« Surement pas une aptitude innée ! » s’exclame-t-il. Et pourtant, le chef adjoint du Service de protection du comté de Northern Sunrise n’hésite pas. Depuis déjà trois ans, Julien, se lance, chaussures de course aux pieds, sur les routes de l’Alberta. 180 km pour la bonne cause.
Cette année, au mois d’août, c’est de La Crête à High Level, puis de Paddle Prairie à High Level qu’il a couru. Deux régions qui ont récemment beaucoup souffert des incendies et des inondations. « J’y ai combattu les feux et les inondations. Des gens y ont perdu leurs maisons, leurs racines, leurs souvenirs. »
C’est en 2018 qu’il décide de créer le projet Projet Northern Trek for CFFF (Fondation Canadienne des Pompiers Morts en Service). Celui-ci consiste, pour lui, à courir plusieurs kilomètres dans différentes régions de l’Alberta pour y amasser des fonds.
« J’avais déjà couru pour une cause, mais il me semblait plus logique que je cours pour celle qui me tient le plus à cœur : en souvenir des pompiers décédés au front tout en encourageant les pompiers à rester en forme », explique-t-il.
« Un pompier n’est pas une machine, l’arrêt cardiaque est une cause majeure de décès dans notre profession. Il faut toujours être préparé », raconte-t-il avec un peu d’amertume. « J’ai perdu assez d’amis dans la profession… pas forcément au front, mais définitivement avant que cela soit leur temps. »
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Une activité de plus en plus compliquée
« Quand je fais ma course, je me concentre sur ceux que je supporte », dit-il. Il évite ainsi les sujets qui fâchent et ne veut en aucun cas attiser les tensions. Il relate néanmoins les nombreuses situations à risques que rencontre le soldat du feu et le stress extrême qui peut l’accaparer au quotidien.

« Nos responsabilités sont de plus en plus grandes. Les incidents sur les autoroutes sont de plus en plus nombreux. Les automobilistes roulent de plus en plus vite. Les victimes sont dans des états de plus en plus critiques », constate-t-il.
Concernant les feux de forêt, le pompier franco-albertain originaire de Saint-Isidore est très inquiet. « La saison est plus longue et les feux plus violents. C’est de plus en plus agressif et cela fait de plus en plus peur ! » Il espère ne jamais voir ce qui se passe en Californie, mais semble dubitatif.
« L’activité humaine dans les forêts, le réchauffement climatique, les problèmes de sécheresse importants sont des facteurs à risque », estime-t-il, tout en se sachant chanceux d’avoir vu beaucoup de pluie dans le nord de la province.
Combien de temps encore ?
Comme il le dit lui-même avec beaucoup d’humour, « je ne suis pas un coureur inné, mon sport c’est les jeux vidéo ! » C’est donc aussi un défi pour lui que de s’extirper de son canapé. « Sans les encouragements, cela serait très difficile de continuer parce qu’il n’y a rien de pire à regarder qu’une ligne blanche sur l’autoroute. Au bout de 5h par jour, cela ne te tente plus ! »
Jour 1, Julien écoute la musique. Jour 2, il l’écoute toujours, mais « ne l’entends plus, car c’est la même playlist. Alors je pense à eux, ceux qui sont partis, et pour quoi je suis là. » Jour 3, il est ravi de voir que les gens l’accompagnent, souvent des premiers répondants aux urgences. Ils lui font oublier ses blessures. « On s’encourage mutuellement, c’est une belle expérience ! »

Il se remémore Marcel Maure, chef des pompiers de Smocky River, le pompier Terry Clark et ses enfants. Mikaela dans le camion de pompier, Oliver lui signalant avec fierté « je cours plus vite que toi ! » Petit Maudit, pense-t-il avec affection. Il pense aussi à leur mère, qui lui exprime sa reconnaissance. « Elle est venue vers moi, et m’a remercié, car, depuis cette course, les enfants ont plaisir à s’entrainer dehors très souvent. »
Le message passe, et Julien Bergeron reprendra l’entrainement pour peut-être passer plus facilement ce 27e kilomètre qui chaque jour l’a terrorisé. « Cette année, le 27e kilomètre, c’était un mur ! Si je m’étais mis à marcher, je ne serais jamais reparti. » Une bataille psychologique qu’il est fier de gagner chaque année pour cette cause qui lui tient à cœur.
Pour suivre Julien Bergeron :
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