen est l’un des bénévoles responsables du traitement des dons effectués sur place. Son poste lui permet d’estimer l’amplitude des contributions individuelles pendant la soirée. «En moyenne, je crois que 100$, c’est le montant qu’on voit [le] plus souvent», mais il signale qu’il y a aussi de plus gros donateurs.

Célestin Nzeugang, un autre bénévole, affairé à la distribution de rafraîchissements, est convaincu que les gens sont plus justes financièrement cette année. Enseignant en biologie à l’École J.-H. Picard, il a lui-même donné, par le passé, à des fonds liés à l’éducation, un secteur qui le passionne. 

Mais, cette année, les turbulences économiques l’ont amené à se porter bénévole. Une contribution en nature plutôt qu’un don monétaire, et ce, même si son optimisme est inextinguible. «Je connais la générosité de la communauté francophone, ici, à Edmonton», affirme-t-il, citant aussi son «dynamisme».

Finalement, même si les gens font face à des contraintes financières, ils trouvent toujours un moyen de contribuer à cet évènement unique. Des gestes qui font sans aucun doute la différence dans la francophonie albertaine, selon Joël F. Lavoie. «C’est la générosité de toutes ces personnes qui ont fait un don» qui est apprécié, et ce, peu importe la nature ou le montant de celui-ci.

Une observation partagée par Chantal Grégoire, l’une des bonnes âmes dédiées à la sollicitation par téléphone. Elle a contacté des dizaines de personnes et note qu’une «majorité donne de l’argent». Là encore, les dons varient «entre 25$ et 100$ et parfois, on a de très grands donateurs aussi», divulgue-t-elle.

Florence Karczewski, la nouvelle coordonnatrice du rayonnement au Campus Saint-Jean, n’a pas échappé à la tarte à la crème gentiment distribuée par le jeune Nico Lapointe. Photo : Aidan Macpherson

Se divertir tout en gardant le cap

Cette année, le Francothon visait à récolter au moins 500 dons individuels et 300 000$ durant le mois de novembre. Au début de la soirée à Edmonton, les compteurs de La Fondation franco-albertaine étaient déjà à presque 200 dons et 75 000$.

À chaque instant, La Fondation a proposé, comme à Calgary, des activités ludiques rythmées par le tic-tac de la «roue des défis». Une manière d’encourager les participants dans la salle polyvalente de La Cité francophone à donner pour la cause, mais aussi à se divertir. 

Par exemple, certains se sont adonnés à la danse du dino, alors que Florence Karczewski, la nouvelle coordonnatrice du rayonnement au Campus Saint-Jean, n’a pas échappé à la tarte à la crème gentiment distribuée par le jeune Nico Lapointe sous les yeux amusés de sa mère, Cindie LeBlanc, membre du conseil d’administration de La Fondation franco-albertaine.

Finalement, après trois heures de bonne humeur, les bénévoles ont terminé la collecte de fonds annuelle avec 474 dons et, surtout, un total de 300 284$. Mission réussie pour La Fondation franco-albertaine et la communauté francophone!

Le temps de la redistribution 

Tout au long de la soirée, des bourses ont été remises à certains récipiendaires présents pour l’occasion. Cécilia Bernier et Vince Luong ont reçu respectivement 750 $ et 500 $ du fonds Hélène-et-Léon-Lavoie. Comme ses camarades, Catelyn Keough, étudiante de premier cycle au Campus Saint-Jean, a obtenu 500$ en bourse du fonds du Réseau santé Alberta pour l’aider avec ses études dans le domaine de la santé. 

De son côté, Jean-Louis Oakley a reçu une bourse de 500$ de la part de la Société des parents de l’École Michaëlle-Jean, alors qu’il débute ses études au Campus Saint-Jean. Reconnaissant, il témoigne aussi de la solidarité de la francophonie à Edmonton, «voir plein de faces des gens que je connais qui participent beaucoup dans la communauté, c’est bon […]» 

Glossaire – Inextinguible : Impossible à réfréner

Pierre Sabourin a été défié de réaliser la danse du dino. Mission réussie! Photo : DCclic.ca

Ils étaient une cinquantaine de convives de tous les âges à s’être réunis dans la bonne humeur pour participer à cette édition calgarienne du Francothon 2023. Une roue de défis humoristiques avait été mise à l’honneur pour dynamiser la soirée et a suscité des moments mémorables pour les deux coanimateurs, l’auteur-compositeur-interprète Pierre Sabourin et Olivier Tardif, petit-fils de l’ancienne sénatrice et doyenne du Campus Saint-Jean, Claudette Tardif.

Le premier s’est lancé dans une danse en costume gonflable de dinosaure, tandis que le deuxième a entonné l’hymne national, la bouche pleine de craquelins, sous les applaudissements et les rires de l’assistance. D’autres défis, tels que la dégustation de moutarde de Dijon ou la récitation de l’alphabet, ont ajouté une touche loufoque à la soirée. «C’était pas mal plus dur que je pensais chanter avec six craquelins dans la bouche», avoue Olivier, après coup, le sourire encore aux lèvres.

Il mentionne avoir eu «beaucoup de plaisir» à coanimer la soirée avec Pierre, un défi supplémentaire qu’il a relevé avec brio malgré son jeune âge. «J’avais déjà animé le gala méritas à mon école, alors j’avais un peu d’expérience», rappelle cet élève de neuvième année de l’École Sainte-Marguerite-Bourgeoys.

«C’était vraiment sympathique», partage à son tour le directeur général de La Fondation franco-albertaine, Joël F. Lavoie, après avoir lui-même accepté de se faire teindre les cheveux pour la cause. En passant sa main dans ses mèches mauves et bleues, il ajoute avec humour : «J’espère que ça va partir dans la douche».

Ce sont 33 598,84 dollars qui ont été collectés à Calgary grâce à 134 donateurs. Photo : DCclic.ca

Par ailleurs, le directeur général de l’organisme se dit «très content» du déroulement de la soirée et mentionne que les objectifs fixés ont non seulement été atteints, mais même dépassés. «On cherchait à obtenir 30 000 dollars à travers 100 dons», rappelle-t-il. Au final, ce sont 33 598,84 dollars qui ont été collectés grâce à la «générosité» de 134 donateurs. Cette somme contribuera notamment à octroyer des bourses aux étudiants francophones inscrits dans un programme postsecondaire, ainsi qu’à des élèves de douzième année, précise-t-il. 

