Ces pages sont les vôtres. Le Franco encourage ses lecteurs à prendre la parole pour exprimer leurs opinions. Cette semaine, Vincent Bouchard, Marc-André Parisien et Maryse Trudel, parents d’élèves scolarisés au Conseil scolaire Centre-Nord, proposent une nouvelle avenue unificatrice pour les écoles francophones en Alberta: transformer les écoles en écoles inclusives pour l’ensemble de la communauté francophone, dans le respect des droits et religions de chacun.
Et si la communauté francophone d’Edmonton s’unissait dans sa diversité ? Pourquoi pas ? C’est ce désir d’inclusion et de partage qui nous mène à proposer de grands changements au Conseil Scolaire Centre-Nord (CSCN). L’unité, le respect des différences, l’appartenance à la communauté, ça se développe d’abord dans les écoles. Notre vision : un système d’éducation francophone inclusif célébrant la diversité, dans le but d’unir la communauté francophone pour que l’on travaille tous ensemble vers l’obtention de la parité entre l’éducation francophone et anglophone en Alberta.

Le récent jugement de la Cour Suprême du Canada établit de façon définitive ce droit à la parité: nous devons travailler ensemble pour qu’il soit respecté. Mais avant de foncer tête baissée, prenons le temps de se regarder dans le miroir. Est-ce que nous utilisons vraiment nos ressources de façon efficace dans notre système d’éducation francophone ? Pouvons-nous faire mieux, pour le bien de nos enfants ?
Une dichotomie contre-productive
En tant que minorité, diviser notre communauté en branches publiques et confessionnelles est contre-productif, autant du point de vue financier que sociologique.

Financièrement, diviser nos écoles implique un dédoublement des coûts et une distribution des ressources sous-optimale. De plus, les écoles publiques du CSCN sont généralement sous-financées par rapport aux écoles catholiques. L’exemple des écoles secondaires dans le quartier francophone d’Edmonton est flagrant. L’école Michaëlle-Jean (7-12), la seule école secondaire publique à Edmonton, est présentement dans un vieil édifice loué de Edmonton Catholic Schools. La communauté scolaire et le personnel de cette école font un travail remarquable pour offrir une éducation de grande qualité, mais l’infrastructure est tout simplement inadéquate. Dans le même secteur, il y a deux écoles secondaires catholiques, soit Joseph-Moreau (7-9), dans un édifice flambant neuf, et Maurice-Lavallée (10-12), qui a une infrastructure bien adéquate. Selon les données que nous possédons, l’école Maurice-Lavallée est utilisée à 34 % de sa capacité et l’école Joseph-Moreau à 65 %. Combinées, ces deux écoles pourraient encore accueillir 675 élèves. Ne s’agit-il pas d’une perte de ressources inacceptable et difficile à justifier ? Nous pouvons certainement faire mieux.
Du point de vue sociologique, rassembler notre communauté la rendrait plus forte et plus vibrante. Celle-ci est très diversifiée : des gens de partout se retrouvent à travers la francophonie albertaine. Son histoire est riche et multiculturelle, des premiers colons canadiens-français aux nouveaux immigrants. Malheureusement, la dichotomie de notre système d’éducation ne semble pas célébrer cette diversité : elle accentue la division de la communauté francophone selon les cultures et croyances. Cette séparation mène aussi parfois à des situations absurdes : des voisins francophones qui ne se connaissent à peine, parce que leurs enfants vont à des écoles francophones différentes.
À lire aussi :
« N’EST-IL PAS TEMPS DE RECRÉER DES ÉTATS GÉNÉRAUX SUR L’ÉDUCATION FRANCOPHONE EN ALBERTA ? »
RETENIR SON SOUFFLE FACE À LA DEUXIÈME VAGUE DE LA COVID-19 EN ALBERTA ET EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
Une réalité (mal) cachée
Derrière cette dichotomie se cache aussi un non-dit : un grand nombre d’élèves dans les écoles confessionnelles du CSCN ne sont en fait pas catholiques. Selon les données de 2015, 45 % des élèves dans les écoles catholiques du CSCN ne sont pas baptisés, et 69 % n’ont pas fait la première communion. Plusieurs parents envoient leurs enfants aux écoles catholiques, non pas à cause de la religion, mais pour des raisons d’infrastructure, de services, ou de proximité. D’ailleurs, les écoles catholiques du CSCN permettent aussi aux élèves d’être exemptés des cours de religion, même s’il existe des écoles publiques dans la même région scolaire.

