FRANCOPRESSE

(De gauche à droite) Mark Carney (Parti libéral du Canada) et Pierre Poilievre (Parti conservateur du Canada). Photo : Sean Kilpatrick – POOL
C’est la question de l’immigration qui a mis d’accord les chefs des deux principaux partis fédéraux, Mark Carney (Parti libéral du Canada) et Pierre Poilievre (Parti conservateur du Canada).
À la question posée par l’animateur Patrice Roy à propos du poids démographique des francophones, le premier a mentionné vouloir «augmenter le taux d’immigrants hors du Québec avec la langue maternelle française de 10 à 12 %».
Rare fait, lors de la période de questions qui a suivi le débat, Pierre Poilievre a abondé dans le sens de son adversaire. «Ce sont des cibles raisonnables […], je suis d’accord avec lui.»
Il a précisé que son parti était en faveur «d’élargir le nombre d’immigrants francophones au Canada, y compris à l’extérieur du Québec, pour ajouter du poids démographique». Il s’est dit également prêt à travailler en collaboration avec les communautés sur cet enjeu.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, souhaite augmenter les transferts aux provinces en santé. Photo : Sean Kilpatrick – POOL
Une nouvelle cible d’immigration francophone?
Les libéraux ont atteint leur cible d’immigration francophone deux fois de suite : en 2023 et en 2024, atteignant 7,21 %, alors que l’objectif initial était de 6 %.
En décembre dernier, pourtant, le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada de Justin Trudeau, Marc Miller, avait assuré que son ministère ne pouvait pas forcément suivre la cadence.
Pour renverser le déclin démographique des francophones au Canada, Pierre Poilievre a réaffirmé son intention d’investir dans les programmes d’immersion pour les jeunes anglophones, afin qu’ils puissent venir pratiquer leur français au Québec.
Le chef conservateur souhaite également donner au Québec plus de contrôle sur la sélection des immigrants pour «mieux choisir ceux qui peuvent être francisés».
En période de questions avec les médias, le chef du Parti conservateur s’est toutefois montré moins précis concernant la construction d’écoles francophones au Canada, rappelant que la gestion des écoles relève des provinces.
«Ce sont elles qui décident […] je suis prêt à travailler avec les provinces.»
En matière de protection du français, outre l’immigration, les quatre chefs ont répondu à des questions sur la protection du français.
Si Jagmeet Singh (Nouveau Parti démocratique) a assuré «adorer la langue française», il n’a présenté aucune mesure lors du débat. «Le Québec est une force pour tout le Canada», a-t-il affirmé, faisant référence à la protection du français.

Pendant la période de questions après le débat, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a dit avoir remarqué – et trouvé dommage – que les enjeux des Premières Nations n’aient pas été abordés pendant le débat. Surtout en tant que partenaire économique important pour faire face aux menaces américaines. Photo : Sean Kilpatrick – POOL
Clause dérogatoire
Les chefs ont également dû débattre de l’utilisation de la clause dérogatoire, ou «clause nonobstant», qui permet aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d’adopter des lois même si elles contreviennent à certaines dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. Le Québec l’a utilisée à quelques reprises pour protéger la langue française.
Mark Carney a assuré en début de campagne qu’il n’avait «pas de problème» avec la Loi 96 (réforme Charte de la langue française au Québec), mais qu’il en avait un avec l’utilisation de la disposition de dérogation de manière préventive, soit avant que la loi ait été soumise à une révision par la Cour suprême.
Pour le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, «c’est la seule façon de préserver la souveraineté des parlements du Québec et des provinces. Ce n’est pas le type d’usage, mais la manière de le faire. La Cour suprême l’a déjà tranché. M. Carney veut demander à la Cour suprême de défaire un jugement de la Cour suprême contre le Québec», a-t-il fustigé.
Financement de Radio-Canada
Sur un autre enjeu francophone : Mark Carney a fustigé la promesse controversée de son principal rival, Pierre Poilievre, le financement de CBC/Radio-Canada.
«On va augmenter le financement et renforcer la gouvernance», en mettant également l’accent sur le renforcement financier de Téléfilm Canada et du Conseil des arts canadien.
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Pierre Poilievre a réitéré qu’il «protègerait Radio-Canada», puisque le média propose des contenus uniquement en français. «CBC peut se financer avec ses propres revenus, comme un organisme à but non lucratif», a-t-il suggéré.
«Le principe, a-t-il poursuivi, c’est que le gouvernement devrait faire ce que le marché ne peut pas faire. Le marché ne fournira jamais un service exclusivement en français aux communautés à travers le Canada.»
Décisions controversées
- Exclusion du Parti vert le matin du débat
Exclu par la Commission des débats des chefs le matin du débat pour ne pas avoir de candidats dans «au moins 90 % des circonscriptions», le chef du parti, Jonathan Pedneault, a dénoncé une décision «antidémocratique».
- Rebels News et Pierre Poilievre
Le site Rebel News, connu pour propager des idées d’extrême droite, a envoyé plusieurs journalistes poser des questions aux chefs lors de la conférence de presse qui a suivi le débat. Des journalistes sur place se sont plaints de leur surreprésentation.
Interrogé par ce média sur la protection des médias indépendants, Pierre Poilievre a affirmé que le Parti conservateur était «le seul parti disposé à protéger la liberté de la presse de tous les médias». Il a rappelé son objectif de «repousser» la loi C-11 «de censure». «Nous allons réagir contre toutes les formes de censure orwelliennes».
Jagmeet Singh, pour sa part, a refusé de répondre aux questions de Rebel News, qu’il accuse de propager de la désinformation.