«Pour distribuer des bourses et faire des chèques, il faut d’abord collecter des fonds. C’est un cycle. Certains de nos boursiers deviennent les donateurs de demain, comme Thomas Pomerleau qui a créé son fonds pour aider à son tour. Tout ça, c’est un mouvement d’entraide», souligne Joël F. Lavoie.

Une communauté mobilisée à divers niveaux 

Une douzaine de bénévoles étaient également présents pour solliciter des dons, que ce soit en passant des appels téléphoniques à la communauté francophone ou en collectant l’argent en personne. Marie-Claude Cholette, membre du conseil d’administration de La Fondation franco-albertaine, a pris son rôle de téléphoniste au sérieux.

«On a chacun notre façon de procéder, mais notre but, c’est d’encourager les gens à donner. Moi, je m’étais fait une liste de connaissances dans mon réseau francophone et je leur ai envoyé un courriel pour préparer le terrain», témoigne-t-elle.

Marie-Claude Cholette est membre du conseil d’administration de La Fondation franco-albertaine.  Photo : DCclic.ca

Elle insiste notamment sur l’importance de chaque don, qu’il soit modeste ou plus substantiel. «Dix dollars, ça aide. Les dons plus élevés aussi, bien entendu. Avec le coût de la vie qui augmente, les dépenses quotidiennes aussi, nos récipiendaires ont besoin de votre générosité plus que jamais», laisse-t-elle entendre. 

Et avec plus de 125 fonds de dotation de La Fondation, chaque donateur peut trouver une cause à soutenir assez «facilement». Pour les personnes qui hésitent, Marie-Claude recommande le fonds de développement général ou celui qui appuie la francophonie en général.

Enfin, la membre du conseil d’administration encourage la communauté franco-albertaine à se renseigner davantage sur les fonds de dotation de La Fondation et sur les bourses et aides financières disponibles. Selon elle, plusieurs bénéficiaires potentiels ne sont «même pas au courant» des possibilités qui s’offrent à eux.

«On a un programme pour les femmes qui retournent sur le marché du travail, pour les jeunes athlètes et bien plus. Les francophones en besoin de soutien financier peuvent toujours nous contacter pour voir si on a des bourses pour eux», conclut-elle.

Glossaire – Loufoque : Absurde, farfelu

Allocution de Claudette Roy, présidente de la Société historique francophone de l’Alberta, lors de l’ouverture de la Foire sur le patrimoine franco-albertain, le samedi 18 novembre 2023 (La version prononcée fait foi).

Que sont les lieux de mémoire? En termes très simples, ce sont des restes. Pour Pierre Nora, historien et intellectuel français qui en a formulé le concept, il s’agit d’espaces physiques ou symboliques qui incarnent et préservent la mémoire collective et qui jouent un rôle crucial non seulement dans la construction de l’identité, mais aussi dans le maintien des liens avec le passé.

Selon Nora, les sociétés créent des lieux pour maintenir un lien avec leur passé, pour se souvenir des événements importants et pour donner un sens à leur histoire. En d’autres mots, lorsqu’une collectivité réinvestit un lieu de son affect et de ses émotions, il devient un lieu de mémoire, échappant ainsi à l’oubli.

Les lieux de mémoire peuvent prendre diverses formes, soit concrètes (monuments, sites historiques, archives, musées), soit abstraites (symboles, devises, événements commémoratifs, institutions). À cet égard, d’aucuns affirment que le CSJ est un lieu de mémoire, que ce soit dans ses bâtiments, dans ses archives ou dans son histoire.

Quant à la signification de la destruction des lieux de mémoire ou du retrait d’un objet de mémoire, Nora dit que, s’ils sont motivés par la volonté d’effacer ou de réécrire l’histoire, cette destruction ou ce retrait peuvent être le fait d’un acte de contestation politique ou de négation de l’histoire en éliminant les symboles et les récits qui ne correspondent pas à la nouvelle vision du passé promue par les acteurs au pouvoir. Nora préconise la préservation de ces lieux pour maintenir le lien avec le passé et pour préserver la diversité des récits et des interprétations historiques, une recommandation pertinente pour les personnes qui dirigent la destinée du CSJ.

La salle Onesime-Dorval du Campus Saint-Jean n’est plus. Photo : Courtoisie – SHFA

Abordons maintenant les enjeux particuliers liés au CSJ. Tout d’abord, reconnaissons qu’il est impératif de comprendre les événements et leurs contextes afin que toute décision concernant les lieux de mémoire soit prise dans l’intérêt général. Malheureusement, ces jours-ci, trop nombreuses sont les personnes qui s’abandonnent au « présentisme » et regardent le passé à travers le prisme du présent. En plus, rappelons-nous que l’Université de l’Alberta est actuellement engagée dans des initiatives d’autochtonisation et de décolonisation, ainsi que dans des efforts en faveur de l’équité, de la diversité et de l’inclusion.

Et en ce qui concerne le CSJ, des lacunes apparaissent. D’aucuns affirment que ces lacunes ont trait au manque de connaissances sur la communauté francophone et son histoire, ainsi qu’à une prise de distance avec son mandat historique. Ces lacunes semblent avoir éclairé des paroles et des gestes qui risquent d’effacer le CSJ en tant que lieu de mémoire. Les paroles ont trait à une mauvaise connaissance de l’histoire du CSJ, allant de ses débuts en 1908 jusqu’à aujourd’hui, en ce qui concerne les transformations liées à son mandat, à la clientèle qu’il a desservie, à son corps professoral et à son personnel de soutien, à son curriculum et à ses affiliations avec d’autres institutions tout au long de son histoire. Les actions visent le retrait d’objets, d’artéfacts, de symboles et de référents culturels dans le CSJ, non seulement ceux dans la salle historique Onésime Dorval, mais aussi ailleurs dans le CSJ, sous prétexte de réflexion sur la manière de les présenter. Qui a réfléchi? Quels historiens ont été associés à cette réflexion? Rien n’en a été révélé. Pourtant la salle historique exposait des textes, écrits de la main de France Levasseur-Ouimet, qui contextualisaient ces objets.

