La pandémie de COVID-19 qui frappe le monde nous plonge dans un scénario de film de science-fiction. Confinement, effondrement de l’économie, omniprésence de discours politiques et de statistiques sur l’épidémie, tout cela provoque une anxiété difficile à gérer. Connie Leclair, psychologue à Calgary, donne ses conseils pour mieux vivre cette crise historique.
Les psychologues contre l’anxiété
Médecins, infirmier(e)s, et autres personnels soignants sont érigés comme les héros de toute une société. Bien moins exposés à la lumière, les psychologues, eux aussi, sont sur le qui-vive. L’association des psychologues en Alberta a d’ailleurs publié un document sur les bons comportements à adopter pour faire face à cette crise sanitaire mondiale.
L’épidémie est bien plus virale sur les écrans que dans la vie réelle. Que ce soit dans les médias, sur les réseaux sociaux, et par conséquent dans les discussions du quotidien, le Coronavirus est partout. C’est la peur et l’angoisse qu’il répand. Ce contexte est essentiel afin de délivrer aux citoyens les bons gestes à adopter pour éviter une contamination. Mais il peut affecter la santé mentale, en créant de véritables angoisses. Pour y répondre, Connie Leclair prône «la diète émotionnelle»!
«Tout est dans l’interprétation !»
Le secret de la force mentale réside dans l’interprétation d’une information. «Lorsqu’on consume n’importe quel genre d’informations, que ce soit un article de journal, un “post” sur Facebook ou Instagram ou un filet de conversation entendue dans la rue, il est nécessaire de démontrer une capacité de discrimination et de choisir avec intention la perspective qu’on va prendre vis-à-vis de cette information», soutient la psychologue.

«Tout est dans l’interprétation!». Elle cite comme exemple les nombreux bulletins d’informations concernant le nombre de nouveaux malades. « On a le choix de se dire que c’est la fin du monde! Si l’anxiété n’est pas gérée, on se rend possiblement en pleine dépression. Si on décide de se dire que c’est bien qu’on puisse détecter les nouveaux cas, car, de cette façon, on peut guérir et empêcher la propagation du virus, on va ressentir immédiatement une sensation de bien-être et de sécurité!».
Un régime spécial s’impose parfois. «Demandez-vous si votre diète émotionnelle, intellectuelle, médiatique est aussi saine que votre diète de nourriture». Il faut être sélectif, c’est-à-dire restreindre l’accès au trop d’informations négatives. «Une poutine et une petite portion de pouding chômeur de temps à autre, c’est pas la fin du monde. Mais si c’est tout ce qu’on mange tous les jours, ça va avoir un résultat néfaste sur notre santé physique. Le même peut être dit pour ce qu’on donne à manger à notre cerveau».
Vivre un confinement
Au-delà des dangers du coronavirus, l’isolement est une menace à notre bonne santé. «Il peut définitivement affecter négativement la santé mentale, indique la psychologue. On peut se sentir dépourvu, à la merci de tous les dangers. L’isolation sociale rend les gens anxieux, dépressifs et plus sujets aux maladies», indique Connie Leclair. Cette sensibilité est héritée de nos plus profondes racines: celui d’«un animal social». «L’humain est un animal relativement faible en relation avec les autres espèces. Il n’a survécu que par sa capacité à se rassembler et travailler en équipe».
D’ailleurs, l’isolement a toujours été considéré comme l’une des pires punitions. Aujourd’hui, c’est la prison, auparavant l’enfermement pouvait prendre d’autres formes, comme l’indique la psychologue. «Dans certaines sociétés, dites plus primitives, la punition ultime pour un crime était que tous les gens de la tribu ignoraient le criminel. Ce manque d’interaction pouvait forcer la personne à quitter sa tribu. Parfois, ça pouvait même aller jusqu’à la mort».
«On a besoin de voir des visages, des sourires, de rire de bon cœur!», affirme la spécialiste. Rompre l’isolement, même lors d’un confinement, c’est important. La technologie est un allié. «Il faut prendre contact avec d’autres de façon virtuelle. Je ne parle pas de lire les posts sur les médias sociaux. Je parle d’avoir des conversations de vive voix au téléphone, sur Skype, Facetime et autres plateformes de communication vidéo».
Rester actif
D’autres alternatives, moins cloisonnées, existent. La psychologue francophone de Calgary se cite comme exemple. Depuis plusieurs années, Connie Leclair se coordonne avec sa cousine pour l’appeler une fois par semaine lors d’une promenade. L’une se balade le long de la rivière Bow à Calgary, l’autre promène ses chiens dans un bois proche de leur ville natale au Québec. «Tout ce que ça prend, c’est un peu de coordination, des écouteurs (!), et une volonté de nourrir notre relation», conseille-t-elle.
Gardez en tête que conserver une bonne santé mentale vous demandera de rester actif. «Faites de la méditation, de la marche, des exercices physiques. Si vous vous sentez seul, prenez l’initiative d’aller sur les médias sociaux, et commencer une table ronde de discussions (pas sur le coronavirus). Un club de lecture virtuel, par exemple, il y en a plein de gratuits. Soyez créatifs, trouvez de nouvelles façons de vivre selon votre nature, comme animal social!»
Être francophone un milieu minoritaire
Pour Connie Leclair, les francophones en Alberta, évoluant en milieu minoritaire, ne présentent pas davantage de risques de tomber dans l’isolement et l’anxiété. «Certes, certaine informations ne sont disponibles qu’en anglais, bien que les organismes qui supporte notre communauté fassent de leur mieux pour contrer cette situation. Il en revient à chaque francophone qui vit en Alberta de supporter leurs organismes: faire partie de l’ACFA, du CDÉA, lire le Franco, être connectés de toutes sortes de façons entre nous. Aussi, comme nous sommes déjà éloignés de notre tribu d’origine, les francophones sont souvent très habitués a communiquer à travers les plateformes virtuelles. C’est un avantage non négligeable.»
Vous pouvez consulter un autre article sur la psychologie pendant la pandémie sous ce lien.