Le 30 septembre, le conseiller municipal de Calgary George Chahal a déposé une résolution visant à prendre position contre le projet de loi 21 du Québec. Ce projet vise à interdire le port de signes religieux par certains employés du secteur public québécois. Un débat qui relance la question du multiculturalisme canadien à quelques semaines des élections fédérales.
« J’ai amené ce sujet parce que je pensais que c’était le bon moment pour que nos dirigeants fédéraux en discutent. », déclare le conseiller George Chahal. Une prise de position calculée en pleine campagne électorale fédérale. Suite à cela, le 1er octobre, l’Association canadienne-française de l’Alberta a fait part d’un communiqué. «L’ACFA reconnaît l’importance de développer toujours davantage la langue française au Canada et au Québec, mais pas aux dépens des droits de la personne. Je tiens à féliciter chaleureusement l’adoption d’une motion par la Ville de Calgary (…). J’appelle à l’ouverture et à l’inclusion de tous. »
« Ce qui m’inquiète au 21e siècle c’est qu’on puisse faire cette démarcation très nette entre le public et le privé »
Srilata Ravi, directrice de l’IMELDA au Campus Saint-Jean Saint-Jean.
Dans un pays aussi grand que le Canada, la question du multiculturalisme et de la laïcité divise d’un bout à l’autre du pays. Comment expliquer une telle différence dans la vision et l’application des Droits de la personne à travers le projet de loi 21 ?
Le positionnement du conseiller municipal George Chahal est clair. Ce projet de loi est raciste. « Nous ne devrions pas cibler en fonction de l’apparence d’un individu, ou en fonction de sa foi », dénonce-t-il. Un point de vue que partage la Directrice à l’IMELDA* au Campus Saint-Jean Saint-Jean, Srilata Ravi. « Ce qui m’inquiète au 21e siècle c’est qu’on puisse faire cette démarcation très nette entre le public et le privé », explique-t-elle.
Cette question sur la laïcité s’inscrit dans un débat plus vaste, qui ramène le débat du religieux sur l’espace public. La religion au Canada appartient-elle à la sphère privée ou à la sphère publique ?
Pour Louis-Philippe Lampron, professeur titulaire à la faculté de droit à l’Université Laval spécialisé sur les questions liées aux droits et libertés de la personne, « juridiquement parlant, c’est très clairement les deux en fait. On reconnaît que la liberté de conscience et de religion protège le droit de croire et le droit d’exprimer ses convictions par des comportements. Mais comme pour tous les droits fondamentaux, il n’y en a aucun qui n’est absolu. Pas plus la liberté d’expression que la liberté de religion ».
Il explique également que dans le droit canadien, même si ce n’est pas textuellement reconnu dans la constitution, il demeure qu’il y a une séparation du religieux et de l’état. C’est le principe de la neutralité religieuse.
Un modèle consensuel ?
Alors quelle est la solution ? Selon M. Lampron un modèle mitoyen existe entre le multiculturalisme et le modèle républicain à la française pratiqué au Québec : c’est l’interculturalisme présenté dans le rapport Bouchard et Taylor en 2007. Jusqu’à présent ce rapport est toujours resté à l’état de théorie.
En attendant, le gouvernement fédéral n’a toujours pas pris de position claire sur un sujet aussi épineux que celui de l’idéologie de la laïcité, touchant de facto aux droits de la personne et celui du multiculturalisme. De son côté, Georges Chahal a affirmé que d’autres municipalités ont bel et bien l’intention d’emboîter le pas de la ville de Calgary, en signant elles aussi cette motion.
*IMELDA : l’Institut Marcelle et Louis Desrochers pour le patrimoine et les recherches transdisciplinaires en francophonies.