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le Lundi 12 avril 2021 13:53 Edmonton

L’appartenance de Jocelyne Verret-Chiasson à la poésie

L’appartenance de Jocelyne Verret-Chiasson à la poésie
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Jocelyne Verret-Chiasson a présenté le 19 mars dernier son nouveau poème intitulé Appartenance. Cette Edmontonienne passionnée par les mots affectionne particulièrement ce genre littéraire qui lui permet d’exprimer ses sentiments et ses idées, en quelques vers. 

« Ce sont de petites capsules contenant des figures de style qui vont droit au cœur », décrit la poète. Son inspiration ? La nature et la vie quotidienne. Elle aime s’inspirer des questions existentielles de la vie et des inconnus. « En temps normaux, je fréquente les petits cafés, les pâtisseries de mon quartier. Là, j’aime observer les gens ». Leurs habillements, leurs déplacements, leurs discussions sont notamment de belles sources d’inspiration à sa poésie.

Jocelyne Verret Chiasson est l’auteure du recueil de poèmes intitulé Mes muses : du sacré au profane sorti en 2012 et du roman J’attendrai, sorti en 2003. Crédit : Elaine Berglund

L’étincelle de sa plume

L’écriture de poèmes a commencé lorsque Jocelyne n’avait que très peu de temps pour elle-même. Elle portait alors plusieurs chapeaux, dont celui d’étudiante en maîtrise, d’épouse, de mère de famille et d’enseignante. Elle raconte : « La création d’un poème me permettait de me recueillir pour une courte durée, de savourer quelques moments de solitude et de m’exprimer littérairement ».

Parallèlement, Anne Hébert est une autrice qu’elle apprécie beaucoup en raison des thématiques qu’elle aborde dans ses poèmes. « La simplicité qui révèle une grande sensibilité à la nature, une quête spirituelle, la recherche d’un amour à partager, la misère humaine, etc. Ses recueils, Le Jour n’a d’égal que la nuit et Poèmes pour la main gauche, m’inspirent à chaque lecture ».

La passion des mots

Jocelyne se rappelle que c’est son père qui lui a légué sa passion pour les mots. Son français était excellent et il a appris à sa fille notamment comment utiliser le dictionnaire. Jeune fille, elle a eu de très belles discussions avec son père et au fur et à mesure qu’elle a vieilli, les conversations ont pris de l’ampleur et ils ont discuté de tout.

De plus, elle se souvient que l’écriture prenait déjà place dans sa vie pendant son passage à l’école élémentaire. Elle a d’ailleurs souvent gagné des prix lors des concours locaux d’écriture.

Sa passion de la langue française s’est alors enjolivée au fil des années puisqu’elle a poursuivi ses études supérieures en littérature et elle a poursuivi avec une maîtrise en études françaises à l’Université de Sherbrooke.

*Poème Appartenance

Jocelyne Verret Chiasson a participé à la conférence virtuelle de création littéraire, artistique et musicale du Collectif d’études partenariales de la Fransaskoisie, USask, et Acfas Saskatchewan. Elle a présenté un nouveau poème intitulé Appartenance et lu quelques-uns des poèmes de son répertoire Mes muses : du sacré au profane.

*Poème Si j’avais su, « un poème tiré de Mes muses : du sacré au profane. J’aime le rythme de ce poème et les images évoquées. La quête d’amour, c’est un sujet universel et le printemps est l’occasion rêvée pour en parler ».

 

APPARTENANCE

J’appartiens à la marée montante qui sillonne mes veines. 

Elle a chaloupé ma tendre enfance aux résonances des

dory (doris), aboiteaux, homards, clams et moules. 

J’appartiens à ce vent du suroît et à son compagnon du nord-est. 

L’Atlantique coule dans mes veines,

ses courants ont déposé en moi le savoir de mes aïeux. 

Ma bouche entrouverte hulule le chant des baleines, 

mammifères cétacés qui ont nourri mes ancêtres basques.

De grands voyageurs, des goélands, me soulèvent

et je vogue comme un cerf-volant sans arrimage

au-dessus d’anciennes mers intérieures devenues plaines.

Ces goélands, qu’on penserait égarés, survolent l’Alberta.

Ils se font un chez-soi où qu’ils se trouvent, 

à la grande joie des Acadiens de l’Est établis dans l’Ouest.

Quand le mal du pays veut s’installer, 

le vacarme des goélands rappelle à qui veut bien l’entendre 

qu’on peut être chez-soi n’importe où au pays.

Un sens d’appartenance s’installe au gré de rencontres,

d’expériences de vie, de luttes langagières, d’éducation et de travail; 

il s’installe dans le cellier de ma mémoire. 

Puis, un bon jour, le passé maritime de l’Ouest,

enfoui sous les Rocheuses, perce les replis montagneux

et dévoile leurs secrets : des coquillages jumeaux de ceux de l’Est,

des coquillages recroquevillés sur eux-mêmes depuis l’âge dévonien.

Ils lovent en leurs replis des récits historiques 

que je parcoure fébrilement du bout des doigts, 

tel un aveugle lisant un message en braille.

Le cliquetis de ces squelettes maritimes 

enfouis sous des strates millénaires

tambourine un code morse, m’invite à m’étendre 

parallèle au jaune serin du colza et au pourpre royal du lin,

à coller ma joue aux fossiles des fruits de mer, 

aux striures en colimaçon qui engraissent le sol où paissent les bisons,  

à planter mes racines à mon tour, à m’ancrer à cette terre d’accueil.

Les Rocheuses sont des sorcières bienveillantes;

elles tissent des toiles d’arrimage auxquelles on peut s’agripper

quand le vent du doute nous chaloupe sur le lac Maligne,

au-dessus de montagnes inondées par des mers préhistoriques.

Le brouillard danse autour des conifères de Spirit Island,

lieu sacré des Cris des montagnes et de leurs frères et sœurs.

Dans ce pehonan*, des gouttelettes distillent la sagesse autochtone,

rappellent nos liens communs, les voyagements ancestraux, 

des Maritimes jusqu’à l’Alberta en passant par le Québec.

 

Une buée incantatoire égrène des chapelets de possibilités,

chatouille les narines, se pose sur nos visages crispés,

les lisse en une toile de fond ouverte aux découvertes,

aux souvenirs qui dansent sur des eaux immémoriales.

Ces longues tentacules mémorielles enjambent les frontières,

nous tendent à la fois la main et des boîtes à malice 

aussi déroutantes qu’une mer endiablée,

se greffent en nous, nous accompagnent

sur notre parcours de citoyens du monde.

 

Pehonan : lieu de rassemblement réunissant divers peuples autochtones.