La tension autour de l’avenir de la faculté est montée d’un cran avec cette nouvelle : le Campus Saint-Jean pourrait disparaître, selon six hypothèses présentées à un conseil des doyens, mercredi 29 juillet. Surprise, l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) promet une phase II de la campagne « Sauvons Saint-Jean » dès la rentrée. L’appel à des manifestations et une action en justice sont sur la table.
« Ça a été tout un choc, raconte Sheila Risbud, présidente de l’ACFA. Lors de nos rencontres, le président de l’Université avait évoqué l’idée d’un possible déménagement du Campus. Mais on ne savait pas que sur les neuf propositions, six prévoyaient cela ».
À la source de cette information, des courriels internes envoyés par le doyen du Campus au personnel de l’établissement qu’il administre dans le quartier Bonnie Doon. Pierre-Yves Mocquais prévient que neuf hypothèses de restructuration de l’Université de l’Alberta ont été présentées à un Conseil des doyens. Six d’entre elles « pourraient entraîner la disparition du Campus Saint-Jean (de même qu’Augustana) que ce soit par assimilation au sein d’autres facultés ou en raison de la centralisation de fonctions administratives qui occulteraient totalement l’utilisation du français », écrit-il.

Sheila Risbud l’affirme, « on est 100 % contre l’idée d’un déménagement ». La présidente élue au mois d’octobre dernier promet dès la rentrée une phase II de la campagne « Sauvons Saint-Jean » . Elle n’exclut pas l’organisation de manifestations physiques et d’appeler à des « moyens de pression sur le plan national ».
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L’ACFA ne démord pas
Elle insiste également sur une possible action en justice judiciaire pour faire respecter l’entente de 1976. Un document signé à l’époque entre les Oblats, la province et l’Université, qui visait à assurer le développement permanent de l’offre d’éducation en français au sein des bâtiments du quartier de Bonnie Doon. « On explore toutes les avenues dont certaines qui sont juridiques. Je ne peux pas en dévoiler plus pour le moment, mais vous aurez certainement des nouvelles à ce niveau-là dans les prochaines semaines. », promet-elle.
Il y a trois mois, la campagne « Sauvons Saint-Jean », déjà lancée par l’ACFA pour sensibiliser au manque de financement du « seul campus francophone à l’ouest du Manitoba » avait fait réagir des Canadiens d’un océan à l’autre, et même au delà. Plus de mille lettres de contestation ont été envoyées dans les boîtes de messagerie électronique du premier ministre Jason Kenney et du ministre de l’Éducation supérieure Demetrios Nicolaides.

Cette mobilisation n’a vraisemblablement pas heurté les deux ministres. L’association porte-parole de la francophonie en Alberta dit ne pas avoir reçu beaucoup de réponses du gouvernement. « Ou alors, c’était des non-réponses, indique Sheila Risbud. À chaque fois, ils nous renvoient vers l’Université ».
Un million de dollars, à quel prix?
L’ACFA s’est donc entretenue avec Bill Flanagan, le nouveau président de l’Université de l’Alberta. Et deux fois plutôt qu’une, le 23 juin et le 16 juillet. Certaines bonnes nouvelles étaient ressorties de ces rendez-vous. Alors que le Campus risquait d’être amputé de 180 cours sur 409, ce qui aurait nécessité la coupe de certains programmes, l’Université a accepté un plan mitoyen : tous les programmes seront maintenus, seuls 77 cours seront coupés, et ce, même si la balance du Campus sera déficitaire d’un million de dollars. Selon nos informations, l’Université a pris cette charge financière à son compte. Cela devrait l’obliger à faire des économies ailleurs.
L’Université de l’Alberta ne dément pas la possible disparition de l’enceinte actuelle de la faculté Saint-Jean . Dans un courriel envoyé au Franco, elle réaffirme son besoin de trouver « une structure organisationnelle universitaire plus efficace et plus efficiente ».
« L’intention de la restructuration de l’université est de rationaliser les structures administratives sous-jacentes de tous nos programmes afin de continuer à offrir à nos étudiants un environnement d’apprentissage et de recherche de grande qualité », poursuit-elle avant de préciser qu’aucune décision n’avait été prise concernant les neuf hypothèses avancées au conseil des doyens.
Échanges cordiaux
Contactés par Le Franco, le ministère de l’Éducation supérieur et le cabinet du premier ministre ont au Ministère de Leela Aheer, responsable du secrétariat francophone, le soin de répondre à nos questions.
Bien qu’il reconnaisse que le Campus Saint-Jean a un « rôle important pour assurer la vitalité de la langue française en Alberta», le ministère indique «qu’il existe un certain nombre d’autres questions complexes liées au financement et à la prestation de l’enseignement postsecondaire en français dans notre province».
Il conclut en indiquant que « Le gouvernement de l’Alberta a démontré à maintes reprises son engagement envers les Albertains francophones. Il y a maintenant plus de ressources et d’informations du gouvernement provincial disponibles en français que jamais auparavant, comme le démontre notre Plan d’action pour la politique en matière de français.»
En réaction à ce dernier commentaire, l’ACFA, association porte-parole de la francophonie en Alberta, dit «apprécier sincèrement les efforts mis de l’avant par la province pour traduire certaines ressources et informations en français». Mais elle affirme « s’attendre à beaucoup plus de la Politique en matière de francophonie, notamment au niveau du continuum en éducation qui est clairement mentionné comme un élément de croissance et de vitalité continues de la francophonie. »