Quant à la consultation formelle avec la communauté, plus particulièrement avec la SHFA dont le mandat est la protection du patrimoine et de l’histoire, nous l’attendons toujours. Faut-il le rappeler que la création de la SHFA est le résultat d’un protocole d’entente tripartite (2012) entre le CSJ, l’ACFA et la FCSFA? Le CSJ nous a hébergés pendant les premières années suivant notre création et le CSJ a été représenté à notre conseil d’administration pendant les premières années suivant notre incorporation. Prétendre n’avoir aucune obligation de préserver l’histoire du CSJ est un déni de responsabilité envers les personnes qui l’ont fréquenté. Trop de faits confirment l’engagement du CSJ envers l’histoire : les collections d’archives, le salon d’histoire créé en 1975, les instituts du patrimoine, le Centre d’études canadiennes, IMELDA…

En réaction aux paroles et actions mentionnées plus tôt, la SHFA a exprimé avec force ses préoccupations quant à l’intégrité académique et historique du CSJ. Elle a demandé des rétractations ou des preuves à l’appui des affirmations dommageables, ainsi que l’arrêt immédiat de « toute action visant à effacer ou démanteler les lieux de mémoire et les référents culturels francophones au sein du Campus Saint-Jean et de l’Université de l’Alberta pour donner le temps à la consultation et à la participation des parties prenantes dans les décisions concernant l’avenir du patrimoine franco-albertain du Campus Saint-Jean ». La réponse reçue a souligné une utilisation sélective, voire non pertinente, de l’information, et un jugement contemporain sur le passé.

La salle Onésime Dorval vidée de ces artéfacts. « Salle Onésime Dorval : les principaux meubles qui s’y trouvaient ont donc été retirés et entreposés dans des salles permettant leur préservation», selon le site web de l’Université de l’Alberta. Photo : Courtoisie – SHFA 

Quel est l’avenir du CSJ? Pour Saint-Jean et l’Université, il y a une remise en question de leur intégrité académique et historique. Les orientations futures font craindre que le CSJ risque de devenir tout simplement une institution qui dispense un enseignement en langue française, car le CSJ s’affiche comme « un joyau unique dans l’Ouest canadien, offrant la seule expérience postsecondaire d’immersion en français à l’ouest du Manitoba… »

Pour la communauté francophone, les paroles et les actes contribuent à une dissimulation des contributions historiques significatives des enseignants et étudiants du CSJ qui ont positivement influencé le cours de l’histoire de leurs communautés, de leur province, de leur pays. Cet effacement porte en lui de graves conséquences sur la formation des futurs enseignants. Il les prive de repères historiques et culturels. Leur méconnaissance de l’histoire compromet leur capacité à jouer le rôle de passeur culturel. Loin d’être porteuses de cohésion et d’avenir, certaines paroles opposent les francophones et mettent les minorités à dos…

Quelles actions sont nécessaires? Nous devons réinvestir de notre affect, de notre attachement dans la lutte pour préserver la mémoire collective du CSJ.

Plus particulièrement, il est essentiel de faire reconnaitre les erreurs commises, comme l’a montré la reconnaissance de l’erreur commise en érigeant le panneau unilingue, erreur corrigée dans un très court délai. Cependant, cela ne suffit pas et nous devons exiger des actions concrètes de la part de l’Université de l’Alberta, actions qui démontrent qu’elle est vraiment à l’écoute de la communauté.

L’éducation joue un rôle crucial dans cette lutte. Il est impératif de bien connaitre l’histoire du CSJ dans toutes ses transformations depuis le Juniorat, le Collège, le Collège universitaire Saint-Jean, la Faculté jusqu’à sa période actuelle en tant que Campus Saint-Jean. Cela nous fera comprendre que le CSJ et, par extension, l’Université de l’Alberta ne peuvent pas être associés aux pensionnats autochtones. Les personnes qui l’ont fait ont été incapables d’en faire la démonstration. Et c’est là que réside le scandale.

Inscrite dans la diversité depuis ses tout débuts, la francophonie a une histoire riche, complexe et, oui, contestée. La critiquer ne justifie aucunement son effacement.

Les artéfacts empilés avant leur déménagement. Photo : Courtoisie – SHFA

Les quelques réponses que nous avons pu obtenir sur le sort des objets de mémoire inquiètent aussi. Sur une page Web de l’Université, publiée en septembre, il est écrit : « Salle Onésime Dorval : les principaux meubles qui s’y trouvaient ont donc été retirés et entreposés dans des salles permettant leur préservation. » Pour nous, la SHFA, le tri des objets retirés, qui sont quelque part dans le CSJ nous a-t-on dit, ne doit pas être laissé à la discrétion de personnes sans accréditation, mais cela doit plutôt être confié à des évaluateurs et conservateurs professionnels ayant une connaissance de la communauté francophone. Il est essentiel de souligner que la « protection » diffère de la « conservation », notion qui englobe la mise en contexte, la description des origines et l’évaluation de l’importance des objets.

De plus, la numérisation des photos et la promesse d’une liste des objets retirés ne constituent pas une réponse adéquate. Les référents culturels doivent rester visibles, car, pour nous, ces objets ont de la valeur, ils racontent qui nous sommes.

Si nous ne savons pas ce qui est advenu de plusieurs des artéfacts, nous savons, en revanche, ce qui est advenu des deux autels, œuvres d’art en provenance de France qui ornaient la salle historique. Éloignés de la francophonie d’Edmonton, ils ont été remis (par l’Université de l’Alberta) à la Polish Heritage Society of Edmonton et seront installés au sous-sol de l’église polonaise Holy Rosary et dans la chapelle d’un foyer pour aînés, la Villa Maria. Nous ignorons le sort réservé à la statue du frère Antoine.

Il nous semble que la communauté francophone devrait tenir le discours suivant auprès des autorités universitaires : « Équité, nous dit-on? Si l’Université de l’Alberta honore l’histoire des autres, elle doit respecter la nôtre. »

Plus inquiétant encore, on nous promet une révision de notre histoire.

