le Jeudi 18 avril 2024
le Samedi 4 juin 2022 9:00 Grande Prairie

Le balado, une niche pour conter des histoires

Selon The Podcast Exchange, il y aurait près de 12 millions d’auditeurs de balado au pays en 2021. Selon un rapport de la même année de Canadian podcast listener le nombre d’adultes de langue française écoutant des balados au Canada a augmenté de 17% à 21% entre 2020 et 2021. Plus généralement, les nouveaux auditeurs sont plus souvent des femmes, des jeunes et des francophones. Alors que le balado est devenu un incontournable sur toutes les plateformes musicales, il devient un support médiatique essentiel pour véhiculer les petites et grandes histoires.
Le balado, une niche pour conter des histoires
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Pour célébrer leur 20e anniversaire, les membres de l’ACFA régionale de Grande Prairie ont voulu créer une pièce de théâtre. Financé par Patrimoine canadien, ce projet avait pour objectif de créer une histoire qui représente la communauté de la région. Malheureusement, la pandémie en a empêché sa production.

«On avait cette pièce de théâtre dans le tiroir et on devait finaliser quelque chose», explique Geneviève Savard, la directrice régionale. Finalement, le conseil d’administration a émis la volonté de créer un balado. «Le CA a dit pourquoi ne pas rendre la pièce de théâtre accessible à tout le monde et créer un balado pour le mettre en valeur», explique-t-elle.

Enregistrement avec les créateurs du balado Where do you come from? Tu viens d'où? et Jason Kodie. Crédit : Geneviève Savard

Enregistrement avec les créateurs du balado Where do you come from? Tu viens d’où? et Jason Kodie. Crédit : Geneviève Savard

Écrite par Mme Pierrette Requier, la pièce de théâtre Where do you come from? Tu viens d’où? raconte une histoire «sous forme de poème, d’une jeune femme bilingue qui se questionne, de sa féminité et son bilinguisme». Le but était aussi d’explorer la longévité du patrimoine francophone de la région.

Durant ses recherches pour écrire le scénario, Mme Requier a pris contact avec plusieurs personnes de la communauté. «C’est des gens qui sont parfaitement bilingues, la réalité de la pièce leur colle à la peau», décrit la directrice régionale avec enthousiasme. Certains individus ont partagé leurs histoires avec Mme Requier et ont aussi eu l’occasion de faire partie du projet final.

Même si le balado était le second choix pour faire vivre cette pièce de théâtre, Geneviève Savard réalise combien ce support numérique a apporté quelque chose de très spécial pour les artistes. Une volonté de «rendre leur œuvre peut-être plus grand public» pour s’ouvrir au monde et pour diffuser le message au-delà des frontières albertaines.

Des balados pour tous les publics

Professeure en communication à la MacEwan University, Marlene Wurfel enseigne aussi les beaux-arts. Elle est la créatrice du balado Tales from the Lilypad.

Lorsqu’elle passait ses journées à s’occuper de ses trois enfants, Marlene aimait «écouter des balados d’histoires avec eux». Un divertissement qui l’a amenée à créer ce balado pour les familles et les enfants afin de pouvoir «redonner» à la communauté. Elle considère que «raconter des histoires aux enfants est un service public… une sorte de devoir sacré».

Marlene Wurfel, professeure (Communications) à la MacEwan University. Crédit : Courtoisie

Marlene Wurfel, professeure (Communications) à la MacEwan University. Crédit : Courtoisie

Ce qui a attiré la professeure vers cette forme de média est aussi l’aspect technique. «Ce fut une expérience de narration numérique ou narration du 21e siècle.» Elle ajoute, «une des différences entre les communications numériques et les formes traditionnelles de communication (comme les livres, les pièces de théâtre), c’est la portée et l’échelle… la taille de l’audience».

Elle estime qu’il est difficile de déterminer le nombre d’auditeurs qui peuvent accéder à des connaissances multiples grâce aux balados. Pour Tales from the Lilypad, environ 52 millions de minutes d’histoires ont été écoutées et «c’est quelque chose que je ne pourrais pas faire dans ma vie sans la technologie».

