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le Samedi 18 Décembre 2021 15:04 Edmonton

La «force de communication» de Guy Armel Bayegnak

La «force de communication» de Guy Armel Bayegnak
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Peut-on raconter l’histoire d’un homme et d’une collectivité en même temps? À en croire les dires et – surtout – les mots de Guy Armel Bayegnak, c’est possible! Dans Poids plume, poids d’or, l’auteur d’Edmonton offre un voyage dans la communauté franco-albertaine plurielle à travers les yeux d’un immigrant africain.

Sous une trame de campagne électorale, le roman invite à suivre Sebouka, un immigrant franco-africain, et les difficultés de sa vie au quotidien. L’arrivée imminente de son premier nouveau-né dans le foyer, la nécessité d’une promotion professionnelle, mais également un manque d’espace politique que lui réserve sa communauté d’accueil en tant qu’immigrant, Sekouba n’a pas les conditions pour avoir un esprit candide!

En prenant le point de vue de l’immigrant franco-africain, souvent relégué au second plan selon l’auteur, Poids plume, poids d’or explique les angles morts d’une communauté francophone minoritaire marquée par la diversité culturelle et ethnique.

Bien qu’il s’agisse d’une fiction, l’œuvre peut être lue à plusieurs niveaux, notamment celui de la réflexion sociétale. C’est un objectif que Guy avait en tête tandis que ses doigts frappaient le clavier de son ordinateur. «Qui suis-je? Et au-delà de ce “qui je suis?”, en tant qu’individu, qui suis-je dans ma communauté? Qu’est-ce qui fait de moi un membre de ma communauté?»

Comprendre les incompréhensions

Géologue de formation, il semble que cette fibre scientifique l’amène à étudier attentivement le monde dans lequel il évolue. Après 18 ans dans la capitale albertaine, il décide de matérialiser ce qu’il observe dans sa communauté : des malaises persistants.

L’auteur, né au Cameroun, apporte une nuance entre une communauté francophone, constituée de personnes qui partagent la langue de Molière, qu’elle soit leur langue maternelle ou seconde, et une communauté francophone plurielle

Dans son œuvre, il déconstruit l’apparence d’une communauté francophone homogène perçue par les observateurs extérieurs à la communauté. Formée de Québécois, de Franco-Albertains, d’immigrants africains et européens, la communauté est plurielle et hétérogène. Les membres «forment des agrégats qui partagent une langue commune, qui partagent peut-être aussi une vision commune, mais qui, à la fin, ne se comprennent pas et qui ne se fréquentent pas assez. Il y a donc des incompréhensions».

Poids d’or, poids plume est le troisième livre de Guy Armel Bayegnak. Crédit : Courtoisie

Ces incompréhensions sont au cœur de son roman, mais également d’évènements marquants de la communauté franco-albertaine de ces dernières années. Parmi les exemples que Guy cite, il note la manifestation organisée par l’Association des Parents Noirs de l’Alberta (APNA) en juillet 2020. L’APNA dénonçait toutes les formes de discrimination dans les écoles du Conseil scolaire Centre-Nord, mais également une sous-représentation des enseignant.e.s noir.e.s.  

«Est-ce que je les [les incompréhensions] ai vécues directement? Pas toujours, mais indirectement», mentionne l’auteur. Plus tard dans l’entrevue, il affirme que ce n’est pas parce qu’il n’est pas touché personnellement en tant qu’individu qu’il n’est pas concerné. Ces incompréhensions le touchent et l’interpellent en tant que membre de sa communauté.

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Une invitation et de l’espoir

Guy Armel Bayegnak s’ouvre sur l’expérience migratoire qu’il a vécue dans «un environnement linguistique minoritaire». «Quand on arrive dans un environnement minoritaire, on a toujours cet instinct, cette tendance à rechercher celui qui comprend notre réalité, celui qui comprend notre vécu et tout simplement partager.»

Pour l’auteur, la parole revêt un atout quasi magique. Il s’agit d’une «force de communication». Cependant, il déplore le fait que cette force n’est pas maximisée pour créer des ponts entre les différents agrégats de la communauté.

Guy Armel Bayegnak a vécu au Cameroun et en Allemagne et vit depuis 18 ans à Edmonton. Crédit : Courtoisie

En effet, il constate que certains perçoivent l’immigrant comme celui qui «veut retirer quelque chose à ce qui existe déjà, alors que le nouvel arrivant […] a l’impression de pouvoir y apporter quelque chose».

C’est d’ailleurs pourquoi, en plus de proposer un questionnement à ses lecteurs, il les invite à poser un geste : se rencontrer les uns les autres afin que les gens puissent se fréquenter, se parler et apprendre le point de vue d’autrui. 

«C’est également un roman d’espoir. Au-delà de l’invitation et du questionnement, il y a de l’espoir. Les questions sont posées, on n’y apporte pas de réponses, mais il y a l’espoir que ces ponts seront construits, que ces passerelles seront parcourues dans les deux sens pour se rencontrer, se parler et arrêter de se mettre la tête dans le sable.»

Le livre de Guy Armel Bayegnak est disponible dans les librairies francophones.