L’interruption volontaire de grossesse (IVG) que l’on croyait acquise fait aujourd’hui l’objet de multiples attaques un peu partout dans le monde. Le torchon brûle aux États-Unis, et certains Albertains manifestent leur envie de voir la loi changer. Pourquoi le droit à l’avortement est-il autant réprimé ? Ce retour en force pourrait être l’arbre qui cache une forêt plus sombre qu’il n’y paraît.
Il n’y a pas que la fumée des incendies qui flottent dans l’air albertain. Un vent de soufre ne cesse de se propager aux quatre coins du globe. Loin d’être un acquis, la loi visant à légaliser l’IVG a été de nouveau présentée au Congrès argentin ce 28 mai. Si en France la loi Veil a été adoptée en 1975, des femmes dans d’autres pays poursuivent le combat pour l’obtenir, notamment en Pologne, au Chili, au Maroc ou encore au Pérou.
Le sujet est chaud, voire brûlant. Des brasiers ici et là s’enflamment avec leur lot de manifestants, comme au centre-ville d’Edmonton le 9 mai dernier, avec à sa tête le « Wilberforce project », l’organisation politique pro-vie de l’Alberta. Véritable rendez-vous annuel, cette marche se déroule en partant de l’Assemblée législative pour se rendre jusqu’au Winston Churchill Square. Pour 2019, ce rassemblement aura attiré entre 800 et 1 000 personnes.
Le nouveau premier ministre Jason Kenney, bien que pro-vie, avait annoncé qu’il ne prendrait pas de mesures législatives à ce sujet s’il était élu. Chose promise, chose due. Et pour le moment il semble tenir parole ! Des évènements semblables ont d’ailleurs été organisés un peu partout au Canada, comme à Charlottetown en mars dernier. En résumé, pour certains la conviction personnelle et religieuse ne devrait plus faire seulement acte de foi, mais bel et bien acte de loi.
Le contrôle politique des corps féminins
Les États-Unis, eux, ont donc déjà passé un sacré cap. Plus de la moitié des États américains ont durci la loi sur l’avortement comme le Missouri, la Louisiane, la Géorgie, la Californie, le Kentucky, le Mississippi, l’Ohio et l’Alabama. Si dans l’État du Missouri la dernière clinique à pratiquer des avortements a vu sa licence reconduite alors qu’elle était menacée de fermeture, l’État de l’Alabama, lui, est carrément tombé dans l’obscurantisme en interdisant la quasi-totalité des avortements, y compris en cas d’inceste ou de viol. Les médecins pratiquant l’avortement sont désormais passibles de prison, des peines allant de 10 à 99 ans, sauf « en cas d’urgence vitale pour la mère ou d’« anomalie létale » du fœtus. Un sacré retour en arrière.
« J’ai dû donner naissance à l’enfant de mon violeur, car je ne pouvais pas avorter en Alabama », a osé témoigner Dina Zirlott, sur la plateforme du Huffigton Post. Le futur enfant alors diagnostiqué avec une hydranencéphalie décèdera dans d’immenses souffrances, un an après sa venue au monde. « La nouvelle loi anti-avortement en Alabama n’a rien à voir avec la compassion ou le respect du caractère sacré de la vie. Les politiciens de cet État qui l’ont votée ne se préoccupent pas des enfants une fois expulsés de nos ventres », dénonce Dina, aujourd’hui âgée de 31 ans et mère de 3 enfants.
D’ailleurs, que fait le gouvernement américain pour aider les mères célibataires à élever leur enfant ? Existe-t-il un système de crèches municipales et gratuites qui permettrait à ces mères de travailler ou de retourner aux études pour s’offrir un avenir meilleur à elles et leur famille ? Au-delà du fantasme de certains politiciens autour de la procréation, et de l’intérêt évident de remporter quelques scrutins supplémentaires, où est la vraie morale ?
Un monde désenchanté
Le droit à l’avortement, c’est avant tout des histoires de vie, des histoires de femmes, des histoires d’enfants. Si les femmes doivent revenir à des temps reculés où elles devront subir des avortements clandestins, combien d’entre elles mourront des suites d’infections ou de complications ? Le corps d’une femme ne devrait n’appartenir qu’à elle !
La capacité à donner la vie est un immense pouvoir que durant des siècles et même encore aujourd’hui, on cherche à contrôler. On en revient toujours au même, la vraie raison ce n’est pas la morale, ce n’est pas la foi, ce n’est pas le divin ou la santé, mais c’est bel et bien le pouvoir.
Depuis l’élection de Donald Trump aux États-Unis, la remontée des conservateurs au Canada, et l’élection d’une droite radicale aux élections européennes, un vent de conservatisme souffle. Mais jusqu’où ira-t-il ?
En attendant, Hollywood, Netflix, Warner Bros et le groupe Disney contre-attaquent, en refusant de travailler ou de tourner dans les États interdisant le droit à l’avortement. Un bras de fer idéologique est enclenché. Reste à savoir si la fiction ne dépassera pas bientôt la réalité.