Depuis quelques années, un vent de populisme décoiffe nos démocraties occidentales en bousculant les partis traditionnels. Le populisme serait une expression des angoisses sociétales et politiques, qui auraient pris racines dans les années 1990. Les réseaux sociaux ont ensuite permis leur essor. L’Alberta semble embrasser la tendance avec le mouvement du Wexit.
Au lendemain des élections fédérales, les Albertains se sentent lésés. Le Parti conservateur qui a obtenu 97 % des circonscriptions de la province n’est pas élu au pouvoir, malgré 200 000 voix d’avance sur le Parti libéral. Du fin fond des réseaux sociaux, un mouvement indépendantiste surgi, et devient de plus en plus populaire : le Wexit.
«D’une certaine façon, on pourrait dire que c’est un mouvement populiste car c’est l’expression d’un mécontentement populaire. Si on parle d’un populisme protestataire contre les élites qui n’écoutent plus le peuple alors on est dans cette logique-là », indique Frédéric Boily, professeur en sciences politiques.
La montée de l’ethno-populisme
Ces dernières années, un phénomène a pris de l’ampleur à travers le monde occidental : l’ethno-populisme. Le Rassemblement National en France, le parti Afd en Allemagne, la Ligue du Nord en Italie. En Amérique, il y a les arrivées au pouvoir de Jair Bolsonaro au Brésil, et Donald Trump aux États Unis, comme exemples les plus concrets.
Le mot «populisme», est majoritairement utilisé pour définir l’extrême droite aujourd’hui, mais la définition du mot signifie que ce n’est pas toujours le cas. D’ailleurs, en réaction à l’austérité provoquée par la crise financière de 2008, en Europe plusieurs partis populistes se situant plus à gauche ont émergé. Podemos en Espagne, La France insoumise et les Gilets jaunes en France (toujours apolitique), Syriza en Grèce. En Amérique du nord, le Mouvement de régénération nationale du président mexicain, Andrés Manuel López Obrador est souvent assimilé à du populisme pour sa critique intense envers les institutions.
L’énergie du peuple
Le Wexit albertain appartient-il à cette mouvance ? « Nous n’en sommes pas encore là, ce n’est pas un ethno-populisme qui défend une identité albertaine qui serait corrompue, par exemple, par une immigration massive. Ce n’est pas ce type de populisme là », juge Frédéric Boily.
Des points communs entre le Wexit et d’autres mouvements populaires existent : les questions climatiques et énergétiques. En France, l’augmentation du prix du carburant avait mis le feu au poudre chez les Gilets jaunes. Cette hausse de prix découlait de la taxe carbone adoptée par le gouvernement français. L’Alberta connaît également une forte à la taxe carbone imposée par Ottawa.
L’expression des angoisses
Comment interpréter ces tendances actuelles ? Comme «l’expression principale des angoisses de la société ou d’une partie de la société », affirme Guillaume Durou, professeur-adjoint en sociologie au Campus Saint-Jean.
Les dimensions géographique, démographique et socio-économique en sont les principaux vecteurs. « Le capitalisme, les délocalisations qu’il entraîne et la recherche de toujours plus d’argent. Ce qui est intéressant c’est que le populisme est très relié à la pauvreté, l’environnement, l’économique démographique», interprète le sociologue, avant d’ajouter : « on est dans une époque particulière ».
Les facteurs démographiques jouerait également un rôle primordial. « On estime qu’avec en moyenne deux enfants par famille, le renouvellement des générations est assuré. Quand on passe à 1,3 comme dans beaucoup de pays d’Occident, cela envoie un signal d’alarme. Ça résonne sur le programme des migrations. On fait moins d’enfants et pour certaines personnes cela représente une perte de contrôle sur la société».
« La chute du mur de Berlin a ouvert un espace politique »
De nombreux experts pensent que ces tendances, hostiles aux Establishment et aux élites, sont apparus il y a une dizaine d’années. La crise financière de 2008 et l’avènement des réseaux sociaux auraient joué un rôle primordial dans leurs essors.
Frédéric Boily écrit actuellement un livre sur le populisme. Il pense que ces mouvements ont pris racine dans les années 1990. « La chute du mur de Berlin a ouvert un espace politique qui n’était pas là auparavant. Au début, c’est la gauche qui a été impactée, par la suite ça a été la droite. On perdait un historique. L’anti-communiste qui était fondamental pour l’extrême droite et pour la droite n’est plus là ».
La nature des questions politiques aurait changé. Une insécurité culturelle entre les villes et les zones rurales se seraient ajoutée à cela. « Les questions identitaires sont venues se greffer à tout ça. Du côté de la gauche, on n’a pas compris les évolutions qui se tramaient de ce côté-là. Ça a permis la montée d’un populisme identitaire. Une sorte d’insécurité culturelle entre les régions et les villes est venue s’ajouter à cela, tout comme une augmentation des migrations qui a été mal reçue. Pas mal de phénomène se sont conjugués», conclut le chercheur.