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le Samedi 12 novembre 2022 9:00 Environnement PR

Le débat sur les cibles de l’industrie minière est loin d’être enterré

Si l’industrie minière se déroule la plupart du temps six pieds sous terre, les enjeux qui y sont reliés refont souvent surface. La consultation publique du gouvernement du Yukon en lien avec les cibles d’intensité des émissions de gaz à effet de serre (GES) s’est conclue en octobre, mais suscite encore des questionnements.
Le débat sur les cibles de l’industrie minière est loin d’être enterré
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Laurie Trottier
IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale

La consultation a pris fin le 4 octobre dernier. Le gouvernement du Yukon avait lancé le 17 août cette consultation publique au sujet des cibles à mettre en place dans l’industrie minière pour limiter le nombre de GES relâchés dans l’atmosphère. Le gouvernement souhaite remplir son engagement ambitieux d’atteindre des émissions de carbone nulles d’ici 2050 au territoire, y compris dans le secteur minier.

En deux mois, seulement dix commentaires et suggestions par écrit ont été colligés. Un seul membre du public s’est prononcé, les neuf autres commentaires ayant été rédigés par des organisations et groupes avec qui le gouvernement du Yukon s’est engagé à collaborer.

«Le gouvernement du Yukon a rencontré douze organisations, dont des compagnies minières, des associations minières, des gouvernements autochtones et des groupes environnementaux. Une autre rencontre est prévue», affirme John Thompson, agent de communication au ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources.

Des cibles d’intensité à définir

Pour satisfaire ses ambitions environnementales, le gouvernement yukonnais a choisi de développer des cibles d’intensité afin d’inciter le secteur minier à baisser ses émissions. « Contrairement à la cible absolue de réduction des émissions de GES, la cible d’intensité fixe un niveau d’émissions de GES par unité de matière produite ou par unité de volume d’activité », peut-on lire dans le document de travail de la consultation publique.

Pour John Streicker, ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources, c’est la façon de faire qui permet le mieux de prendre en compte la particularité du secteur minier : «Parfois, certaines années, il y a très peu d’exploitation minière, et d’autres, beaucoup. Les cibles d’intensité permettent de se baser sur le volume d’activité exact», explique-t-il.

«Parfois, certaines années, il y a très peu d’exploitation minière, et d’autres, beaucoup. Les cibles d’intensité permettent de se baser sur le volume d’activité exact.» John Streicker

Du côté de la Société de conservation du Yukon (SCY), ce n’est pas le même son de cloche. Pour Marie Hammje, directrice des communications de l’organisme, des plafonds absolus auraient permis de réduire davantage les émissions. «Ne pas utiliser le même système de mesure pour l’industrie minière que pour le reste du Yukon n’a finalement aucun sens si le but est de faire baisser les émissions globales», soutient-elle.

L’analyste minier de SCY, Lewis Rifkind, renchérit : «La vérité est que la planète s’en fout si les mines ont eu une bonne ou une mauvaise année. Une mauvaise année pour l’industrie minière, c’est une bonne année pour la planète», simplifie-t-il.

L’organisme environnemental rappelle que les nouvelles mines proposées au Yukon, comme Kudz Ze Kayah, Casino ou Coffee ont le potentiel de doubler les gaz à effet de serre du territoire, et ce, «très rapidement».

Des minéraux essentiels, voire critiques

L’engouement pour ces nouvelles mines et pour l’extraction de ces minéraux vient du concept de transition écologique. Pour la plupart des pays dans le monde, la transition écologique passe par le domaine électrique et, pour faire cette transition, certains minéraux sont indispensables : le gouvernement canadien en a identifié 31, incluant le lithium, le zinc et le cuivre, jugés critiques à sa transition écologique. Ces deux derniers se retrouvent au Yukon, ainsi que 23 autres, selon le gouvernement yukonnais.

Lewis Rifkind a répondu à la consultation publique fédérale au sujet des minéraux critiques, lancée plus tôt cette année. Son plaidoyer est clair : «N’utilisez pas la quête de minéraux critiques pour justifier la destruction et la mise à mal de l’environnement que l’industrie d’extraction minière est déjà en train de faire», a-t-il écrit.

Selon lui, cette justification serait d’autant plus erronée puisqu’il n’y a actuellement pas de façon de suivre la chaîne d’approvisionnement des minéraux critiques, afin de s’assurer que chaque minéral extrait soit utilisé pour soutenir cette transition écologique. «Oui, le cuivre est utilisé dans la production de véhicules électriques, mais aussi dans les lampes, les robots culinaires, les puits pour l’industrie fossile, etc.», précise l’analyste minier.

Selon John Streicker, des plafonds absolus seraient cependant néfastes : «Si on ne fait pas ces extractions, ce n’est pas responsable. Pour s’éloigner des énergies fossiles, il nous faut ces minéraux», soutient-il.

«Si on ne fait pas ces extractions, ce n’est pas responsable. Pour s’éloigner des énergies fossiles, il nous faut ces minéraux.» John Streicker

John Streicker affirme également que les projets d’extraction minière sont soumis à des évaluations environnementales sévères, et que si les minéraux ne sont pas extraits au Yukon, il faudra les acheter quelque part d’autre.

Pour Marie Hammje, la quête de ces minéraux remet un débat plus grand sur la table : «La grosse question, c’est “qu’est-ce qu’on veut comme économie”. Bien sûr, l’industrie minière est importante pour le Yukon, mais en notant tous les efforts positifs qui ont été faits aux plans collectif et individuel, il faut maintenant qu’on réussisse à convaincre l’industrie minière de se mettre sur les mêmes échelles de mesure que les autres domaines.»

Les cibles yukonnaises devraient être publiées d’ici la fin de l’année. Ce sera ensuite probablement aux entreprises de transmettre leurs données sur les émissions de GES et sur leur production de minéraux en vue d’obtenir leurs permis.