Aujourd’hui, avec la pandémie, Susan Slade, vice-présidente du syndicat Alberta Union of Provincial Employees (AUPE) témoigne que le système de santé est plus débordé que jamais. Manque de personnel et heures supplémentaires obligatoires ont précipité la grève « sauvage » du 26 octobre dernier, tout comme les coupes budgétaires du gouvernement provincial prévoyant l’économie de 11 000 emplois dans le système de santé publique, en pleine pandémie.

Susan Slade indique qu’en raison du manque de personnel dans n’importe quelles institutions confondues offrant des soins de santé, les travailleurs de la santé peuvent travailler jusqu’à 16 heures par jour et parfois même jusqu’à 24 heures. « Dans les hôpitaux, on ne peut pas laisser les personnes [dans les institutions] sans donner de soins [de santé] et présentement, avec la pandémie, c’est encore pire ».
Elle raconte que les travailleurs de la santé essaient continuellement de donner le meilleur d’eux-mêmes en étant confrontés à des conditions de travail difficiles tout en essayant de ne pas attraper la COVID-19 et de la ramener à leurs lieux de résidence.
« Les grands problèmes qu’on a vus sont le fait que les travailleurs de la santé sont nerveux qu’eux-mêmes et leurs collègues puissent contracter la COVID ou être exposés à celle-ci en étant sur le plancher de travail », relate Susan Slade.
Elle ajoute, sans préciser de chiffre, que le personnel de la santé est épuisé par la pandémie. « Il y a en fait un énorme taux d’épuisement chez les travailleurs de la santé et le fait qu’ils doivent [obligatoirement] porter l’équipement de protection pendant toutes les heures de travail, c’est fatigant et cela contribue à leur épuisement ».
Coupes budgétaires
Les coupes gouvernementales en matière de santé annoncées par le gouvernement en octobre dernier, pour récupérer 6 millions de dollars par an, prévoient la suppression de 11 000 postes. « Aucun poste de médecin ou d’infirmière de première ligne ne sera affecté pendant la pandémie de COVID-19 », avait déclaré le ministre de Santé Alberta, Tyler Shandro. Selon Susan Slade, 450 postes de préposés aux bénéficiaires et infirmières pourraient être affectés, mais c’est majoritairement les employés des services alimentaires, de l’entretien ménager et de la blanchisserie qui sont concernés.
Susan Slade indique : « C’est vraiment eux qui font fonctionner un hôpital. Il n’y a pas une infirmière qui peut faire son travail sans ces travailleurs-là. Ils ont un rôle assez essentiel ». La vice-présidente de l’AUPE ajoute que le gouvernement est plus intéressé à faire des profits qu’à donner des services.
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Un regard politique

Frédéric Boily, spécialiste de la politique canadienne et professeur titulaire au Campus Saint-Jean, explique qu’il y a « un consensus économique ». « Le système de santé en Alberta est onéreux par rapport aux autres provinces, c’est-à-dire beaucoup de dépenses par habitant et qu’il faut trouver des moyens pour faire en sorte que ça soit moins coûteux pour l’ensemble de la population. C’est dans ce contexte-là que la question de la privatisation se passe ».
Le spécialiste de la politique canadienne poursuit en disant que le gouvernement de Kenney n’a fait que poursuivre dans la même logique proposée dans sa plateforme électorale en annonçant ses coupures dans le système de santé. Frédéric Boily interprète alors que le contexte pandémique n’a pas été pris en compte. « L’intérêt du gouvernement est de maîtriser les finances publiques et pour les maîtriser, il faut diminuer les dépenses plutôt qu’aller chercher des revenus supplémentaires ».
De plus, il mentionne que le système de santé a été mis en lumière sur la scène publique en raison notamment de la dispute entre le ministre de la Santé et les médecins concernant l’instauration des mesures tardives de la lutte contre la pandémie dans la seconde vague.
« Quand on met tout ça en place, on s’aperçoit qu’il y a eu un échec de communication et un échec concernant la façon dont le gouvernement a géré la deuxième vague. Il aurait pu gérer ça plus rapidement, il ne l’a pas fait et donc, c’est pour ça que toutes les annonces, c’est-à-dire des coupures en santé et privatisation de certains services, ça passe d’autant plus mal [auprès de la population] ».
Contacté, Santé Alberta n’a pas répondu à nos sollicitations à l’impression de cet article. Les négociations entre le syndicat et le gouvernement concernant les 11 000 suppressions de poste sont toujours en cours.