le Dimanche 29 juin 2025
le Vendredi 11 octobre 2024 11:50 Santé

Un grand pas pour renforcer l’accès aux soins de santé en français en Alberta

Au Centre de santé communautaire Saint-Thomas, la promotion de la santé, ça commence dès le pas de la porte. Photo : Jean-Marc Cloutier
Au Centre de santé communautaire Saint-Thomas, la promotion de la santé, ça commence dès le pas de la porte. Photo : Jean-Marc Cloutier
L’entente historique conclue entre le RSA, l’ACFA et le ministère de la Santé en juin dernier marque l’aboutissement de plusieurs années de démarches pour renforcer l’offre active de services de santé en français en Alberta. Si les 5,4 millions de dollars sur trois ans promettent de grands changements, les effets concrets sur le terrain pourraient toutefois se faire attendre quelque peu.
Un grand pas pour renforcer l’accès aux soins de santé en français en Alberta
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IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO

Isabelle Laurin, directrice générale de l’Association canadienne-française de l’Alberta. Crédit : ACFA

«Ça fait des années que l’on tente de percer le ministère de la Santé», résume Isabelle Laurin, directrice générale de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA). Au cours des vingt-quatre derniers mois, précise-t-elle, l’organisme porte-parole de la francophonie albertaine et le Réseau santé Alberta (RSA) ont intensifié leurs efforts pour sensibiliser le gouvernement et la haute fonction publique aux besoins des francophones en matière de santé. 

«C’était extrêmement difficile, explique-t-elle. Le ministère est immense et les changements fréquents de personnel rendent complexes la construction et le maintien de relations.»

Les choses ont finalement progressé à la fin de mai 2023 lorsqu’une proposition de services de santé francophones a été soumise à la demande de la province dans le cadre de l’accord bilatéral en santé entre les gouvernements de l’Alberta et du Canada. Aujourd’hui soutenue par un financement de 5,4 millions de dollars, cette proposition comprend plusieurs mesures qui seront mises en œuvre au cours des trois prochaines années.  

L’objectif est maintenant de démontrer l’impact positif d’une telle initiative pour convaincre le gouvernement provincial de renouveler l’entente à son terme, souligne Isabelle Laurin. «On veut s’assurer d’avoir de très bons résultats pour montrer au gouvernement l’impact positif que ça peut avoir et se positionner pour les prochains plans d’action. On veut positionner nos pierres et que tout ça soit structurant dans le temps.»

Paul Denis, responsable des relations gouvernementales et ancien directeur général du RSA, se réjouit, lui aussi, de voir le travail de sensibilisation se concrétiser. «Ce qu’il faut comprendre, c’est que le ministère ne nous a pas imposé un plan pour l’argent… Il nous a demandé de préparer une proposition qui réponde réellement à nos besoins», rappelle-t-il. 

Ces besoins, «ils sont considérables», ajoute-t-il. En plus d’élargir la capacité de certaines cliniques et du réseau de centres de soins primaires (Primary Care Networks – PCN) à offrir des soins médicaux en français et de renouveler le projet de ligne d’écoute empathique TAO Tel-Aide, le RSA mettra prochainement sur la route une clinique mobile pour fournir des services de santé aux écoles francophones et à la La base militaire de soutien de la 3e Division du Canada Edmonton. 

«C’est un gros morceau, presque un million du montant total de notre financement ira à ce projet. C’est aussi une démonstration significative de notre capacité à [accroître] les services en français de manière rapide», mentionne-t-il. 

Aux quatre coins de la province 

Toujours dans l’espoir de mieux développer l’offre active, le RSA cherche actuellement à ajouter des ressources sur le terrain en ciblant des régions précises. Quatre personnes sont sur le point d’être embauchées dans le Nord-Ouest, dans le Nord-Est, à Edmonton et à Calgary. Leur mission sera d’évaluer les services actuels, la demande, le poids démographique francophone et d’«identifier des moyens d’améliorer les services existants».

Prochainement, une étude sera également lancée à McLennan pour évaluer les besoins particuliers de la communauté francophone de la grande région de Rivière-la-Paix, tandis qu’à Calgary, un projet similaire analysera la possibilité d’offrir certains services de santé en français dans la métropole. Ces initiatives pourraient déboucher sur la création de ressources supplémentaires.

Parallèlement, le RSA et l’ACFA souhaitent accroître la capacité des professionnels de la santé à traiter ou, à tout le moins, accueillir des patients en français. Le projet «Café de Paris» sera lancé pour offrir des cours aux professionnels qui auraient fait leurs études en anglais et qui souhaitent désormais perfectionner leurs compétences en français et rétablir leur vocabulaire médical dans la langue de Molière. 

«Nous sommes en discussion en ce moment avec l’École de langue du Campus Saint-Jean pour créer un programme à raison de quelques heures par semaine afin que ces professionnels puissent améliorer leur niveau de langue gratuitement», analyse Paul Denis. 

Paul Denis est responsable des relations gouvernementales au RSA. Photo : Courtoisie

Les premiers balbutiements

Bien que tous ces projets soient prometteurs, Isabelle Laurin rappelle qu’ils en sont encore en «développement» et que le mot d’ordre pour la première phase de ce financement sur trois ans est la «structuration». «Nous ne sommes pas encore dans la livraison de services, mais plutôt dans une étape de réflexion pour obtenir des données probantes qui nous [permettront] ensuite de collaborer avec le gouvernement à la mise en place d’une offre de services plus active», explique-t-elle.

La mise en place de la clinique mobile prendra également «du temps», tout comme l’identification des professionnels du réseau de la santé qui parlent déjà le français. Réaliste, la directrice générale reconnaît que la communauté franco-albertaine est impatiente de voir des résultats et demeure optimiste quant à l’avenir. «Je vois ça sur un horizon d’une dizaine d’années. […] Les 5,4 millions de dollars représentent un premier montant pour que nous puissions nous positionner pour l’avenir et commencer à faire une différence».

À l’interne, l’ACFA a d’ailleurs embauché une analyste politique et agente de liaison pour le secteur de la santé afin de suivre l’évolution des politiques publiques, analyser les changements en cours au sein du ministère et fournir au gouvernement des «données probantes», notamment en ce qui concerne la recherche sur les francophones et la santé.

«Le gouvernement de l’Alberta est en train de repenser le modèle de livraison des services de santé. Nous travaillons avec un ministère, mais maintenant, cela pourrait être réparti entre quatre ministères. Des changements rapides sont à venir. C’est un bon moment pour avoir reçu ce financement; nous serons en mesure de nous positionner dans cette nouvelle dynamique», conclut Isabelle Laurin.

Glossaire – Déboucher : Aboutir à une conclusion