Nos pages sont les vôtres. Le Franco permet à ses lecteurs de prendre la parole pour exprimer leurs opinions. Juliette Champagne est la présidente des Amis de la plantation Bugnet. L’association publie cette lettre ouverte pour demander au Conseil scolaire Centre-Nord (CSCN) de changer le nom de l’école Citadelle à Legal afin de rendre hommage à un francophone bien connu en Alberta.
C’est avec plaisir que nous apprenons que les travaux sur la nouvelle école francophone pour remplacer l’École Citadelle vont commencer au mois de septembre. Nous, les membres des Amis de la Plantation Bugnet, avons tout de suite pensé que ce serait le bon moment pour faire un changement de nom pour votre nouvelle école en l’honneur du plus célèbre citoyen de votre région : Georges Bugnet. Émigré de France avec son épouse Julia Rey, en 1905. Leur idée était de développer des arbustes et arbres rustiques adaptés au climat des prairies canadiennes et qui, ils l’espéraient, feraient leur fortune. Si celle-ci les éluda, le legs du couple pionnier persiste ; le rosier Thérèse-Bugnet fait chaque année partie de la liste des 10 rosiers les plus vendus au Canada, et se trouve partout au monde. Mais ce n’est pas tout.
La plantation d’arbres que le couple Bugnet a établie existe toujours à quelques kilomètres de Rich Valley, non loin de Legal. Elle est reconnue comme une ressource historique de la province de l’Alberta. Étant difficile d’accès, et négligée pendant trop longtemps, notre société tente de rectifier ces lacunes de la part de notre Ministère de la Culture et de protéger les espèces exotiques qui s’y trouvent, notamment des grands pins sylvestres d’une centaine de pieds de hauteur, dont Bugnet avait reçu la semence du Jardin botanique de St-Pétersbourg, Russie, avant la révolution de 1917. Ce sont des pins de croissance extraordinairement rapide dont certains spécialistes pensent qu’ils pourraient résister au fléau du dendroctone du pin qui ravage présentement nos forêts. Au printemps, à la Plantation Bugnet, on y trouve aussi des lys de Sibérie, un sorbier des Alpes, et plusieurs autres espèces exotiques, ainsi que du caragana, arbuste envahissant que Bugnet reçut avec un envoi de graines de Russie après 1912 et qui, maintenant, hélas, menace aussi les pins.
Georges Bugnet a beaucoup contribué au développement de l’horticulture grâce aux espèces rustiques qu’il a introduites dans notre pays et développées. En 1964, on retrouve son nom dans le dictionnaire Larousse pour ses contributions dans ce domaine et en littérature. Il figure aussi dans le Oxford Companion to Canadian Literature (1997) et a été le sujet de plusieurs thèses de maîtrise et de doctorat.

Il a beaucoup donné à la francophonie albertaine, étant un des membres fondateurs de l’Association canadienne-française de l’Alberta, en plus d’avoir été journaliste, rédacteur de l’hebdomadaire L’Union de 1924 à 1928, romancier, poète, auteur de pièces de théâtre, et contributeur d’articles à de nombreux périodiques et journaux, incluant La Survivance, prédécesseur du Franco. Un extrait de son livre Nypsia, a même paru, en traduction anglaise, dans le texte scolaire de la 6e année, Highroads to Reading, utilisé en Alberta, et ailleurs au Canada, pendant vingt ans et plus ! Ce chapitre raconte le dressage d’une paire de bœufs sur une terre auprès du lac Sainte-Anne vers 1885, activité forte en mouvement, je vous l’assure ! L’extrait (en anglais seulement) est disponible dans la section littéraire de notre site web.
Georges Bugnet fut conseiller scolaire et, dans cette fonction, sillonna à pied le comté du Lac Ste-Anne pendant 30 ans en veillant à améliorer les écoles de cette grande région. On dit qu’il fit même le trajet à pied de sa ferme à Rich Valley jusqu’à Edmonton pour rencontrer le premier ministre albertain alors en fonction, William Aberhart, pour demander de l’aide pour les écoles de campagne, ce qu’il a obtenu.
Il a été fait Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques de France en 1970, a reçu le Certificate of Achievement Award in Horticulture and Literature de la province de l’Alberta en 1972, a été récipiendaire d’un Doctorat honorifique de l’Université de l’Alberta en 1978 (dont la remise se fit extraordinairement à l’Église Saint-Émile de Legal) et un certificat de la ville d’Edmonton pour sa contribution au patrimoine de notre province. Depuis 1982, les Alberta Literary Awards présentent le Georges Bugnet Award for Fiction qui a été décerné à plus d’une trentaine d’auteurs albertains. Il a habité pendant 25 ans à Legal et on retrouve une peinture murale de lui et de son épouse Julia dans le village. Il ne faudrait pas oublier, non plus, que l’existence des écoles francophones partout au Canada a commencé avec l’Association de l’École Georges et Julia Bugnet qui entama une cause contre le gouvernement de l’Alberta, défendue jusqu’à la Cour Suprême du Canada qui décida en faveur des plaignants, Jean-Claude Mahé, Angéline Martel et Paul Dubé, le 15 mars 1990.
Sans doute toute la famille Bugnet a contribué à la culture des milliers de plantes qui furent plantées sur la ferme Bugnet, et c’est pour cette raison que nous avons ainsi choisi le nom de notre société, pour tous les inclure. Nous vous suggérons fortement de considérer un nouveau nom pour votre nouvelle école francophone à Legal, telle l’École Bugnet, en souvenir de ce pionnier de renom de votre région. On pourrait même penser à Citadelle-Bugnet. Je crois que Georges et Julia seraient bien fiers d’un tel nom.
Juliette Champagne, présidente
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