Parcourant le globe à la rencontre d’agriculteurs, l’Edmontonienne Jennifer Cockrall-King insuffle la nécessité de construire un système alimentaire résilient et sain en ville. Un grand périple documenté dans son essai La révolution de l’agriculture urbaine, publié en 2016.
Un imprévu et c’est la crise. Le krach boursier de 2008 a été la détonation de l’explosion des prix des aliments. Un schéma similaire avait pris place dans les années 1990 à Cuba lorsque le pays était privé de ses importations. Au Royaume-Uni en 2000, le transport routier des aliments s’écroule. Plus récemment, au Canada, l’état d’urgence sanitaire vide les étalages des épiceries. L’histoire se répète ; toutes ces situations de pénuries sont pour Jennifer Cockrall-King les preuves de l’insécurité alimentaire.

« Les humains sont très doués pour s’adapter », croit-elle. Face à ces situations de crise, certains prennent le pari d’assurer leur sécurité alimentaire par l’agriculture, et ce, même en ville.
Elle revient à l’exemple cubain. Profondément meurtri par d’importants problèmes en matière d’approvisionnement alimentaire et d’énergie fossile, le système agroalimentaire de l’île a connu dans les années 1990 une révolution majeure et rapide. L’agriculture urbaine permettait, et permet toujours, à Cuba de produire sa propre nourriture sans recourir à l’énergie fossile pour les récoltes.
De retour, au Canada, le schéma cubain insuffle, selon la spécialiste de l’alimentation, cette « question de la sécurité alimentaire qui est prise au sérieux par les Villes. C’est mieux que rien. C’est une question de réimaginer comment vivre en ville », croit la spécialiste de l’alimentation. Ainsi face aux problèmes socio-économiques et écologiques, Calgary et Edmonton se préparent à ce virage agroalimentaire par des plans d’actions locales. FRESH (Food and Urban Agriculture Strategy), à Edmonton, et le Calgary Eats ! tente de populariser l’agriculture urbaine en facilitant l’implantation de potagers communautaires dans les différents quartiers citadins.
« C’est une question de durabilité et de résilience »
L’agriculture urbaine est présentée, par Jennifer Cockrall-King, comme une grande épopée à l’extérieur de la doctrine économique. Les profits commerciaux sont, la plupart du temps, rares. Cependant, ce système permet aux citoyens de faire des économies en cultivant leur nourriture.
Amener ce type de projet sur la scène politique fédérale et provinciale est un défi pour ces défenseurs, puisque sa vocation n’est pas de « nourrir tous les gens et tout le temps, c’est un système qui est là pour la reprise économique. Je voudrais que les politiciens s’occupent plus de la sécurité alimentaire dans nos villes, dans notre pays », souhaite Jennifer Cockrall-King.
L’agriculture urbaine s’impose comme un moyen d’agir pour améliorer la qualité de vie des citoyens. Ce modèle agroalimentaire local tente d’éloigner la précarité et la maladie en s’approchant d’un environnement plus sain. Pour l’auteure edmontonienne, il s’agit d’une « question de durabilité et de résilience ».
« C’est un système de nécessité, mais aussi un système de plaisir », rappelle celle qui a été en contact très jeune avec les aliments frais du jardin familial. Un contact qui a fait fleurir cette passion des goûts authentiques des légumes et des fruits locaux.
Le jardin communautaire du Campus Saint-Jean à Edmonton, établi dans la communauté depuis 2006. Crédit : Mélodie Charest
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Une équation avec l’industrie alimentaire mondiale
Cultiver des profits avant des aliments sains est une caractéristique de l’industrie agroalimentaire globale, c’est sa devise. Bien qu’elle permette aux supermarchés de vendre des fraises en janvier, elle n’assure pas pour autant la sécurité alimentaire. « Dans les villes, nous avons 3 à 4 jours d’alimentation à cause de ces liens très longs et très efficaces », explique-t-elle.

Loin des épopées grecques conventionnelles, celle de l’agriculture urbaine l’oblige à travailler avec son opposant : « Il faut avoir des fermes de grandes surfaces, parce qu’il faut nourrir 7,7 milliards de gens sur la Terre. […] Avoir des petits terrains dans les villes qui ne sont pas du blé ou du riz, les grandes commodités alimentaires, c’est avoir une sécurité contre les chocs alimentaires ».
Changer, ou du moins modifier, notre système agroalimentaire implique nécessairement de changer nos habitudes de consommations alimentaires. Ce qui signifie d’adapter sa culture alimentaire à la production maraîchère de la saison. « Ça va être un défi en Alberta », affirme la Britanno-Colombienne d’adoption. Elle évoque entre autres la culture carnivore albertaine. Le défi, « ça va être de rééquilibrer notre régime. Ce n’est pas bon de manger trop de produits d’origine animale, c’est scientifique. Ça va être un problème culturel ».
Pour plus d’informations concernant les plans d’action pour l’agriculture urbaine d’Edmonton et de Calgary, visitez leur site web:
FRESH – Edmonton’s Food and Urban Agriculture Strategy : https://www.edmonton.ca/city_government/initiatives_innovation/food-and-urban-agriculture.aspx
Calgary Food Action Plan – Calgary Eats! : https://www.calgary.ca/ca/cmo/calgary-food-system-assessment-and-action-plan.html