le Vendredi 29 mars 2024
le Vendredi 7 octobre 2022 9:00 Edmonton

La pièce franco-albertaine Récolte est publiée aux Éditions du Blé

Texte écrit par Simon-Pierre Poulin
La pièce franco-albertaine Récolte est publiée aux Éditions du Blé
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Les dialogues dans la pièce de théâtre Récolte sont vifs, chargés, parfois chantés, dans une parlure qu’on reconnaît bien, tressée d’anglais et de français. Ça sent le vécu. Les personnages imaginés par Joëlle Préfontaine dans une Alberta rurale et francophone sont aujourd’hui immortalisés dans un livre publié aux Éditions du Blé et lancé officiellement le 14 septembre dernier.

Le texte met en scène une famille agricole éprouvée et captive du passé, son attachement à l’Église catholique se mêlant aux généreux effluves d’alcool. «Comme des plaies grandes ouvertes, chaque personnage illustre une facette du paysage de l’Ouest. Ensemble, ils récoltent au présent le legs de leur passé», résume l’éditeur franco-manitobain.

«Comme des plaies grandes ouvertes, chaque personnage illustre une facette du paysage de l’Ouest. Ensemble, ils récoltent au présent le legs de leur passé.» Éditions du Blé

Produite par L’UniThéâtre en juin 2014, puis laissée en jachère quelques années, Récolte a repris vie cet automne. Au Grindstone Theatre, à Edmonton, l’autrice Joëlle Préfontaine et quatre autres acteurs de la communauté ont livré une performance grisante du texte tout frais sorti des presses.

Le public était particulièrement absorbé par les mélodies du blues tourmenté de la protagoniste, interprétée par celle-là même qui a fait naître la pièce. Son lyrisme pudique a semé l’introspection.

Mais c’est le duo formé de Vincent Forcier et d’André Roy qui a volé le show, interprétant respectivement un jeune velléitaire et le fantôme de son vieux mononc’ à la fois hyper toxique et fort sympathique.

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La paire s’est échangé des répliques savoureuses, avec vivacité et agilité. Difficile de croire qu’ils en étaient seulement à leur troisième lecture de ce texte. Quelle performance d’André Roy qui, visiblement, s’ennuie de monter sur les planches!

À l’aube de son dixième anniversaire, l’œuvre de Joëlle Préfontaine, sélectionnée dans la catégorie Outstanding New Play des Elizabeth Sterling Haynes Awards qui récompensent l’écriture dramaturgique, reviendra-t-elle dans un théâtre près de chez vous?

Laissons l’idée germer.

Extrait de Récolte de Joëlle Préfontaine
Tard une nuit, en campagne, à la ferme de Ray dans une région centrale en Alberta pendant le mois de juillet 2013. 

Ray : Chan-te! Chan-te!
Renée : Laquelle?
Ray : La chanson que Mom chantait à Mon oncle.
Renée : Non.
Ray : Please.
Renée : T’es t’un gros chieux.
Ray: Chante-la!Ray commence à chanter «Vive la compagnie». C’est quelque chose qu’il a toujours fait pour Renée, depuis sa jeunesse, pour essayer de la rendre
Heureuse.

Ray :
VIVE LA VIVE LA VIVE LA VIE
VIVE LA VIVE LA VIVE L’AMOUR
VIVE LA VIE, VIVE L’AMOUR
VIVE LA COMPAGNIE

Renée : Oh, tu m’fâches! Tu rent’es dans maison après.
Ray : My allegiance is pledged.

Renée :
HOW CAN I FEEL
WHEN I’VE LOST ALL I’VE KNOWN?
HOW CAN I LIVE,
WHEN YOU’RE NOT HERE ANYMORE?
HOW CAN I PRETEND?
WHEN TO PRETEND WOULD BE TO LIE.
I’VE LOST MY WAY,
I’LL JUST HANG MY HEAD AND CRY.

Marie et Mon oncle Raymond apparaissent dans le passé et chantent avec Renée.

OH LORD,
HAVE MERCY,
HAVE MERCY ON ME.
OH LORD,
I NEED YOU,
NEED YOU TO SEE,
THE PAIN
I CARRY
IS BURRYING ME.
PLEASE GIVE ME YOUR STRENGTH,
SO I CAN BE FREE.
PLEASE GIVE ME YOUR STRENGTH,
SO I CAN BE FREE.

Marie et Mon oncle Raymond disparaissent.

Ray: Mom’s birthday today.
Renée: Je sais.
Ray: She would have been… fifty… seven?
Renée : Fifty five.

Renée s’assoit avec Ray.

Ray : Garde, le ciel. Te rappelles-tu de quand on s’assoyait comme ça ici avec Mom quand on était jeunes? On r’gardait aux étoiles, aux Northern Lights. Pis quand y’avait plein de nuages, on pouvait toujours voir les lumières de la ville qui reflétaient dans le ciel, comme ce soir. Tellement de lumière que ça reflète. Ici, y fait noir, et là-bas c’est tout éclairé. C’est beau, hein?!

Ray vomit encore.
Renée : Très beau! Viens-t’en Renée aide Ray à rentrer chez lui.

Avec l’aimable autorisation des Éditions du Blé.