Jeudi 19 novembre, l’Université de l’Alberta a tenu une assemblée consultative en ligne dans laquelle trois scénarios de restructuration de l’institution, soumise à des coupes budgétaires du gouvernement provincial, ont été présentés. Bonne nouvelle pour la communauté francophone, le Campus Saint-Jean préserverait son autonomie dans tous les cas de figure.
« Un défi », répète à plusieurs reprises Bill Flanagan, président de l’Université lors de l’assemblée consultative en ligne, tenue exclusivement en anglais. Un défi nommé U of A for Tomorrow que son institution n’a pas vraiment eu le choix d’entreprendre, soumise aux coupes provinciales de 17,9 % en deux ans, soit 110 millions de dollars.
Les trois plans présentés (le modèle des collèges, le modèle hybride, le modèle de consolidation) proposent un regroupement des 18 facultés en « mégafacutés ». Dans chacune de ces hypothèses, trois facultés préservent leur autonomie académique et administrative : Augustana, la faculté des études autochtones et le Campus Saint-Jean. Ces trois entités portent « une entité particulière », selon Valérie Lapointe Gagnon, professeure d’Histoire au Campus Saint-Jean. « Augustana pour sa particularité rurale, et le Campus Saint-Jean pour répondre aux besoins de la communauté francophone ».

Le choix du meilleur scénario sera voté le 11 décembre. En attendant, l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) se dit satisfaite. « On est soulagé», commente Sheila Risbud. La présidente de l’association porte-parole de la francophonie précise cependant que l’ACFA est « en train d’étudier les détails », mais que « basé sur l’information qu’on a, les trois scénarios sont bons ». En effet, dans tous les cas de figure, la faculté francophone resterait installée dans le bâtiment historique de Bonnie Doon, serait dirigée par son propre doyen.
Une victoire pour la communauté francophone
L’été paraît bien loin. La chute des températures est anodine, comparée à l’évolution du dossier Campus Saint-Jean sur la table de l’Université de l’Alberta. Fin juillet, six des neuf hypothèses de restructuration de l’Université pouvaient entraîner la disparition ou le déménagement du Campus Saint-Jean. Quatre mois plus tard, ces possibilités semblent avoir été balayées de la main.
Pour Valérie Lapointe Gagnon, présidente de l’ACFAS en Alberta, la campagne Sauvons Saint-Jean menée par l’ACFA depuis le mois de mai et les nombreux appuis de la communauté franco-albertaine comme des politiciens à travers tout le Canada ont joué un rôle essentiel. « Certains ne comprenaient pas l’importance de préserver l’intégrité du Campus. La campagne a amené des bons arguments sur la table ».

Même constat, non sans fierté, pour celle qui préside l’association instigatrice du mouvement, Sheila Risbud. « Je crois que l’Université ne comprenait pas le rôle unique du Campus Saint-Jean. Si on n’avait pas fait cette campagne, il n’y aurait pas eu d’éveil », dit-elle.
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Toujours des défis
Pour autant, tout n’est pas rose. La professeure d’Histoire qui avait cosigné une lettre ouverte signée par plus de 900 universitaires en mai pour alerter de l’urgence au Campus Saint-Jean rappelle que le contexte financier reste difficile. Elle rappelle le cadre de restructuration, affirme n’avoir jamais été consultée à cet égard, et dénonce un processus de consultations mené « très rapidement ».
D’ailleurs, « beaucoup de questionnements persistent sur où les coûts vont être économisés ». Elle cite les services aux étudiants qui pourraient être atteints dans un contexte de centralisation, ainsi que la hausse des frais d’inscription. En effet, en 2022, les jeunes Albertains devront payer leur formation universitaire 22 % plus cher qu’en 2019.
Le combat continue pour l’ACFA. L’association porte-parole de la francophonie en Alberta avait lancé une procédure judiciaire à l’encontre de l’Université et la province en août. Dans un communiqué de presse publié vendredi 20 novembre, elle indique « que ceci [l’autonomie du Campus] ne règle toujours pas la question du grave sous financement opérationnel et structurel chronique auquel fait face le CSJ depuis des années ». La campagne Sauvons Saint-Jean est donc toujours en cours !
L’Université aurait pris conscience du Campus Saint-Jean
Quand les déclarations politiques pleuvaient pour « sauver Saint-Jean », Pierre-Yves Mocquais était au front. Ces derniers mois, l’homme originaire de France a mené les pourparlers avec le groupe responsable de la restructuration de l’Université. De ses nombreuses heures à expliquer la situation du Campus Saint-Jean sur la plateforme Zoom, il retient « à quel point l’administration supérieure de l’Université et les équipes de restructuration ont été à l’écoute du CSJ ».

Dans ce sens, il pense que la campagne Sauvons Saint-Jean a eu un effet limité. « Je veux souligner qu’il y a eu une manière très manifeste, une volonté même, de comprendre le CSJ. Je pense qu’il y a une prise de conscience de ce qu’était le CSJ comme jamais auparavant ». C’est toujours intéressant ce genre de chose, une crise qui peut donner des choses positives ». Résultat : L’administration centrale a fini par se rendre compte que les trois facultés ne pouvaient être intégrées en université plus large, « ou alors ça serait extrêmement difficile, et ça nuirait à leur image ».
Il le savait depuis longtemps. Pierre-Yves Mocquais, le doyen du Campus Saint-Jean indique qu’il avait connaissance « depuis plusieurs semaines, si ce n’est plusieurs mois », que le Campus Saint-Jean n’était plus menacé de démantèlement. Cependant, les questions de ressources humaines et financières dont disposera la faculté francophone lui sont encore floues. « Pour l’instant, je ne peux rien vous dire, dit-il avant d’ajouter, en ce qui concerne les employés, nous devrions être moins affectés que les autres facultés », précisant faire référence à celles qui seront regroupées.
En 2023, l’Université de l’Alberta aura perdu 33 % de la subvention provinciale dont elle jouissait en 2019, rappelle-t-il. Ces coupes budgétaires continueront d’affecter le Campus. « Il y a un déficit technique. Comment ça va être résorbé ? Je n’en sais rien ». Pour l’heure, il dit continuer de travailler avec les doyens des facultés Augustana et des études autochtones. « Nous avons énormément de points communs, par exemple dans la recherche, il est indispensable que nous gardions le contrôle sur la gestion de notre recherche ». Les choses vont se décanter dans les mois à venir, promet-il.