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le Dimanche 27 juin 2021 23:08 Arts et culture PR

L’artiste crie et francophone Honey Constant, passionnée pour sa culture

L’artiste crie et francophone Honey Constant, passionnée pour sa culture
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Crie, francophone, archéologue et artiste perleuse, Honey Constant est une jeune femme plus qu’inspirante. Originaire de la Première Nation de Sturgeon Lake en Saskatchewan, elle concilie à merveille travail, études et passetemps qui se rejoignent tous en un point névralgique : l’amour pour ses racines autochtones.

Marie-Lou Bernatchez – L’Eau vive

Honey Constant, 25 ans, a grandi principalement entre Saskatoon et Prince Albert et se définit comme une femme cri des Plaines du Nord, ou ninêhiyaw-iskwêw. 

«Sturgeon Lake et sa région, c’est un mélange des grandes plaines et de la forêt boréale. Je suis à l’aise dans les bois d’épinettes et de pins gris comme je le suis dans les prairies et les terres plates», souligne-t-elle.

Diplômée d’archéologie de l’Université de la Saskatchewan, la jeune femme multiplie les passions. L’une d’entre elles est l’art du perlage. L’odeur nostalgique d’une peau d’orignal, la douce lueur de la lampe et des perles à perte de vue marquent ses premières rencontres avec cet art ancestral. 

Honey Constant organise des visites dans le parc Wanuskewin Heritage. Crédit : Courtoisie

«Je me souviens avoir passé les vacances d’été avec mes grands-parents, nohkom et mosôm, à Sturgeon Lake et avoir regardé mon nohkom, ma maman et ma défunte tante assis à la table de la cuisine à travailler sur leur projet. J’avais environ six ans et je commençais à me familiariser avec les grosses perles et les cure-pipes qu’ils me donnaient», se remémore-t-elle.

Méditer, une perle à la fois

Honey Constant se dit chanceuse d’avoir été entourée d’une famille talentueuse et artistique. «Ma mère a commencé à m’aider à apprendre à faire des boucles d’oreilles avec des épines de porc-épic lorsque j’étais au secondaire», illustre-t-elle.

À partir de 2019, la jeune artiste commence à perler régulièrement, presque tous les jours. «J’ai rencontré Randi Lynn Nanemahoo-Candline et Keith Sangrey Sunchild [des collègues de travail] au parc Wanuskewin, où je travaille comme guide d’interprétation et ils m’ont aidée à m’améliorer dans mon art. J’adore l’utilisation des couleurs de Randi et la fluidité du travail des lignes de Keith», dit-elle.

Des bracelets de perles créés par Honey Constant. Crédit : Courtoisie

Sa passion pour le perlage est devenue virale lorsqu’elle a créé son compte Instagram «Honey Willow Creations». «Maintenant, je suis presque à 1 000 followers et cela me semble fou. Je suis très honorée et heureuse de faire de l’art que les gens aiment et veulent acheter», partage-t-elle.

«Pour moi, perler ressemble à une méditation. On m’a appris que lorsque vous créez des choses comme des perles ou même lorsque vous préparez un repas, vous devez mettre de bonnes intentions et de bonnes pensées dans le monde pendant que vous préparez et créez», rapporte Honey Constant.

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Partage de terres et de passions

La jeune femme explique ainsi qu’elle doit se trouver dans un état d’esprit positif lorsqu’elle crée des bijoux. 

«Si je les porte ou si quelqu’un d’autre les porte, cette énergie est attirée et affecte la personne. Alors, quand je perle, j’ai besoin d’être d’humeur à mettre de bonnes pensées et intentions dans le monde. Cela m’a aidée à certaines périodes où la vie était difficile et en particulier pendant cette pandémie», confie-t-elle, affirmant pouvoir créer pendant des heures sans s’arrêter.

Honey Constant s’inspire de la nature environnante pour ses créations. Crédit : Courtoisie

L’environnement est une grande source d’inspiration pour Honey Constant. Les couleurs chaudes et le crocus des prairies lui sont particulièrement stimulants : «Dans ma langue, nous appelons le crocus “le nombril de bison”. Tout dans la création a une histoire et un sens. Mon esprit a très tôt été attiré par le feu et cela influence beaucoup mon art. J’aime observer le monde qui m’entoure et créer des perles à partir de la nature.»

Le perlage demande beaucoup de patience et de précision. Les colliers peuvent prendre entre deux et six heures à fabriquer et les douleurs aux doigts et au cou sont courantes. «Perler tous les jours pendant près de deux ans vous aide à progresser!», s’exclame-t-elle.

Fière de ses racines

En tant que femme crie des Plaines, Honey Constant parle et continue d’apprendre sa langue autochtone, le cri des Plaines, aussi appelé «le dialecte en y», l’une des cinq variantes présentes au Canada. 

Le français lui a été enseigné en écoles d’immersion de la maternelle à la 8e année. «Quand j’étais plus jeune, j’étais la seule à parler français dans ma famille. Ma mère m’avait dit que mon oncle Jonathan le parlait aussi et que c’était un gars plutôt cool», lance-t-elle en riant. 

Malgré tout, cette dernière s’est davantage concentrée sur la langue crie au secondaire. «Quand j’essaye de parler nêhiyawêwin [cri] et que je ne me souviens plus d’un mot, je finis par insérer un mot français à la place! C’est un fouillis parfois dans mon cerveau! Mais j’ai beaucoup de chance de grandir avec trois langues», explique-t-elle, comptant bien sûr aussi l’anglais.

Le perlage est une pratique ancestrale autochtone qu’Honey Constant fait perdurer. Crédit : Courtoisie

Honey Constant travaille actuellement sur sa thèse de maitrise en archéologie à l’Université de la Saskatchewan, ayant choisi pour thème «la conception d’interprétation archéologique et la perspective autochtone». 

Elle travaille aussi comme guide d’interprétation principale au parc Wanuskewin Heritage, à 10 km au nord de Saskatoon, «un lieu de rassemblement pour les peuples autochtones des Plaines du nord depuis 6 000 ans», souligne-t-elle.

La jeune femme se dit chanceuse d’avoir un travail en lien avec sa culture et son diplôme. «Je suis passionnée par ma culture nêhiyaw et j’explore comment l’archéologie peut avoir un impact sur l’éducation et la réconciliation avec nous-mêmes et les autres. Au secondaire, je savais que je voulais protéger les droits, les pratiques et la culture autochtones», explique-t-elle, passionnée.

Continuer sa maitrise, partager sa culture et son histoire est son ambition pour les deux prochaines années, mais Honey Constant reste ouverte à tout ce qui croise son chemin. D’ailleurs, il n’y a pas de traduction pour le mot «adieu» en cri. 

«Il y a toujours une chance qu’on recroise une personne un jour, alors nous disons mwêstas, ce qui signifie “à plus tard”!»