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le Vendredi 26 mars 2021 1:05 Canmore Banff

RENCONTRE SPIRITUELLE AVEC LES BISONS DANS LE PARC NATIONAL DE BANFF

Salut collectif aux bisons. Crédit: Delorna Buffalo-Makinaw
Salut collectif aux bisons. Crédit: Delorna Buffalo-Makinaw
RENCONTRE SPIRITUELLE AVEC LES BISONS DANS LE PARC NATIONAL DE BANFF
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Le groupe part pour une randonnée de 7 jours en totale autonomie. Au bout du chemin les bisons de Parc National de Banff réintroduits en 2017 sous l’égide du Traité du Bison signé entre Les Premières Nations albertaines Stoney Nakoda et Samson Cree. Crédit: Kyra Northwest.

« Dès le troisième jour, nous avons découvert les bisons, libres. » Des mots qui vibrent dans la voix de Marie-Ève Marchand. Cette spécialiste passionnée de la conservation et coordinatrice de l’organisme Bison Belong offre chaque année la possibilité de renouer les liens culturels, spirituels et historiques entre les peuples autochtones de la région et le bison grâce à une randonnée sur son nouveau territoire.  

 

C’est ainsi que sept femmes autochtones Cris et Pied-Noir ont pu, au mois d’août dernier, fouler la terre des versants est du Parc National de Banff, en quête du bison. « Le rôle de la femme est très important dans les sociétés autochtones, et plus encore dans leurs relations avec le bison », précise Marie-Ève. Un matriarcat qui régit aussi les hardes de bisons et qui a lui aussi « disparu avec l’arrivée des colons ».

Pour Kyra Northwest, cette participante d’origine cris, c’est tout un pan de l’histoire autochtone qui réapparaît grâce à la réintroduction des bisons au parc national. Un pan qu’elle espère entretenir avec respect et ferveur lors de chaque rencontre avec l’animal. « Le bison est l’un des animaux les plus significatifs de notre culture. C’est pour moi essentiel de l’honorer, de parcourir ces dizaines de kilomètres tout en partageant avec les autres femmes présentes les prières, les offrandes, et les chants qui lui sont dédiés », explique-t-elle.

Elle se souvient d’ailleurs avec beaucoup d’émotions des longues discussions qu’elle pouvait avoir avec ses grands-parents à ce sujet. « Ils m’ont toujours inculqué le respect qui existe entre les bisons et notre peuple. La chasse aux bisons était très cérémoniale. Elle était empreinte de rituels, d’offrandes, de chants. L’animal était pour nous la principale source de nourriture, mais pas seulement. Notre peuple utilisait tout ce que l’animal nous offrait. On utilisait les peaux pour s’habiller et faire les tipis, les os comme outils, et bien plus encore. »

Passage à gué de Divide Creek dans le Parc National de Banff. C’est la fin de l’été, la rivière est beaucoup plus basse mais il faut tout de même enlever ses bottes pour traverser. Crédit: Marie-Eve Marchand.

Le long du chemin, une incroyable découverte

« Nous avons parcouru plus d’une centaine de kilomètres, en totale autonomie pour retrouver la harde. Il faut être prête. Ce n’est pas une promenade de santé », explique Marie-Ève avec beaucoup d’estime pour ces femmes qui l’ont accompagnée. « Elles n’ont pas toutes l’entraînement nécessaire pour se retrouver dans ces régions sauvages et reculées. C’est le pays du Grizzli, les pentes sont escarpées et pourtant… »

Le camp est installé, c’est l’heure du dîner, mais aussi des prières et chansons toutes ensemble pour inviter le bison à leur rencontre. Crédit :  Marie-Eve Marchand.

« Ces femmes ont toutes un lien très proche avec l’animal dans leur vie au quotidien. Et lorsqu’elles sont sur le terrain, c’est d’abord une extraordinaire effervescence, une énergie incroyable et bien sûr des gestes ancestraux, des prières, des chansons, qui nourrissent leur courage », ajoute-t-elle fascinée. Malgré quelques informations distillées par Parcs Canada sur les habitudes de l’animal, Marie-Ève, Kyra et les autres ne peuvent compter que sur ces liens uniques qui les attachent à l’animal.

À l’aube du troisième jour et après avoir entonné la veille, à de multiples reprises, une chanson dédiée à l’esprit créatif et festif du bison, celui-ci est apparu au loin. « J’étais extrêmement joyeuse. Les jours de marche ont été très durs pour moi, et j’étais ce jour-là un peu à la traîne sur les pentes abruptes. Arrivée sur la crête, ma respiration s’est arrêtée. J’ai pleuré de joie. C’était la première fois que je les voyais libres », exulte Kyra. Silence.

Après trois jours de marche, les bisons sont là, au fond de la vallée. Un moment extraordinaire pour tout le groupe.  Crédit : Kyra Northwest.

Un sentiment partagé par tout le groupe. « C’était intense, explique Marie-Ève. L’affolement, l’excitation, les larmes. C’était la découverte d’un proche. Un frère, une sœur qu’elles n’avaient pas vus depuis trop longtemps. Des bisonneaux qui ne connaîtront jamais la captivité… »

Un partage de connaissance pour les générations futures

« C’est un cadeau que d’offrir à nouveau ce lien, ce rapport à l’autre où la femme tient le rôle essentiel. Cette gouvernance féminine disparue » souligne Marie-Ève tout en se remémorant de nombreuses discussions. « Elles étaient Cris ou Stoney et avaient tellement à se partager. Souvent, elles évoquaient leurs grands-mères, et la manière dont elles auraient pu vivre dans ces grands espaces. »

On imagine aisément, loin de nos cultures urbaines, ces échanges sur la flore, la faune, le temps qui passe, la terre nourricière. « Loin de brouhaha électronique, ces conversations s’installent et s’imprègnent pour longtemps », reconnaît Marie-Ève tout en évoquant les rôles culturel et écologique du bison à l’état sauvage.

Le groupe fait une pause le long de la rivière Red Deer dans le Parc National de Banff. Les voyez-vous ? Crédit : Marie-Eve Marchand.

Parmi ces moments inoubliables, Marie-Ève se rappelle de ces instants où la harde se déplaçait là où elles avaient foulé le sol la veille. Là où elles avaient laissé quelques feuilles de tabac sur le sol. « Le tabac est une des plantes sacrées que nous utilisons comme offrande pour notre Mère Nature. Elle crée des liens entre le monde des hommes et des esprits », explique Kyra Northwest encore fascinée par cette rencontre et très enthousiaste à la partager avec les futures générations.

« Lorsque j’accompagne ces femmes autochtones à la rencontre du bison, je suis à la bonne place et au bon endroit », conclut Marie-Ève Marchand.

Pour en savoir plus:

Buffalo treaty

Réintroduction du bison des prairies

Vidéo de la randonnée en langage cris ( Video produite par Kyra Northwest pour the Montana First Nations in Alberta.)

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