Traverser l’espace et le temps

Professeur associé et coordonnateur de programme (Professional Communication) à la MacEwan University, Iain Macpherson décrit que «tout le monde n’écoute pas forcément les balados et ils ont tendance à avoir des sujets très particuliers ou de niche… mais ils sont massivement populaires». C’est en ces termes qu’il parle notamment de ces balados qui, comme Where do you come from? Tu viens d’où?, véhiculent la francophonie en milieu minoritaire. Il qualifie ce marché de «grande niche».

Depuis les cinq dernières années, «leur popularité ne cesse d’augmenter». Il explique «qu’il y a toujours un public, et peut-être même un désir humain primitif pour ce format de l’histoire». Selon ce professeur, les balados sont uniques dans leur capacité de «combler le fossé entre l’expertise de la recherche et la compréhension des non-initiés».

De plus, l’impact du balado est renforcé par la mobilité. «Vous pouvez l’écouter où et quand vous voulez», commente Iain Macpherson. C’est exactement ce que le balado La Place essaye de fournir à la communauté francophone de l’Alberta.

L’Alberta dans votre poche

L’idée de ce balado à succès ne date pas d’hier. En effet, c’est en 2018 que sont apparues les prémices de La Place. Aujourd’hui, Denis Perreaux, Josée Thibeault et Ronald Tremblay continuent de partager avec le public des histoires de la francophonie de différentes régions de l’Alberta.

Denis Perreaux explique que cette production de la Société historique francophone de l’Alberta (SHFA) avait pour but «de raconter sur des lieux intéressants et puis de montrer que l’histoire francophone est partout». Ils ne voulaient pas «faire seulement un podcast de l’histoire francophone».

En choisissant différentes régions géographiques, La Place voulait vraiment «être plus située dans l’espace». Même si le lieu visité n’a pas une communauté francophone reconnue, «on ne voulait pas rater les histoires intéressantes de la francophonie».

«Le format balado a commencé dans les années 2000, je l’ai adopté très tôt», sans toutefois avoir effectué d’autres enregistrements avant La Place. C’est néanmoins «le premier balado indépendant francophone de l’Ouest canadien», insiste l’historien.

La saturation du marché du balado n’est pas un souci pour lui. «C’est un compliment de savoir que d’autres en font.» Quand il s’agit de parler d’histoire, tant d’angles peuvent être pris et «on ne peut jamais avoir trop de contenu».

Alors, si vous souhaitez lancer un balado historique sur l’existence des Franco-Albertains, «il est le bienvenu», déclare-t-il. «Moi, j’aime beaucoup plus l’idée d’un balado qui reçoit 50 écoutes, mais qui parle de quelque chose qui rejoint un besoin pour ces 50 auditeurs.»

Le balado est sans doute la nouvelle vedette de la narration moderne, selon Iain Macpherson. En effet, il fournit quelque chose de spécifique, tout en étant mobile; c’est ce qui le rend un média si spécial. Son avenir est d’ailleurs à surveiller.

Professeur Macpherson mentionne également que de grands acteurs des médias comme Sony, Universal, Warner ont récemment investi dans ce mode de production. Il résume les opinions concernant l’avenir des balados en trois catégories : «A) Est-ce que ça peut devenir grand? B) Si ça devient grand, est-ce que ça va le ruiner? C) C’est déjà en train d’être ruiné comme un autre véhicule pour les voix des vedettes hollywoodiennes».

Finalement, si l’on se réfère aux innovations du siècle dernier, telles que la radio, le disque vinyle ou le balado numérique, il semblerait que la population trouvera toujours un moyen de raconter ses histoires.

Cinq conseils pour réaliser un balado avec succès

1. Ayez une vision claire de votre sujet.
2. Tenez compte de votre auditoire.
3. Utilisez une bonne qualité sonore.
4. Soyez objectif avec votre temps et vos buts.
5. Pensez à ce que vous en retirerez.