Le 10 octobre, le débat des chefs en français, dernier débat de cette campagne, se tenait en direct du Musée canadien à Gatineau. Entre joutes verbales et attaques en rafales exprimées autour des principaux thèmes de la soirée, les six candidats auront effleuré les besoins des francophones hors Québec.
C’est à 18 h, heure de l’Alberta, que le Débat des chefs a débuté. Près d’une vingtaine de personnes sont venues à la Cité francophone pour assister à une retransmission du débat et écouter ce que les six chefs, Justin Trudeau (Parti libéral), Andrew Scheer (Parti conservateur), Jagmeet Singh (Nouveau parti démocratique), Yves-François Blanchet (Bloc québécois), Maxime Bernier (Parti populaire) et Elizabeth May (Parti vert) avaient à dire.
Environnement, énergie, immigration, économie, finances publiques, réconciliation avec les autochtones, tous ces sujets principaux ont été abordés (dans les deux langues), mais aucune emphase particulière n’a été apportée en ce qui concerne les besoins des francophones en milieu minoritaire. Le seul moment où la question des droits des minorités linguistiques et des langues officielles aura été abordée, c’est par l’intervention d’un Franco-Ontarien, Marc Gravel. L’intérêt porté par les chefs de parti aux francophones hors Québec demeure t-elle très relative ? Faut-il y voir un manque d’intérêt de la part des candidats ?
Des voix inutiles ?
Pour Pascal Lupien, professeur adjoint en science politique au Campus Saint-Jean, « il y a très peu de circonscriptions où le poids démographique des francophones en milieu minoritaire peut avoir un impact au niveau du poids électoral, à part au Nouveau-Brunswick ou en Ontario. Tous les partis font leurs calculs », décrypte-t-il.
La démographie francophone hors Québec ne pèse pas lourd dans la balance de l’échiquier politique. Toutefois, la candidate des Verts, Elizabeth May, a réitéré sa volonté durant le débat de moderniser la Loi sur les langues officielles. Ce que d’autres candidats se sont empressés d’appuyer. Elle a déclaré « vouloir donner un plus grand pouvoir au commissaire aux langues officielles ». Promesse électorale ou réelle volonté politique, seul l’avenir le dira. Pascal Lupien rappelle que « Justin Trudeau a lancé cet effort en 2018 ».
« Il n’y a pas de services pour les proches aidants, pour les services en français, il n’y a pas de lits en français »
Alizé Cook
La question du Franco-Ontarien Marc Gravel était légitime pour nombre de francophones en milieu minoritaire, à savoir : « allez-vous donner les moyens concrets et des outils au commissaire [aux langues officielles] pour qu’il puisse appliquer la loi et que des francophones partout au Canada puissent en profiter ?»
Selon certains organismes franco-albertains, la modernisation de la loi est nécessaire et permettrait de répondre à de réels besoins. Alizé Cook, directrice générale à la Fédération des aînés franco-albertains (FAFA) le croit : « Ce qu’on espère, c’est que les services en santé puissent connaître un lien entre l’offre de services en français et la Loi sur les langues officielles, pour que nos aînés puissent avoir un accès facile aux services de santé en français ».
Des besoins réels
La question de faciliter l’accès des services de soins en français pour les aînés demeure une priorité, tout comme pour l’ensemble des francophones. Dans ce débat des chefs en français, la présidente du Réseau santé albertain, Gisèle Lacroix, s’est dite déçue que le volet de la santé en milieu minoritaire n’ait pas été abordé. « Le Réseau est un volet national, notamment l’accès des services en Alberta, en santé, en minorité ». Elle ajoute : « Au niveau de la province, c’est la position de Jason Kenney qui pense pouvoir régler la situation avec les médecins en leur donnant plus d’accès, à la privatisation de services de santé ».
En attendant, les besoins sont ailleurs et multiples. « Il n’y a pas de services pour les proches aidants, pour les services en français, il n’y a pas de lits en français », illustre Alizé Cook, directrice générale à la Fédération des aînés franco-albertains (FAFA).
Pour Amhed Hassan, directeur général du Centre d’arts visuels de l’Aberta (CAVA), le programme présenté par les candidats était succinct, mais pas assez chiffré et manquait d’exemples concrets.
« Ils n’ont pas parlé des besoins de la jeunesse, ni des besoins au niveau de la culture et du volontariat ». De plus, une grosse partie a porté sur le Québec. « Il faudrait que quelqu’un nous représente, il manquait un candidat du reste du Canada », note-t-il.
Et l’éducation en français ?
Enfin, l’éducation en français fait toujours figure de parent pauvre, notamment dans le domaine de la petite enfance et du postsecondaire en milieu minoritaire. Dans son plan global en petite enfance, le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) a alerté sur les risques réels d’assimilation, faute de place dans les garderies francophones (voir notre article de la semaine “Les garderies débordent”). Rappelons que le Campus Saint-Jean a déclaré récemment craindre de subir des coupes dans son budget annuel. Alors, quelle est la solution ?
La modernisation de la Loi des langues officielles pourrait être un atout fort pour l’appui et le développement de la francophonie en milieu minoritaire. Est-ce que cette question sera centrale dans le prochain gouvernement ? « Il y aura peut-être des changements, mais il y aura toujours un écart entre ce qu’il y a sur papier et la mise en oeuvre de la loi », conclut Pascal Lupien.