Depuis 1995, le Mois de l’histoire des Noirs est célébré. L’histoire tragique de la ségrégation raciale en Amérique du Nord est indéniable. Aujourd’hui, nous sommes en droit de nous interroger : ce mois consacré « à l’histoire des Noirs », est-il réellement un moyen de rendre hommage au passé, ou ne renforce-t-il pas la stigmatisation ?
« Quand je suis arrivé il y a 16 ans au Canada, j’ai trouvé ça ghettoïsant … je savais que j’étais africain, togolais, mais pas que j’étais noir », explique Fernand Bienvenue-Ackey, responsable de la programmation à Radio Cité, radio communautaire d’Edmonton.
De prime abord, pour les nouveaux arrivants au Canada, l’établissement d’un tel mois peut paraître surprenant. Pourtant par la suite, Fernand a bien compris la nécessité d’un tel mois au Canada. « Je me suis rendu compte qu’il y a bien un regard stéréotypé de la communauté majoritaire… qu’il y avait des préjugés. Ce mois sert à réparer une injustice… et il y a une méconnaissance de l’Histoire ici ».
Pour la députée Jean Augustine, première femme noire à être élue à la chambre du Canada et instauratrice de la commémoration de l’histoire des Noirs au Canada en 1995, la reconnaissance du passé est essentielle. Cela permet de faire connaître l’histoire d’hommes et de femmes ayant participé au développement de ce pays.
Cependant, pouvons-nous dire que tous les Noirs se sentent concernés et appartiennent à la même catégorie historique ? Pour Kadiatou Barry, originaire de la Guinée et installée en Alberta depuis 2017, cette célébration « est importante, mais pas pour tous les Noirs. Le combat de la députée à l’époque était essentiel vu le nombre de personnes de couleur dans les institutions », remarque-t-elle, « c’était un moyen de dire aux jeunes que c’est possible ».
Mais, en 2019, « comment nommer un peuple sans racialisme, traité avec racisme ? », se questionne cette jeune francophone.
Le racialisme justement, qu’est-ce que c’est ? C’est une théorie selon laquelle il existe des races humaines qui sont différentes les unes des autres. Une vraie litote du racisme. Par le passé, le racialisme englobait les théories pseudoscientifiques servant à le justifier.
De nos jours, les personnes originaires d’Afrique s’identifient à un pays, une ethnie, mais pas à une couleur de peau. Et pourquoi le feraient-ils ?
Les Blancs s’identifient bien en tant que Canadiens, Américains, Québécois, Australiens, Français, Allemands, etc. Les Asiatiques se définissent eux, comme Chinois, Vietnamiens ou Japonais. Alors, pourquoi définir une personne à sa couleur de peau ou à la forme de ses yeux? Le regard parfois stéréotypé de la majorité contribue à entretenir des clichés, voire des préjugés pour ne pas dire une certaine ignorance.
En 2019, ne devrions-nous pas penser à sortir de notre ethnocentrisme ? Et permettre ainsi, beaucoup plus qu’un seul mois dans l’année, à toutes les communautés d’être mieux représentées sur la scène publique et cela quelle que soit leur couleur de peau, ou plutôt leur culture.