Pour liquider les peuples, on commence par leur enlever leur mémoire. On détruit leurs livres, leur culture, leur histoire. Puis, quelqu’un d’autre écrit d’autres livres, leur donne une autre culture, leur invente une autre histoire. Ensuite, le peuple commence lentement à oublier ce qu’il est et ce qu’il était. Et le monde autour de lui l’oublie encore plus vite. (Milan Hübl, historien tchèque, 1927-1989)

Depuis quelque temps, le sort du Campus Saint-Jean (CSJ) suscite de vives inquiétudes chez des associations francophones, en particulier chez la Société historique francophone de l’Alberta (SHFA).

Équité, nous dit-on? Les objets de notre mémoire disparaissent, alors que l’Université de l’Alberta abrite ailleurs, et à grands frais, 30 collections de musées enregistrés, dirigés par des conservateurs et un personnel de soutien spécialisés, contenant des millions d’objets et de spécimens utilisés quotidiennement dans l’enseignement, la recherche et l’engagement communautaire.

L’Université ne devrait-elle pas reconnaitre le CSJ en tant que lieu de mémoire, voire en faire un Centre de recherche sur la francophonie de l’Ouest?

Au nom de la Société historique francophone de l’Alberta, je vous remercie pour votre attention et pour votre engagement envers la protection et le rayonnement de l’histoire, y inclus celle du Campus Saint-Jean.

Nancy Juneau souhaite voir des investissements plus concrets pour le secteur culturel et artistique dans le budget fédéral prévu au printemps 2024. Photo : Courtoisie

«Je me rends compte qu’on est dans un contexte économique difficile, puis je comprends que le gouvernement doit tenir compte de priorités comme le logement et l’inflation et l’environnement», soutient la présidente de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), Nancy Juneau, en entrevue avec Francopresse.

D’après elle, les mesures et les initiatives annoncées pour contrer la crise du logement et le cout de la vie vont bénéficier aux travailleurs dans le secteur des arts et de la culture.

Toutefois, la présidente de la FCCF aurait voulu voir des bonifications importantes pour le Développement des communautés par le biais des arts et du patrimoine (Fonds des legs) et le Fonds du Canada pour la présentation des arts, qui avaient reçu un investissement de 15 millions dollars en 2019.

«Le milieu demandait [le maintien] de ces bonifications, 30 millions supplémentaires par an combinés dans ces deux programmes dédiés au spectacle vivant, rapporte Nancy Juneau. Sans ces bonifications-là, on retourne à des investissements prépandémiques [soit] l’équivalent d’à peu près des montants déployés en 2007. Donc c’est un non-sens, et ça a de graves répercussions économiques.»

Impact important sur la francophonie

Pour Nancy Juneau, le manque de financement dans les arts et de la culture a des conséquences importantes sur les communautés francophones hors Québec.

«On n’est pas en train de les priver de dessert, on est en train de les priver d’un moyen de maintenir leur culture et leur langue en vie. Donc on s’inquiète un peu de ça», lance-t-elle.

Selon une étude de Hills Strategies commandée par la FCCF, plus de 36 000 francophones en situation minoritaire occupent des postes culturels.

À la lumière des enjeux socioéconomiques actuels, il est donc important pour la FCCF d’assurer de meilleures conditions de travail pour ces travailleurs avec, par exemple, l’assurance chômage et l’assurance travail, «avec la possibilité d’étalement de revenus pour les artistes».

«[Il faut] qu’on soutienne encore mieux ce secteur, qu’on perçoive ça comme des investissements plutôt que comme des dépenses», dit-elle fermement.

Nicolas Jean souhaite voir plus de bonifications pour les programmes comme l’Initiative de journalisme local (IJL). Photo : Courtoisie

Des mesures pour le journalisme peu inclusives

Pour sa part, l’organisme Réseau.Presse, éditeur de Francopresse, est déçu des mesures proposées pour les médias dans l’énoncé économique.

Malgré un investissement de 129 millions de dollars prévu sur cinq ans pour appuyer le journalisme, «la vaste majorité de nos membres, c’est-à-dire 85 %, n’y sont pas admissibles», affirme le coprésident de Réseau.Presse, Nicolas Jean, dans un courriel.

Pour obtenir le crédit d’impôt prévu pour la main-d’œuvre journalistique, les journaux doivent recevoir la qualification de l’Organisation journalistique canadienne qualifiée (OCJQ). Celle-ci peut être obtenue, entre autres, si le journal emploie au moins deux journalistes.

«La réalité de la vaste majorité de nos journaux, qui œuvrent en situation minoritaire, c’est qu’ils n’ont tout simplement pas les moyens financiers d’employer deux journalistes», se désole Nicolas Jean.

Selon le coprésident de Réseau.Presse, plusieurs programmes gouvernementaux existants nécessitent d’être bonifiés, tels que l’Initiative de journalisme local (IJL).

«[Ce dernier] a permis de renforcer la capacité éditoriale de nombreux journaux à travers le pays en offrant une couverture des réalités des communautés de langue officielle en situation minoritaire de très grande qualité.»

Le 19 novembre dernier, les Argentins ont élu à la magistrature suprême Javier Milei. Politicien libertarien et populiste, il nous ferait presque regretter son acolyte Bolsonaro au Brésil. Le 22 novembre, lors des législatives, les Néerlandais portaient en tête du scrutin l’extrême droite de Geert Wilders, qui a recueilli 25 % des suffrages contre 11 % en 2021.

Un phénomène mondialisé                                           

L’un des éléments qui nous permettent de saisir l’une des causes profondes de cette montée des populismes est le fait qu’elle s’observe sur tous les continents.

Que ce soit en Amérique du Sud avec Milei et Bolsonaro; en Amérique du Nord avec Trump – toujours aussi haut dans les sondages – et Poilievre; en Europe, où la liste serait trop longue à dresser; en Asie avec l’indéboulonnable Modi en Inde ou Marcos Junior aux Philippines; jusqu’en Afrique, où une série de coups d’État a propulsé aux manettes du pouvoir des caporaux aux discours simplistes pour ne pas dire simplets.

L’aspect mondialisé du populisme démontre le rôle clé joué par un système ultracapitaliste débridé, qui non seulement accroit toujours et encore plus l’écart entre le 1 % et le reste de la planète, mais qui en plus le fait en toute impunité et avec un culot effronté.