Cette réalité est le symptôme d’un problème systémique au CSCN. Comparons au système anglophone. Il y a un très grand nombre d’écoles anglophones publiques (213 écoles et environ 102 000 élèves à Edmonton Public Schools, comparativement à 100 écoles et environ 42 000 élèves à Edmonton Catholic Schools), et la qualité de l’infrastructure et des services est comparable entre les écoles publiques et catholiques. Les parents ont un véritable choix. En conséquence, la proportion d’élèves non baptisés dans les écoles catholiques anglophones est beaucoup moins importante, et les écoles catholiques sont très réticentes à donner des exemptions. Par contre, le CSCN a 12 écoles catholiques contre seulement 7 écoles publiques, même si moins de la moitié des élèves au CSCN sont baptisés, et ces dernières sont sous-financées. C’est la source du problème. Il est impératif d’y trouver une solution : la liberté de choix entre l’éducation publique et catholique n’a un sens que si elle offre un choix véritable, basé sur le curriculum proposé, et non sur la qualité des infrastructures, la variété des services, ou la proximité des écoles.
Une solution simple et efficace se présente : si les élèves baptisés et non baptisés fréquentent déjà les mêmes écoles, et si des élèves dans les écoles catholiques sont déjà exempts de l’éducation confessionnelle, alors pourquoi ne pas rendre ces écoles publiques et inclusives, avec un programme catholique pour ceux qui le désirent ? Ne serait-ce pas optimal, autant pour les défenseurs de l’éducation publique que pour ceux qui croient à l’éducation confessionnelle ?
Notre vision : un système d’éducation inclusif pour l’ensemble de la communauté
Nous proposons donc que toutes les écoles du CSCN deviennent publiques, soit inclusives et ouvertes à l’ensemble de la communauté. Des écoles francophones, sans qualificatif supplémentaire. Dans le respect des droits acquis de la minorité catholique garantis par l’Acte de l’Alberta, nous acceptons qu’un programme de religion catholique soit offert dans les écoles publiques du CSCN, au choix des familles. Un tel système permettrait aux élèves de l’ensemble de la communauté francophone de bénéficier équitablement des ressources scolaires, tout en respectant le droit à l’éducation confessionnelle à ceux qui la désirent. Nous serions alors bien outillés pour lutter tous ensemble pour la parité entre l’éducation francophone et anglophone en Alberta.
Notre rêve : une communauté francophone forte, unie, qui célèbre sa diversité et son histoire. Un système d’éducation francophone rassembleur et inclusif, de qualité égale ou supérieure au système anglophone. Mais nous ne voulons pas que rêver : nous voulons avancer. Comme l’a si bien dit Eduardo Galeano :
« L’utopie est à l’horizon. Je fais deux pas en avant, elle s’éloigne de deux pas. Je fais dix pas de plus, l’horizon s’éloigne de dix pas. J’aurai beau marcher, je ne l’atteindrai jamais. À quoi sert l’utopie ? Elle sert à ça : à avancer. »
Avançons tous ensemble vers une éducation francophone forte et inclusive, dans le respect des droits et libertés de chacun.
Vincent Bouchard, Marc-André Parisien et Maryse Trudel
Pour nous soumettre vos texte d’opinion, écrivez-nous: REDACTION@LEFRANCO.AB.CA