le Mercredi 13 août 2025
le Mardi 22 avril 2025 17:02 Éducation

À la rencontre d’une littérature afrodescendante

Des élèves de 10e et 12e année de l’École Le Ruisseau, à Brooks, ont participé à un atelier pour mettre en lumière des auteurs afrodescendants d’ici. Photo : Courtoisie
Des élèves de 10e et 12e année de l’École Le Ruisseau, à Brooks, ont participé à un atelier pour mettre en lumière des auteurs afrodescendants d’ici. Photo : Courtoisie
L’Association francophone de Brooks a organisé, le 28 mars dernier, une activité destinée aux élèves de dixième et douzième année de l’École Le Ruisseau afin de leur faire découvrir des auteurs franco-albertains issus des communautés africaines et caribéennes. Une belle façon de clore le Mois de l'histoire des Noirs et de mettre en lumière ces voix encore peu nombreuses, mais essentielles, dans le paysage littéraire d’ici.
À la rencontre d’une littérature afrodescendante
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IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO

C’est Robert Suraki Watum, dramaturge, auteur et poète albertain d’origine congolaise, établi à Edmonton, qui animait l’atelier. Pour lui, l’enjeu de la représentation littéraire est fondamental. «Ma fille, qui est à l’université, a grandi en Alberta. Je lui ai demandé, une fois, si elle connaissait des auteurs [africains ou caribéens] d’ici et elle m’a répondu : “Toi, papa.” C’est tout. Elle ne connaissait personne d’autre. Ce n’est pas normal», confie-t-il.

Il est crucial d’offrir aux élèves des conseils scolaires francophones l’occasion de découvrir cette littérature encore trop peu visible, estime-t-il. L’événement s’inscrivait ainsi dans une volonté de transmission culturelle, mais aussi d’échange et de dialogue.

Au cours de l’atelier, l’auteur a lu des extraits d’œuvres et animé des discussions autour des enjeux qu’elles soulèvent. En plus du roman d’autofiction Sur les traces du passé de Robert Suraki, publié en 2021, les élèves ont pu découvrir Destination Canada, le froid à l’étranger d’Alice A. Prophète – qui retrace le parcours d’une jeune immigrante haïtienne en Alberta –, Ma vie à Miami 1992 de Kristina Kasengulu, Prête-moi ton destin de Roger Fodjo, ainsi que Poids plus, poids d’or de Guy Armel Bayegnak.

Ce dernier ouvrage, en particulier, explore les dynamiques complexes au sein de la francophonie minoritaire, mettant en lumière le peu de place politique et économique accordée à la communauté franco-africaine. Pour Robert Suraki Watum, ce genre de sensibilisation est essentiel dans le contexte actuel. «Avec tout ce qui se passe, les extrêmes qui se réveillent partout, les jeunes doivent plus que jamais apprendre à rencontrer l’autre. Il y a beaucoup de leçons à tirer de la culture, de l’écriture, de la littérature», insiste-t-il.

Robert Suraki Watum, dramaturge, auteur et poète, est également coordonnateur de projets à l’AJFAS. Photo : Courtoisie

Des lectures qui rassemblent

Les lectures ont été bien accueillies, selon Serge Desrochers, directeur de l’École Le Ruisseau. «Ça a mené à des discussions par rapport à ce qu’ils comprenaient et interprétaient des lectures», affirme-t-il. Il estime que cette initiative est particulièrement bénéfique pour les jeunes du secondaire pour qu’ils prennent conscience qu’il existe un avenir dans le milieu littéraire albertain malgré le contexte minoritaire. «Il ne faut pas s’arrêter juste au contexte minoritaire», précise-t-il.

L’impact a été d’autant plus fort chez certains élèves afrodescendants, qui se sont reconnus dans les récits partagés. Touchés par les lectures, plusieurs ont exprimé l’envie d’écrire à leur tour. Ils disent avoir perçu de nombreuses similitudes entre leur propre parcours, celui de leurs parents et les histoires évoquées dans les œuvres. Certains ont même demandé à l’auteur s’ils pouvaient lui envoyer des extraits de texte pour qu’il y jette un coup d’œil. «La lecture, ça pousse aussi à l’émulation», se réjouit Robert Suraki Watum.

L’auteur a également profité de sa visite pour aborder certains thèmes liés au racisme en faisant le lien avec le récent concours ACOR – Agir contre le racisme organisé par l’Alliance Jeunesse-Famille de l’Alberta Society (AJFAS), dont il coordonne les projets. Cette initiative, tenue dans les écoles des quatre conseils scolaires francophones de la province, visait à sensibiliser les jeunes à l’importance de l’inclusion et de l’harmonie sociale.

«Les mots peuvent changer le monde aussi. Et les jeunes ont des choses à dire», conclut Robert Suraki.