Les pieds de Sympa César doivent être magiques : il enfile toutes sortes de chaussures à son pied. Ce jeune homme à la couleur de peau métissée est président de Francophonie Jeunesse Alberta, membre engagé de la communauté LBGTQ+, chanteur lauréat de Chant’Ouest 2019, et s’implique au comité FrancoQueer de l’Alberta. Il vient d’être élu personnalité du mois de juin par Radio-Cité et Le Franco.
« Par quoi commencer ? », réfléchit à voix haute Sympa César, sur la terrasse du Café bicyclette. Le président de Francophonie Jeunesse Alberta (FJA) porte un sarouel coloré et des bracelets en macramés. « L’affaire qui est primordiale dans la vie, c’est l’empathie : se mettre dans les souliers de l’autre, lance-t-il. Donc, si je devais utiliser un mot pour me décrire, ça serait l’empathie ».
L’organisme qu’il préside nourrit la jeunesse franco-albertaine en créant des opportunités pour démystifier et sensibiliser les jeunes à certains phénomènes sociétales. Comme le racisme.
Des commentaires « à la frontière du racisme »

Première personne « noire » à la présidence de FJA, il est concerné par le groupe de soutien aux jeunes francophones racisés qu’il a animé lundi 8 juin. Lui aussi dit avoir fait face au racisme à l’école secondaire. «Des commentaires, de la part des élèves mais aussi de professeurs, à la frontière du racisme et de la discrimination», se souvient-il.
Immigrée au Canada dans les années 1980, la famille maternelle de Sympa a fréquenté la même école secondaire que lui. Sa mère aussi a des souvenirs de ce genre de commentaires. « Ça se transmet de génération en génération, ça vaut la peine de faire quelque chose en ce moment », dit-il. C’est dans ce sens que FJA travaille avec Francophonie Alberta Plurielle (FRAP) et l’Alliance Jeunesse Famille de l’Alberta Society (AJFAS) pour implanter des plans d’action. Il est temps de « dresser ce monstre-là », affirme-t-il de sa voix déterminée et calme à la fois.
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Enseignant en devenir, il se réjouit de l’effet du confinement dans cette lutte. C’est, dans son analyse, « un press up. On n’a pas la chance de se distraire avec la vie régulière, on est constamment bombardé de cette information-là [racisme]. Ça force un peu le monde à devoir changer, c’est super ».
Sympa compare la communauté francophone à une famille. Il déplore la peur et l’inconfort oppressant de « parler de ce genre d’affaires ». Lui, ne fait pas seulement qu’en parler, il chante les réalités difficiles dans la communauté.

Directeur des communications du comité FrancoQueer de l’Ouest, il compose présentement une chanson pour promouvoir les conférences et les ateliers de sensibilisation auprès des adultes et des étudiants. « Mais c’est un peu difficile », confesse-t-il. Certains conseils scolaires demandent de modifier ou d’orienter le contenu essentiel du programme dans une approche catholique.
Chanter, un engagement social
« J’ai toujours eu l’amour de la musique », ce qui amène cet Edmontonien, deux fois plutôt qu’une, sur les planches de Polyfonik (en 2016 et en 2019). Polyfonik représente sa première expérience en écriture. Pour la composition de ses textes en français, le musicien tente d’inclure un « genre neutre » : l’épicène, qui permet une écriture plus inclusive.
L’écriture, c’est « la beauté de pouvoir partager mes histoires avec le monde. Mais aussi, ça toujours été une thérapie pour moi ». Ses histoires sont celles d’un jeune discriminé, au sein de la communauté LGBTQ+, parce qu’il est noir.
L’épisode raciste qui l’a façonné est survenu lorsqu’il était en douzième année. Avec gravité, il se replonge dans l’été de ses 17 ans. En juin, un regroupement organisait un Queer Dance Party, ouvert aux mineurs comme aux majeurs, pour célébrer la Fierté : « Je me suis inscrit, je recevais des texts, c’était super ». Il décide d’aller y faire un tour.

Devant la porte, un des deux gardiens lui annonce qu’il ne peut pas entrer : la salle est déjà pleine. « Je suis parti et j’ai appelé un taxi. J’ai regardé la porte, et ils ont laissé deux personnes blanches entrer », s’offusque-t-il.
Cet évènement l’a profondément marqué : « Je venais tout juste de come-out. C’était quand même un peu traumatisant pour moi. Enfin de trouver une place, pour moi, et d’être rejeté de cette place à cause ma couleur de ma peau. […] Ça te fait questionner sur la validité de ton identité ».
Du racisme dans la communauté LGBTQ
Bien que la colère envers son inaction de cette journée lui pèse encore, cet évènement à une signification particulière pour lui aujourd’hui. C’est ce qui l’a amené à son engagement actif à FrancoQueer et à « être cette personne queer racisée qui serait là comme exemple pour les autres jeunes queers racisés ».

Il voit également la présence du racisme dans la communauté LGBTQ+ dans les applications mobiles de rencontre. Certains utilisateurs précisent, dans leur description de l’âme sœur, qu’ils ne désirent nullement rencontrer certaines communautés visibles: « Les personnes vont mettre des spécifications de ce qu’ils sont à la recherche et souvent ils vont dire : «No Négros» ou «No yellow people», c’est super, super, raciste».
« Parce qu’ils sont déjà une minorité, certains pensent qu’ils peuvent être racistes. Un ne valide pas l’autre. Ce n’est pas parce que je suis noir que je peux être homophobe, c’est la même chose de l’autre côté ».
Malgré cet épisode sombre du passé, l’avenir de Sympa est rayonnant. Des projets d’albums et d’implication communautaire plein la tête. Un avenir politique? Peut-être. « J’aime ça faire du bien à la communauté qui m’a toujours supporté et qui m’a donné ce que j’ai. Le fait de pouvoir étudier en français et d’écrire ma musique en français, c’est un cadeau ».