Sans honte ni vergogne

Un culot inégalé donc. Parce que non contents de s’en mettre plein les poches alors qu’ils demandent sans cesse aux petites gens de se serrer la ceinture, les rares bénéficiaires et artisans des systèmes populistes dévastateurs humilient.

Comment le personnel infirmier et le personnel enseignant du Québec, qui sont payés des clopinettes, pourraient-ils ne pas se sentir humiliés alors qu’en pleine négociation, le gouvernement annonce fièrement son intention de dépenser sept-millions de dollars pour deux matchs préparatoires de hockey d’une équipe américaine?

Comment les Franco-Ontariens pourraient-ils ne pas se sentir humiliés alors que des copains du gouvernement, dont certains sont parties prenantes du fiasco de l’Université Laurentienne, balancent un rapport inepte nous intimant d’oublier nos institutions francophones acquises récemment après des décennies de lutte?

Il n’y a jamais d’argent pour les services de santé, le logement, la transition écologique, l’éducation, mais les gouvernements de par le monde n’hésitent pas une minute à subventionner à coups de milliards les grandes compagnies pétrolières et retenir les services-conseils prétendument indispensables de la firme McKinsey.

Ce sans-gêne constant de la part des gouvernants pousse les citoyens vers les leadeurs populistes.

Il y a quelque chose de pourri au royaume du capitalisme ultralibéral que l’on ne retrouvait pas dans le capitalisme il y a un siècle quand les grands chefs d’entreprise se gardaient une petite gêne, même s’ils se frottaient les mains discrètement devant les boucheries de 1914-1918 qui faisaient accroitre leurs profits.

Le creusement des inégalités

La pandémie a mis en lumière comment les malheurs des uns (enfin de la plupart) faisaient le bonheur de (quelques-)uns. Le 1 % a accru ses richesses alors que des dizaines de millions de personnes ont glissé dans la pauvreté.

Depuis, l’envolée des prix de l’immobilier conjuguée à des taux d’intérêt à la hausse et à une inflation élevée fait en sorte qu’un nombre croissant de personnes des classes moyennes décrochent et rejoignent le lot des précaires.

L’ascenseur social qui avait fonctionné pendant les Trente Glorieuses est en panne.

Il est beaucoup plus difficile pour les deux dernières générations de vivre une mobilité sociale positive. Même la très conservatrice Organisation de coopération et de développement économiques le reconnait dans divers rapports.

Alors forcément cela est source de frustrations énormes pour toutes les générations. D’où un ras-le-bol généralisé, qui se traduit par une sanction électorale des élites politiques traditionnelles.

Selon Statistique Canada, «[l]’écart de la valeur nette entre les patrimoines les plus élevés et les plus bas a augmenté de 1,1 point de pourcentage au premier trimestre de 2023 par rapport au même trimestre un an plus tôt. Il s’agit de l’augmentation la plus rapide jamais enregistrée pour ces estimations, qui remonte à 2010». 

Un soutien irrationnel aux populismes

Une chose demeure frappante quand on regarde les intentions de vote des citoyens en faveur des candidats populistes : l’irrationalité.

Qu’est-ce à dire? Tout simplement que ces personnes vont voter pour des candidats qui, loin de résoudre leurs problèmes, ne feront que les aggraver.

Trump n’a pas remis la classe ouvrière blanche au travail. Marine Le Pen, née dans une famille bourgeoise, ayant habité dans un château, ne sait pas ce qu’est le dur labeur. Pierre Poilievre a été élu député à 25 ans et depuis a écumé les maroquins ministériels et les bancs de la Chambre. Comment pourrait-il savoir ce qu’est le quotidien des travailleurs canadiens?

Si l’on veut combattre le populisme, il ne s’agit donc pas de continuer à prendre les électeurs pour des imbéciles, mais de commencer par les respecter; de s’attaquer réellement aux grands problèmes socioéconomiques; d’arrêter les collusions et corruptions entre petits amis; et de mettre en place un système fiscal juste permettant de réduire les inégalités.

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des Facultés de sciences humaines et de philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.

Le Gala de reconnaissance de la Francophonie de Calgary a été un franc succès. Photo : Shangnong Hu

Le gala, qui explorait le thème des cinq couleurs de la Francophonie (verte, violette, rouge, bleue et jaune), a également mis en avant la diversité qui anime la communauté francophone de Calgary. Il a réuni divers groupes ethnoculturels tels ceux du Cameroun, d’Haïti, de la Côte d’Ivoire et de la Guinée. Pour Nahla Boucherit, responsable de programme et des communications au sein de l’ACFA régionale de Calgary, le point fort de cette soirée a justement été la communion fluide entre ces différentes communautés francophones.

«Notre approche était vraiment inclusive, on a essayé d’inclure cette diversité dans tous les aspects du gala, que ce soit dans le choix de nos musiciens, la sélection du buffet, où plusieurs mets africains étaient mis à l’honneur, ou encore la décoration de la salle», explique-t-elle.

La sélection des deux musiciens invités symbolisait clairement cet engagement envers l’inclusion et la diversité. En effet, 2Moods, rappeur francophone originaire de la République démocratique du Congo, et Cristian de la Luna, auteur-compositeur-interprète d’origine colombienne, offraient des univers musicaux totalement différents. «J’ai vraiment apprécié le fait que les deux styles étaient complètement différents. Il y en avait pour tous les goûts», fait valoir Nahla.

Au-delà de la célébration de cette mosaïque culturelle, le gala visait à honorer les membres de la francophonie qui, par leur engagement précieux, ont contribué de manière significative aux diverses initiatives des organismes francophones de la région. La sélection des lauréats pour les prix d’excellence et les certificats de reconnaissance décernés à des bénévoles et travailleurs impliqués s’est déroulée en amont au sein de chaque organisme, en concertation avec les conseils d’administration et les employés.

La ministre albertaine, responsable du Secrétariat francophone, Tanya Fir, remettait les prix aux lauréats.

Le prix d’excellence de l’Association Camerounaise Canadienne de Calgary a été remis à Gautier Djeukam par la ministre Tanya Fir. Photo : Gabrielle Audet-Michaud

Des efforts salués

 «Ça a été une belle surprise de me voir reconnaître le travail que je fais sans salaire. On ne fait pas ça pour l’argent ou la reconnaissance, mais parce qu’on est passionné. Alors de recevoir un prix, ça démontre que notre travail doit être apprécié à un certain niveau», explique d’emblée le lauréat du prix d’excellence remis par l’Association Camerounaise Canadienne de Calgary (ACCC), Gautier Djeukam.

