À l’occasion de la Semaine de la francophonie, nous avons approché quatre Franco-Albertains d’Edmonton qui nous expliquent comment s’exprime leur langue en Alberta. Quatre profils et quatre façons de vivre la francophonie.
Gaëlle Cheguem

« Le français fait partie intégrante de ma vie ». Gaëlle est née au Cameroun, un pays bilingue à majorité francophone. « Toute ma vie, j’ai parlé francophone », explique-t-elle. Il y a un an, elle a décidé de venir rejoindre son mari à Edmonton. Le choc anglophone : « Je me sentais un peu dépaysée », admet-elle.
Depuis qu’elle étudie au Campus Saint-Jean, la jeune maman a retrouvé ses repères. Pour elle, le véritable défi est de conserver son français. « Je regarde la télé en français, j’écoute un peu de musique en français, je lis en français. Je veux continuer de penser en français ». Quand elle pense « communauté francophone », à Edmonton, deux mots lui viennent en tête : « immigrés et Québec ».
La Journée de la francophonie est très importante à ses yeux : « Nous sommes minoritaires donc ça sert à ce que notre culture ne tombe pas dans l’oubli ». Son choix est fait, elle n’oubliera pas : « Je fais des études pour devenir prof de français, promouvoir la langue et la culture francophone ».
Heather Coleman

« Je fais partie d’une grande famille mondiale », déclare-t-elle. À la maison, la famille d’Heather parle français. Pourtant, cette professeure d’histoire à l’Université de l’Alberta a grandi à Ottawa, dans une famille « 100% anglophone », mais « francophile ».
Son français parfait, Heather l’a acquis de ses 7 à 10 ans lorsque ses parents ont habité à Paris. « J’étais assez jeune pour apprendre vite, assez âgée pour apprendre la grammaire ». De retour à Ottawa, elle fait tout pour ne pas perdre son niveau. « Et le destin a fait que je me suis mariée à un Franco-Canadien ! ».
Aujourd’hui parent de deux enfants, le couple leur donne une éducation en français. Son rôle de mère est désormais son principal attachement à la francophonie. Présidente du conseil de l’école Gabrielle-Roy où sont scolarisés ses enfants, elle s’engage dans la défense du multiculturalisme qu’elle voit comme une valeur fondamentale canadienne.
« Je suis tellement heureuse que mes enfants grandissent dans cette communauté, très active et diverse. Nous vivons dans une grande ville, mais eux grandissent dans un village. Il y a un sentiment d’appartenance spécial. Nos enfants se voient à la TV francophone, dans la presse parfois. Ils revendiquent et valorisent vraiment leur identité de Franco-Albertain. Ces enfants sont fiers, pas gênés, et voient leur francophonie comme un avantage ».
Étienne Vincent

« Nous sommes une équipe albertaine, pas au Québec, et ici on parle anglais ». À l’époque, quand son entraîneur de soccer lui dit ça, Étienne n’a que 12 ans. Il finira par changer d’équipe.
Cette pression pour délaisser son français, ce passionné de sport et de médecine l’a entendue souvent dans sa vie. « Je n’ai jamais cédé », affirme-t-il. Cette résistance, il la tient certainement de sa famille. « Mes parents ont toujours tout fait pour que je parle français. Il n’ont jamais cédé à la pression sociale. J’ai de la chance. En grandissant, j’ai vu beaucoup d’amis perdre leur francophonie », déplore celui qui n’a appris l’anglais qu’à partir de huit ans.
Sa mère est québécoise, son père est franco-albertain, descendant direct des pionniers. De génération en génération, sa famille a lutté pour honorer leur culture. « Ma grand-mère me disait qu’à une époque il fallait se cacher pour parler français ». Des valeurs de résistance transmises au fil des décennies : « Je promeus ma langue à travers le sport, en faisant du bénévolat pour des événements francophones. J’encourage tout le temps mes amis à parler français, et je le fais dès que l’un d’eux arrive à me comprendre ».
Il l’avoue et le regrette : il ne connaissait pas la Journée de la francophonie. « Sûrement parce qu’elle n’est pas assez mise en valeur. Pour moi, c’est tous les jours la Journée de la francophonie ! ».
Soufiane Chounani

Il y a quatre ans, Sofiane, sa femme et leurs deux enfants ont quitté le Maroc pour s’installer au Canada. « Nous avions une belle vie au Maroc, mais nous sommes venus pour nos enfants, pour qu’ils aient davantage d’opportunités, de meilleures universités, et pour plus de sécurité aussi ».
Soufiane a grandi à Rabat, la capitale. Dans ce pays du Maghreb, où le français est partout. « Tout le monde ou presque parle français. Sur le marché du travail, le français est la langue la plus utilisée ».
Aujourd’hui, Soufiane travaille dans le domaine de la communication. D’ailleurs, il propose parfois ses services bénévolement pour faire la communication d’évènements francophones ou pour l’école d’immersion de son fils. « C’est ma façon de contribuer à la communauté ».
Lorsqu’ils sont arrivés sur le territoire albertain, lui et sa famille se sont intégrés en apprenant l’anglais. Mais il le remarque, « de plus en plus d’Albertains s’intéressent au français. Beaucoup de parents scolarisent leur enfant en école d’immersion. Il arrive souvent que des voisins demandent à leur enfant de jouer avec les miens pour qu’ils puissent parler français. Je pense que, dans quelques années, l’Alberta sera davantage bilingue».