Michel Bastarache, éminent juriste et ancien juge de la Cour suprême du Canada a présenté son récent ouvrage Ce que je voudrais dire à mes enfants, jeudi 9 janvier au grand salon du Campus Saint-Jean. À cette occasion, son amie Caroline Magnan a réalisé une simulation d’entrevue qui a été suivie d’échanges avec les invités.
Il était face à ses condisciples, au rang desquels Mary Moreau, juge en chef de la Cour du Banc de la Reine en Alberta et Justin Kingston, président de l’Association des juristes d’expression française (Ajefa), plusieurs invités des institutions communautaires francophones, dont Sheila Risbud, présidente de l’Association canadienne Française d’Alberta (Acfa), et ses amis. Dans son intervention, il a présenté les motivations de son ouvrage qui relate dans un style peu ordinaire son combat pour l’implantation de la francophonie avec comme fil conducteur le témoignage de sa propre histoire depuis l’enfance jusqu’à sa vie professionnelle.

du Banc de la Reine en Alberta et
Justin Kingston. Crédit photo: Carol Offi.
Ce que je voudrais dire à mes enfants, qu’il a co-écrit avec le journaliste Antoine Trépanier, est paru le 4 décembre 2019, aux éditions des Presses de l’Université d’Ottawa, soit quelques jours avant le décès de son épouse Yolande. Dans son récit, on découvre comment lui est venue la motivation d’écrire, des anecdotes de discriminations en tant que francophone, aussi bien dans sa jeune enfance que dans sa carrière professionnelle. À propos, Maître Michel Bastarache déclare : « je l’ai fait parce que je me suis laissé convaincre par les gens de raconter l’histoire des défis pour développer le réseau des écoles françaises et défendre la francophonie au Canada devant les comités constitutionnels ».
Un hommage à ses deux enfants décédés
Au sujet du titre ou encore du style, il explique qu’il a essayé de trouver une façon qui intéresserait les gens, et qui soit différente du moyen traditionnel de la biographie. « Je me suis servi de l’idée des enfants », déclare-t-il. Mais dans le fond, on peut comprendre que c’est aussi un moyen pour lui de raconter son histoire personnelle à ses deux enfants décédés d’une maladie incurable. Il leur fait une référence en ces termes à la fin du livre « Votre mort, mes enfants, c’est l’échec de ma vie ».
Dans ce livre testament de 344 pages, il raconte également, tout le parcours de son combat juridique pour la reconnaissance et la prise en compte de la langue française dans la loi canadienne.
Quand on lui demande pourquoi toute sa carrière, il a porté la cause de la francophonie à bout de bras, il répond ceci : « Quand j’étais jeune, j’ai vécu dans un milieu de discrimination ouverte et très très violent. Tous les jours, les enfants anglophones de l’école d’en face nous lançaient des roches de pierres. Et ça on ne l’oublie pas ». Plusieurs francophones en situation minoritaire ont partagé ce quotidien-là, tel que l’a exprimé, plein d’émotions, un invité présent dans la salle : « Votre testament raconte votre vie, mais ça raconte également notre vie, vous nous léguer un patrimoine très riche, je veux surtout vous remercier ». Ce qu’il faut retenir de ce livre, selon Michel Bastarache, « c’est qu’une communauté doit se battre pour certains droits fondamentaux et là il faut avoir le courage de persister ».
Des causes acquises
Michel Bastarache est l’auteur de quelques ouvrages et revues juridiques de référence, notamment Les droits linguistiques au Canada, édité chez Yvon Blais en 1986 et 2004, Précis du droit des biens réels, du même éditeur en 1993 et 2001 et Le droit de la traduction bilingue, publié par Butterworths en 2008 et, plus près de chez nous, Mise en application de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest publié en 1987. Son nom est intimement lié à l’affaire Mahé lancée en 1983, ayant conduit au droit à la création et à la gestion des écoles par les communautés francophones dans plusieurs territoires et provinces canadiennes.
On lui reconnaît aussi la bataille juridique qui a donné lieu à la reconnaissance de l’égalité du français et de l’anglais, les deux langues officielles au Nouveau-Brunswick, où il fut juge à la Cour d’appel (1995-1997). Il a occupé plusieurs hautes fonctions dans le système juridique et travaillé pour certains gouvernements. Il a été directeur général de la promotion des langues officielles au Secrétariat d’État du Canada (1983-1984). Il est récipiendaire de plusieurs distinctions et prix divers au niveau national et international.
Il est apprécié par ses pairs. Mary Moreau, dit de lui : « en tant que juriste, il a fait une contribution herculéenne à l’avancée des droits linguistiques à travers le Canada. Nous avons été bénéficiaire en Alberta de son travail acharné dans ce sens ». Michel Bastarache est né le 10 juin 1947 à Montréal. Il a fait ses études à l’Université de Moncton, de Montréal, d’Ottawa et l’Université de Nice (France), avant d’être professeur et doyen de faculté dans certaines de ces universités.