Impliqué depuis huit ans auprès de la communauté camerounaise, celui qui assure la direction des projets pour l’organisme consacre parfois jusqu’à une vingtaine d’heures par semaine pour soutenir l’intégration de ses compatriotes. Le programme d’accueil des nouveaux arrivants qu’il gère permet notamment aux Camerounais d’établir un contact avec des mentors avant leur arrivée au pays, facilitant ainsi leur transition entre la culture camerounaise et celle du Canada. Pour Gautier, cette initiative demande beaucoup d’investissement personnel.

«Quand je suis arrivé, il y a 10 ans, il m’a fallu deux ans pour m’adapter. Ce qui me rend le plus fier, c’est de constater que de nouveaux arrivants s’adaptent en aussi peu que trois mois grâce aux services que nous mettons à leur disposition », partage-t-il.

Réjean et Lise Leroux ont également reçu un prix d’excellence conjoint pour leur implication auprès du Club de l’Amitié de Calgary. Photo : Gabrielle Audet-Michaud

La fondatrice du Haïti Alberta Sports et/and Culture Club, Natacha Jean-Jacques, offre un témoignage similaire. Elle exprime sa fierté d’avoir été sélectionnée pour le prix d’excellence de son organisme sans but lucratif fondé en 2020. «Au fond, ça veut dire que mon travail est reconnu par mes collègues, alors c’est spécial et ça m’encourage à continuer», confie-t-elle.

Elle en profite pour souligner l’objectif principal de son organisme : offrir aux jeunes haïtiens divers événements sportifs, à la fois récréatifs et compétitifs, pour maintenir la cohésion de la communauté, surtout en contexte minoritaire. L’organisation propose aussi plusieurs événements culturels visant à promouvoir la musique, la danse et la gastronomie haïtiennes. «C’est important qu’on n’oublie pas qu’Haïti fait partie de la grande famille de la francophonie et de s’assurer qu’on puisse grandir comme communauté à Calgary», ajoute Natacha.

Réjean et Lise Leroux, des bénévoles chevronnés, ont, quant à eux, été honorés par le Club de l’Amitié de Calgary, une reconnaissance qu’ils décrivent comme particulièrement gratifiante. L’objectif de cet organisme est de créer des occasions de rencontres pour les aînés francophones de la ville. «C’est une validation après toutes ces années d’engagement», partage Réjean, en rappelant que sa femme et lui offrent du temps de manière hebdomadaire depuis près de quinze ans.

«On fait du bénévolat pratiquement tous les vendredis soirs. Lise fait des ateliers de peinture quatre fois par année, moi, je m’occupe du bingo tous les mois. C’est du travail, mais on aime tellement ça parce que ça nous garde occupés», mentionne-t-il.

Lise s’empresse d’ajouter que leur implication dans la communauté leur permet aussi «de sortir de la maison comme ce soir» et de rencontrer de nouvelles personnes. Elle s’étonne, d’ailleurs, de voir à quel point l’assistance était nombreuse et diversifiée lors du gala qui réunissait environ 180 convives.

«Parfois, on ne réalise pas combien nous sommes nombreux, bien plus que ce que je pensais. Nous voir tous ici ce soir, ça nous donne une idée de l’ampleur de la communauté francophone de Calgary et c’est magnifique de voir à quel point nous pouvons être unis», insiste-t-elle.

Glossaire – Chevronné : Qui a de l’expérience

Le rappeur francophone originaire de la République démocratique du Congo, 2Moods. Photo : Shangnong Hu

La fondatrice du Haïti Alberta Sports et/and Culture Club, Natacha Jean-Jacques, a également reçu un prix d’excellence. Photo : Gabrielle Audet-Michaud

Nahla Boucherit est responsable de programme et des communications au sein de l’ACFA régionale de Calgary. Photo : Courtoisie

(De gauche à droite) Dany Côté, le président de l’ACFA régionale de Calgary, Arnaud Favier, le directeur adjoint de La Cité des Rocheuses, et Giscard Kodiane, directeur général adjoint responsable de la planification au Pont Cultural Bridge, sont trois des partenaires dans cette belle aventure de la tournée antiracisme. Photo : Arnaud Barbet

«Nos communautés francophones changent à vue d’œil. D’ici 2050, c’est 80% de la francophonie qui se trouvera sur le continent africain», s’est exclamé d’entrée de jeu le musicien Yao qui tenait le rôle de maître de cérémonie lors de la tournée. «Quand on parle de redéfinir nos couleurs, c’est qu’on doit s’adapter à la rencontre de toutes ces cultures, ces groupes qui forment maintenant la francophonie», a-t-il ajouté en faisant référence au thème de cet événement organisé conjointement par le Pont Cultural Bridge (PCB), six régionales de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) et une dizaine d’autres partenaires.

L’artiste a aussitôt invité les quatre panélistes, chacun à leur tour, à apporter leur propre grain de sel sur le sujet. Parmi eux, Céline Bossé et Kazir Coulibaly, deux membres actifs de la francophonie calgarienne, ont mis en avant l’importance de l’unité dans la diversité. Ils ont aussi partagé des éléments marquants de leur vécu qui ont façonné leur parcours en tant qu’acteurs de l’inclusion.

À son arrivée en Alberta en provenance du Québec, Céline a été confrontée à un «choc» qui a nécessité une période d’adaptation. En évoquant cette période, elle mentionne, «au Québec, je serai restée avec mon patelin, avec le monde que je connais et qui me ressemble». «Mais je n’aurais pas eu l’occasion de m’entourer d’autant de différences», a-t-elle ajouté. Son engagement au sein de la francophonie albertaine lui a donc permis de «s’enrichir des différentes cultures et couleurs» qui caractérisent cette communauté.

Kazir a, quant à lui, souhaité sensibiliser l’audience aux réalités du racisme systémique, des stéréotypes et des micro-agressions qu’il a pu rencontrer à son arrivée de sa Côte d’Ivoire natale. Il a également abordé ce qu’il définit comme des «clashs culturels», des défis auxquels les personnes immigrantes sont souvent confrontées lorsqu’elles s’ajustent aux mœurs et coutumes de leur pays d’accueil.

