Le budget provincial du gouvernement conservateur déposé jeudi 27 février prévoit une baisse de financement de l’Université de l’Alberta (U of A) à hauteur de 11% pour l’année fiscale 2020-2021. Cette annonce tombe seulement 5 mois après une autre compression budgétaire provinciale de 6,9% pour l’U of A. Ce climat d’austérité aura une incidence considérablement le Campus Saint-Jean, seule faculté en français de l’Ouest canadien.
«Il est incontestable qu’il nous faudra réduire de manière dramatique le nombre de sections de cours pour l’année universitaire qui s’en vient», écrit Pierre-Yves Mocquais dans un courriel interne, que s’est procuré Le Franco. Dans ce courriel destiné à informer les salariés, il indique que des «décisions douloureuses devront être prises», après que «le budget de l’Université de l’Alberta se trouve amputé de presque 18% en moins de deux ans, soit 110M$».

En octobre dernier, suite à l’annonce 2019 du gouvernement provincial, l’Université de l’Alberta avait réclamé que le budget du Campus Saint-Jean absorbe, d’ici à la fin de l’année fiscale, une diminution de 4,9% de ses dépenses, soit 450 000 dollars à trouver en quatre mois. Dans une entrevue, le doyen du Campus avait manifesté son souci pour les questions humaines et disait vouloir épargner au maximum les élèves et le personnel du Campus.
Des lignes téléphoniques coupées, une quinzaine de sections de cours annulés, des frais d’inscription à la hausse, quelques non-renouvellements de contrat et des postes non remplacés avaient été imposés, en plus d’une réduction du budget personnel du doyen à hauteur de 25 000 dollars.
Au moins 9 postes supprimés
Cette fois-ci, la tâche s’annonce beaucoup plus difficile à gérer. Selon nos informations, le Campus Saint-Jean prévoyait une nouvelle baisse cette année, mais il tablait sur un budget réduit de 5%. Dans cette perspective, il avait été décidé que quatre postes de professeurs et cinq postes de membres du personnel administratif, libérés suite à des départs ou des fins de contrat, ne soient pas pourvus.
«Avec des économies draconiennes de nos dépenses opérationnelles (presque un demi-million de dollars), nous pensions pouvoir encore tenir le coup, écrit ensuite Pierre-Yves Mocquais, avant d’ajouter, fatalement, «c’était sans compter sur cette nouvelle et soudaine décision du gouvernement de faire passer la réduction budgétaire pour 2020-2021 de 5% à 11%».
Un groupe de travail, présidé par le doyen lui-même, se mettra bientôt en place. L’objectif sera de trouver des solutions pour faire des économies. Le doyen laisse présager des licenciements. « Les salaires représentent 86% de notre budget, nous ne pourrons pas éviter de prendre de telles réalités en compte», écrit-il.
Un groupe de travail pour faire des économies
D’importantes restrictions dans les dépenses opérationnelles devraient également avoir lieu. «Si nous voulons éviter des mesures encore plus draconiennes, ou du moins en modérer l’ampleur. […] les efforts consentis par nombre d’entre vous devront être encore plus prononcés», prévient-il.
D’autres pistes de réflexion apparaissent dans ce message: regroupement de certains cours et augmentation du nombre d’élèves par classe ont été évoqués. Mais aussi, «la refonte des programmes aussi bien en Arts et Science qu’en Éducation».
Pierre-Yves Mocquais termine cette note en appelant à la solidarité et met en valeur les forces du campus: la transformation numérique, l’appui de la robotique, les partenariats avec des organismes francophones locaux, ainsi que l’intérêt que suscitent les études transdisciplinaires à travers le Canada.
Des conséquences «potentiellement dévastatrices»
Au lendemain de l’annonce du budget du gouvernement, l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (ACFAS) avait publié un communiqué de presse dans lequel elle dit s’inquiéter des compressions annoncées et de l’impact du nouveau modèle de financement universitaire en Alberta.
Le communiqué évoque des conséquences «potentiellement dévastatrices», comme l’impossibilité pour les élèves de terminer un programme en français, des difficultés à recruter des professeurs, mais aussi, «la minorisation encore plus marquée du fait français dans la vie universitaire». Le document termine par une invitation adressée au gouvernement albertain à soutenir la recherche et à se montrer plus sensible à la réalité du campus francophone. «Le gouvernement devrait envisager d’attribuer un statut particulier au Campus Saint-Jean, seul lieu d’études universitaires francophones de la province».
Sheila Risbud, la présidente de l’ACFA, association porte-parole de la francophonie en Alberta, a fait de la reconnaissance et du financement du Campus Saint-Jean un des grands objectifs de son mandat. En février, elle avait personnellement invité la ministre provinciale responsable du secrétariat francophone, Leela Aheer, pour en discuter.
Elle mise sur cette rencontre, et les prochaines, pour «faire comprendre» au gouvernement les conséquences de ces coupes. «Je crois que le gouvernement est prêt à travailler avec nous, mais il est dans une position assez sévère. Je ne suis pas très sûr qu’on puisse obtenir tout ce que l’on veut, mais je crois qu’on peut être confiant et essayer de trouver des solutions».