L’artiste enchante l’Alberta depuis une quinzaine d’années avec ses personnages hauts en couleurs : le clown Sweet P puis, plus récemment, Isabelle La Wonderful, clown, magicienne et chanteuse. Portrait d’une femme qui veut faire rire le monde.
Isabelle Cliche se voit aujourd’hui comme « un clown dans une belle robe qui chante et qui fait de la magie ». Mais avant d’en arriver là, la Québécoise d’origine a dû s’accrocher.
Lorsqu’elle arrive en Alberta à l’âge de 24 ans, les portes lui sont fermées. Malgré tout, elle réussit à faire sauter les verrous à force de persévérance. « J’ai beaucoup de personnes qui refusaient à un moment, pour me dire oui quelques temps plus tard », se rappelle-t-elle.
Aujourd’hui, pourtant très demandée, elle avoue que certaines périodes peuvent être plus calmes que d’autres, source d’angoisse pour elle : « J’ai plein d’énergie. Quand je ne fais pas d’animation pendant deux semaines, je peux tomber en dépression », s’exclame-t-elle. Le ton est donné.
Clown, magicienne, mais aussi chanteuse
Quand on lui demande si elle a encore le trac, la réponse d’isabelle Cliche est étonnante : « La première fois que j’ai eu le trac, c’était en juin dernier, à Bonnyville, car c’était la première fois que je chantais devant un public ». Elle reconnaît que cette prestation a vraiment changé la donne : « Avant ça, je ne me voyais pas comme une chanteuse », se justifie-t-elle.
Pourtant, le trac, elle aurait pu le ressentir à plusieurs occasions, notamment quand elle a joué devant 5 000 personnes pour sa première prestation rémunérée : « Ça brise la glace », plaisante-t-elle. Ou bien lors de son premier spectacle en Alberta où elle avait été invitée à Banff pour jouer devant tous les premiers ministres du Canada. Mais ce qu’elle dit ressentir est tout autre que la peur : de l’excitation, voire de la fébrilité. Car, sûre de ses tours, elle dit ne pas se mettre la pression pour faire rire à tout prix : « Je sais qu’on va avoir du bon temps ». Et c’est sa plus belle récompense : savoir qu’elle va réussir à toucher son public, à lui arracher un sourire.
Même si Isabelle ne manque pas d’expérience, chaque spectacle est un concentré d’émotions pour elle, qui avoue pleurer régulièrement au début de ses prestations. Ça rend le public généreux et attentif », confie-t-elle. Et si l’écrivain peut être soumis à l’angoisse de la page blanche, l’artiste en représentation peut se retrouver confronté à la vision apocalyptique d’une salle quasi-vide. Mais il en faut plus pour déstabiliser l’artiste : « Quand tu fais un spectacle et qu’ils sont quatre dans la salle, c’est difficile, mais en tant qu’artiste, tu te dois de faire le show comme s’ils étaient 5000 ! ». C’est aussi parce qu’elle sait, au fond d’elle, que « si les gens ne se sont pas déplacés, ça ne veut pas dire que ce qu’on fait n’est pas bon ».
Avant de posséder cette belle assurance, Isabelle Cliche a commencé à faire de la sculpture de ballons à 15 ans, puis à la fin de l’adolescence elle animait des fêtes d’anniversaire. Elle explique : « Je n’ai jamais pris la décision de le faire, je l’ai toujours fait à côté de mes autres activités ». Lorsqu’elle était étudiante en comptabilité au Cegep, alors que de nombreux camarades travaillaient dans la restauration ou la vente, c’est en travaillant comme clown qu’Isabelle payait ses études. Et lorsqu’elle a commencé à travailler dans un hôpital albertain, c’est aussi en faisant rire les gens, à ses heures perdues, qu’elle a réussi à développer son art. Même si elle a débuté comme autodidacte, l’artiste s’est perfectionnée grâce à une éducation en continu : elle possède un certificat international dans la sculpture de ballons, mais également une certification de yoga du rire, tout en ayant suivi des formations et participer à des conventions pour s’améliorer en tant que clown.
Une artiste francophone
Alors que ses premiers spectacles en Alberta étaient dans le milieu anglophone, l’artiste bilingue indique que depuis quelques années elle se produit régulièrement pour les organismes francophones. Une polyvalence enrichissante pour celle qui adore passer d’une langue à l’autre : « Le rire n’a pas de langue, c’est une situation qui va faire que c’est drôle », analyse-t-elle.
Pour Isabelle, son bilinguisme est certes une force mais il la fait aussi réfléchir. « Je me sens bien plus francophone depuis que je vis dans un milieu minoritaire », affirme-t-elle, tout en reconnaissant qu’elle a plus de mal à écrire en français depuis qu’elle est ici. « Ça se perd vite, c’est précieux, il faut en prendre soin », témoigne-t-elle alors qu’elle tente de transmettre la langue française à ses jumeaux.
Isabelle Cliche va continuer de faire rire, puisque l’avenir semble lui sourire : non seulement elle a des dates réservées jusqu’en 2021, mais elle va pouvoir réaliser un de ses plus grands souhaits, voyager. Dans quelques semaines, elle va notamment s’envoler pour les Territoires du Nord-Ouest pour deux spectacles. « Je suis très excitée », confie celle qui pense dur comme fer que « quand tu rends la journée d’une personne un peu moins pénible, tu rends vraiment un service à l’humanité ».