Shangnong Hu et Françoise Sigur-Cloutier prennent comme les deux autres panélistes leur rôle très au sérieux. Le racisme à plusieurs facettes. Photo : Arnaud Barbet

Selon lui, ces conflits peuvent engendrer des malentendus entre les nouveaux arrivants et certains membres de la francophonie albertaine, ce qui peut conduire à l’érection de barrières difficiles à surmonter, notamment dans un contexte professionnel. Pour y remédier, il est essentiel que chacun s’efforce «de comprendre les intentions d’autrui» et de dialoguer avant de réagir négativement.

«Dans ma culture, par exemple, on fait beaucoup de compliments. Quand une femme prend du poids, on lui dit qu’elle “va bien”. Mais si tu dis ça à une personne blanche [en Alberta], ce sont les ressources humaines qui vont être impliquées, alors que l’intention n’était pas mauvaise», a illustré Kazir de manière humoristique.

Entre intersectionnalité et autoréflexion

De son côté, Françoise Sigur-Cloutier, engagée depuis des décennies dans la défense de la francophonie en milieu minoritaire, a élargi le débat du racisme pour aborder, plus globalement, le sujet de la discrimination lors du panel de discussion. Selon elle, toutes les formes de discrimination sont interconnectées et doivent être abordées simultanément.

«De nos jours, on discrimine absolument sur tout, que ce soit la couleur, la langue, la religion, les accents, le sexe, le poids ou l’âge… On cherche des raisons pour se diviser, mettre des distances entre nous et l’autre», a-t-elle précisé lors d’une entrevue avec la rédaction.

Une quarantaine de personnes se sont réunies à La Cité des Rocheuses pour participer à cette dernière escale de la tournée antiracisme Et si on redéfinissait nos couleurs. Photo : Arnaud Barbet

La tournée antiracisme, elle espère, aura été l’occasion de faire un «geste d’ouverture» et de sensibiliser la population sur ces enjeux d’oppressions intersectionnels, et ce, dans le but d’«améliorer la situation». «L’idée, c’est qu’on puisse prendre conscience de certains de nos préjugés et façons d’être dans le but d’améliorer nos comportements sociaux», a-t-elle mentionné.

L’événement à Calgary lui a également permis de cheminer en constatant que les perceptions de chaque panéliste sont modelées par leurs «propres expériences de vie, leur vécu, leur identité et leur enfance». «Notre identification à ce monde déteint sur notre niveau de sensibilité vis-à-vis nos différences. Si on est un homme noir ou une femme, on sait qu’on est vulnérables, mais pas toujours aux mêmes choses», a-t-elle ajouté.

Pour Shangnong Hu, le quatrième panéliste de cette discussion régionale, cette expérience personnelle évoquée par Françoise joue aussi un rôle déterminant dans la formation de nos préjugés et dans notre aptitude à les remettre en question. Ce Français d’origine qui a grandi en Chine et réside au Canada depuis cinq ans pour ses études doctorales a remarqué, à travers son parcours de vie, que chaque pays où il a vécu entretient un rapport à l’autre bien différent.

«La France est un pays très accueillant, les immigrants ont donné un apport énorme à la société. On parle toutefois du contexte d’intégration, au sens où on s’attend à ce qu’on s’assimile à la langue française et, dans le meilleur des cas, à ce que l’on délaisse nos coutumes», a-t-il avancé.

D’après lui, le Canada, au contraire, encourage les nouveaux arrivants à apporter leur bagage culturel et linguistique. «Personne ne nous dira « il faut parler anglais ici », alors qu’en France, ce genre de remarques peuvent survenir avec le français.» Parallèlement, il décrit la Chine comme un pays «relativement fermé au niveau culturel et social». «Un étranger dans les grandes villes comme dans les plus petites villes se fait remarquer très très vite.»

Shangnong a partagé avoir lui-même déjà été sujet à des préjugés racistes en raison de son bagage personnel, mais en formant des liens d’amitié avec des personnes différentes de lui, il a été en mesure de se défaire de ces pensées. «C’est important de garder un esprit critique et de se questionner sur ce qu’on entend, sur comment on agit. En s’informant, en étant curieux face aux différences, on connaît mieux les autres et on a moins tendance à nourrir ces préjugés», a-t-il mentionné.

Des questions laissées sans réponses

 Françoise Sigur-Cloutier a avoué être restée «un peu sur sa faim» malgré la richesse des échanges qui ont eu lieu lors de l’événement. Selon elle, il aurait pu être intéressant d’allouer un temps plus grand aux questions de l’audience afin que tous puissent nourrir la réflexion. «Il n’y a pas vraiment eu de temps pour ça», a-t-elle expliqué.

Il y a aussi le fait que peu de pistes de solution aient été proposées par les interlocuteurs. Cependant, elle considère que ces questions laissées en suspens peuvent inciter le public à une réflexion plus profonde. «C’est positif parce que ça va nous permettre d’essayer de chercher des réponses par nous-mêmes, de continuer le dialogue et de continuer à s’écouter et à s’entendre», a-t-elle conclu.

Glossaire – Intersectionnel : Dans ce contexte, se dit de différentes formes de discriminations qui se chevauchent

Derrière ce contraste se cache l’asymétrie de pouvoir dans les négociations avec les investisseurs étrangers et la question de la faiblesse des bénéfices tirés par les Afriques des accords internationaux passés. D’où la question du rôle qu’un pays comme le Canada peut jouer pour accompagner les efforts des États africains afin d’améliorer leur position de force dans les négociations.

Dans son rapport 2022 sur l’investissement dans le monde, la CNUCED révèle qu’en 2021, les investissements étrangers directs vers les pays africains ont atteint un niveau record de 83 milliards de dollars, soit «plus du double du total enregistré en 2020» (CNUCED, 2022). Le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas restent parmi les principaux joueurs. 

C’est dans le domaine des mines que le Canada se distingue dans la région. Si en 2021, ses actifs miniers se trouvaient majoritairement en Amérique (Canada, Amérique du Sud, États-Unis, Mexique, Amérique centrale et les Caraïbes), l’Afrique est le second continent où l’on trouve le plus d’actifs miniers canadiens, d’après le baromètre RSE (confirmé par Ressources naturelles Canada). 

