En France, pays francophone le plus touché par la pandémie, l’Académie nationale de médecine a pour mission de répondre aux demandes du gouvernement sur toute question concernant la santé publique. Le professeur Yves Buisson est le président de la Cellule scientifique Covid-19 dans cette institution basée à Paris. Le Franco a traversé l’Amérique pour l’interroger.
Propos recueillis par Anam Kiani
Qu’est-ce qu’un coronavirus ?
Ce coronavirus vient de Chine. C’est une famille de virus issue du monde animal. Chez l’homme, on en connaît que trois ou quatre qui sont des virus qui ne donnent pas de maladie grave. C’est par contact entre les chauves-souris et d’autres animaux que se sont constituées des combinaisons génétiques qui ont permis à ces virus de s’adapter et de se communiquer à l’homme : on appelle cela un franchissement de la barrière d’espèces. Ainsi, cela permet une « émergence virale », tel que cela s’est produit à Wuhan en Chine.
Pouvez-vous nous expliquer son développement ?
Au début des années 2000, un coronavirus a émergé en Chine, à l’origine, nous l’appelons le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère). Ce virus a conduit à une pandémie ayant touché de nombreux pays, dont le Canada. À la fin de l’année 2002 et 2003, ce virus était très virulent et a entraîné la mort d’environ 10 % des personnes affectées. Ce taux de mortalité est très élevé, mais la maladie était faiblement transmissible. Ce qui a permis d’éradiquer le virus grâce à certaines précautions au premier rang desquelles figuraient les gestes barrières. En 2012, un nouveau coronavirus est apparu en Arabie et s’est répandu dans le Moyen-Orient. On l’a alors appelé MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient). Il est resté localisé à la péninsule arabique et au Moyen-Orient. Enfin, au mois de décembre 2019, un troisième coronavirus très virulent est apparu en Chine. Il s’agit du Covid-19 (NDLR : abréviation de COronaVirus Disease 2019).

Quelles sont les caractéristiques symptomatiques de la COVID-19 ?
Le Covid-19 s’est très vite répandu chez l’homme. Les premiers symptômes apparaissent au bout de 5 à 6 jours après la contamination. Ils se traduisent généralement par des symptômes respiratoires. À l’instar du syndrome grippal, on retrouve chez les patients atteints des douleurs articulaires et musculaires ainsi qu’une oppression thoracique. L’issue de cette infection est très variable suivant l’âge. Les personnes qui vont mourir de l’infection sont en grande partie des personnes qui ont plus de 70 ans, mais on peut aussi être victime d’une forme grave lorsqu’on est plus jeune. Cela concerne alors souvent des personnes atteintes de maladies chroniques telles que des maladies cardio-vasculaires, du diabète, de l’obésité ou de l’hypertension.
Quelles sont les règles à suivre ?

Les règles à suivre pour éviter l’infection sont maintenant largement relayées et connues : le respect d’une distanciation sociale, un lavage des mains régulier avec du savon ou du gel hydroalcoolique, et éviter de toucher son visage avec des mains sales. Compte tenu de la situation actuelle et à la suite de plusieurs études, l’Académie nationale de médecine a recommandé le port obligatoire des masques en public. Les masques chirurgicaux ou en tissus aideront à empêcher toute propagation du virus et à protéger les personnes vulnérables.
Quelle est la situation en France en ce moment ? Comment les Français vivent-ils le confinement ?
La France a connu une épidémie qui s’est développée au début du mois de mars dans deux grandes régions de France, d’abord dans l’Est de la France en Alsace et en Lorraine, puis en Île-de-France (NDLR: La région de Paris). Le nombre de morts a malheureusement dépassé cette semaine les 21 000 décès. Les établissements accueillant les personnes âgées dépendantes sont particulièrement concernés. Les Français sont confinés depuis le mois de mars.
Depuis l’Amérique, nous avons des échos, notamment par certaines déclarations de Donald Trump, d’un traitement à base de chloroquine expérimenté en France. Où en est-on ?
La chloroquine était utilisée depuis 1960 pour traiter le paludisme. Or, aujourd’hui, la maladie est devenue trop résistante pour pouvoir être ainsi guérie. Très rapidement dans les années 1970, les virologues ont découvert que la chloroquine était également un antiviral. Les virologues ont donc essayé de traiter les virus tels que Ebola, Zika ou le VIH à l’aide de la chloroquine in vitro. Toutefois, les essais in vivo n’ont jusqu’à maintenant pas encore donné des résultats satisfaisants. Le professeur Didier Raoult, un des infectiologues les plus reconnus à l’échelle internationale a fortement défendu l’utilisation de la chloroquine pour soigner le coronavirus. Néanmoins, l’efficacité de ce médicament reste à prouver, d’autant qu’il peut présenter des effets secondaires indésirables.
Quels conseils donnerez-vous aux Canadiens ?
J’invite les Canadiens à respecter les gestes barrières, garder une hygiène saine et à prendre soin de leur santé mentale.