C’est dire, à la suite de la Banque mondiale pour laquelle «l’Afrique a le potentiel de devenir “l’usine du monde”» (Diop et coll., 2015), tout l’intérêt géoéconomique du continent africain, lequel contraste pourtant avec la capacité des pays africains à tirer leur épingle du jeu. Dans le rapport sur les progrès de l’Afrique, publié par l’Africa Progress Panel (APP) en 2013, Kofi Annan affirme que des contrats mal négociés sont en partie responsables de l’aliénation des richesses de certains pays. Pour en arriver à cette conclusion, l’ancien secrétaire général des Nations unies fait l’argument que peu de gouvernements africains non seulement négocient les conditions de concessions et de licences, mais aussi disposent des informations dont ils ont besoin pour évaluer l’étendue des réserves minérales et les coûts potentiels de l’exploitation (Africa Progress Report, 2013).

En 2017, la Commission des Nations Unies pour l’Afrique faisait remarquer que les pays africains sont constamment engagés dans la négociation de traités bilatéraux et multilatéraux et de plusieurs contrats pour l’exploration et le développement des ressources extractives, alors que la plupart d’entre eux ne disposent pas des capacités institutionnelles nécessaires pour garantir que les intérêts de leurs pays sont défendus dans le cadre de ces négociations. 

En 2022, les experts du groupe Accelerating Impacts of CGIAR Climate Research for Africa (AICCRA) faisaient la remarque suivante à propos de la diplomatie climatique : «Il est évident que l’Afrique est limitée par sa capacité à participer efficacement au discours politique international sur le changement climatique pour encourager les actions climatiques aux niveaux régional, national et infranational».

La Banque africaine de développement (BAD), pour sa part, affirme clairement dans ses Perspectives économiques en Afrique 2023 : «La faiblesse des bénéfices tirés par l’Afrique des accords internationaux passés est due en partie à sa capacité de négociation limitée, provenant de ses capacités limitées à inventorier ses ressources et à identifier et communiquer ses lacunes en matière d’assistance». Elle ajoute même que «la plupart des pays africains ne parviennent pas non plus à mieux négocier avec les investisseurs privés les avantages que pourraient leur procurer leurs ressources naturelles, en partie à cause de la difficulté de réaliser des études susceptibles de déterminer la valeur des réserves de ressources».

Pourtant, dans un contexte où les traces de la colonisation tardent à s’effacer, d’une part, et où la centralité du continent africain tend à faire de ce dernier la pépinière des solutions aux problèmes économiques, sociaux et technologiques de la planète, d’autre part, la question de la capacité de négociation, en l’occurrence en contexte diplomatique bilatéral et multilatéral, devient un enjeu de souveraineté et de prospérité. 

Cette question replace la préoccupation pour les données et le partage des pratiques intelligentes, voire exemplaires, au cœur des défis permettant de connaître, de comprendre et de faire évoluer les Afriques.

Un modèle canadien de négociation? Définition et pertinence pour les Afriques

La négociation est considérée par les spécialistes comme remplissant une fonction d’art et d’instrument de diplomatie et la négociation raisonnée, une approche éprouvée d’éviction des conflits. Dans ce sens, les contrats que signent ou signeront les pays africains dans le contexte d’aujourd’hui impacteront l’avenir de tout le continent, et pour longtemps, dans cette région en pleine (re)construction et en quête de stabilité. 

Quel rôle pour le Canada dans cette perspective?

Son style et ses attitudes ont fait du Canada un pays réputé pour sa culture pragmatique. Les Canadiens n’hésitent pas à partir de la négociation pour mettre en place des processus de résolution conjointe des problèmes et parvenir à des solutions mutuellement acceptables. Contrairement à certains contextes nationaux où le réflexe de régler les problèmes en s’affrontant est présent, la culture canadienne privilégie l’art du compromis et de l’arrangement. 

Les Canadiens croient fortement au concept du gagnant-gagnant et s’attendent aussi à la réciprocité, au respect et à la confiance (Katz, 2017). Cette culture repose sur quelques déterminants parmi lesquels on retrouve : (i) un modèle non hiérarchique et non vertical de prise de décision; (ii) l’importance de la bonne foi dans les arrangements (se traduisant par le fait que dans les interactions humaines, et même dans le rapport que les dirigeants ont avec les administrés, le soupçon n’est pas premier, mais c’est la confiance qui prime, jusqu’à preuve du contraire); (iii) le bon usage du temps (en bon pays d’Amérique, time is money est un adage qui vaut son pesant d’or, bien que l’on soit prêt à investir plus de temps pour rassembler l’information nécessaire à la mise en place des conditions d’une relation de confiance [Katz, 2017]); (iv) le principe de légalité (consubstantiel à l’État de droit); (v) le respect dû aux contrats; et (vi) le rôle joué par les femmes dans les affaires.

Sachant qu’une meilleure compréhension des enjeux et des responsabilités de chacune des parties générera des contrats plus justes et des stratégies nationales plus équitables, le Canada détient une expertise pertinente à faire valoir. 

Il existe, en l’occurrence, un modèle canadien de traité et d’investissement (TBI) en vertu duquel tous les nouveaux traités bilatéraux d’investissement Canada-Afrique prévoient l’arbitrage en cas de litige et contiennent un grand nombre de dispositions standard que l’on peut attendre d’un TBI, notamment le traitement national, le traitement juste et équitable, le libre transfert de capitaux et la protection contre l’expropriation. 

Ce modèle se conjugue avec la stratégie de coopération économique Canada-Afrique proposée par le gouvernement canadien, misant sur une démarche commerciale inclusive et durable, ainsi que sur le renforcement d’un système de commerce international fondé sur des règles.

Les compagnies canadiennes présentes dans les Afriques s’illustrent(ront)-elles comme les «diplomates» à l’étranger de ce modèle, de cette stratégie et même de l’image du Canada? Difficile de répondre par l’affirmative, sous peine d’être contredit par certains acteurs de l’industrie minière pour lesquelles le continent africain se réduirait sinon à un «paradis sous terre» (Deneault et Sacher, 2012), du moins à un continent «à fric»…