le Samedi 17 mai 2025
le Jeudi 15 mai 2025 11:43 Chronique «Culturelle»

Marcel Préville, un homme de culture : bâtisseur de la francophonie albertaine

«Le monde a besoin d’artistes. La francophonie a besoin d’artistes», raconte Marcel Préville.
«Le monde a besoin d’artistes. La francophonie a besoin d’artistes», raconte Marcel Préville.
Acteur, danseur, fonctionnaire, bâtisseur de communautés, Marcel Préville incarne une francophonie vivante tournée vers l’art, la jeunesse et l’action collective
Marcel Préville, un homme de culture : bâtisseur de la francophonie albertaine
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Sabine Lecorre-Moore est une artiste visuelle et commissaire d’exposition basée en Alberta. Passionnée par les récits culturels et les liens entre l’art et la communauté, elle partage ses découvertes et réflexions dans Le Franco. Forte d’une carrière riche en projets collaboratifs, Sabine s’engage à faire rayonner la vitalité artistique et francophone de l’Alberta.

Pour comprendre cet homme aux multiples engagements, il faut remonter à ses origines. Né à Saint-Paul, un petit village du nord-est de l’Alberta, il est le benjamin d’une fratrie de six enfants. Il représente la quatrième génération d’une famille francophone albertaine. 

Dans son village, on le surnomme «Rebel with a Cause» en référence à un article qui lui est consacré dans le St. Paul Journal. Homme d’action, il parle de ses passions avec un enthousiasme contagieux, qu’il s’agisse de sa carrière au sein du gouvernement fédéral ou de ses élans artistiques pour le théâtre, la danse et la chanson. Tout est lié chez lui.

Marcel se rappelle précisément le moment où il prend conscience de sa francophonie. Bien que son village ait été fondé en 1896, sous le nom de Saint-Paul-des-Métis, par une communauté métisse, il fréquente l’école anglophone, le seul choix disponible à l’époque. Il raconte avoir eu une véritable révélation lorsqu’il rejoint le Cercle dramatique de Saint-Paul. 

Au secondaire, il écrit pour le Théâtre des Alentours et joue avec cette troupe. Cette expérience lui fait découvrir l’importance de la langue de Molière dans un univers majoritairement anglophone et lui permet de sillonner l’Alberta lors de ses premières tournées artistiques.

À l’université, son engagement se poursuit : il découvre la danse traditionnelle avec la Girandole, alors troupe professionnelle. Il parcourt à nouveau la province, mais cette fois en dansant. Bien que le théâtre l’attire de plus en plus, il choisit de se diriger vers des études en commerce et en finances. «Je savais que la vie d’artiste ne garantissait pas la sécurité financière, mais j’étais convaincu que les arts joueraient toujours un rôle important dans ma vie», confie-t-il.

Avec la récession économique des années 1980, le jeune diplômé choisit d’enseigner dans un centre de formation professionnelle situé au nord de Slave Lake, dans la communauté de la Première Nation Bigstone Cree. Ce choix s’enracine dans une expérience personnelle. «Enfant, Marcel est témoin de la discrimination envers les Autochtones de Saddle Lake, près de Saint-Paul. Je voulais comprendre ce que cela signifiait d’être en situation minoritaire.» Ce séjour est une expérience marquante. Il y tisse des liens durables et devient un puissant allié de cette communauté.

De retour dans sa ville natale pour passer du temps auprès de sa mère, il rejoint l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) où il mène un travail de développement communautaire. Il fonde alors une nouvelle troupe de théâtre avec des adolescents des environs et obtient un financement pour organiser une tournée artistique à travers la province dans le cadre de l’Année internationale de la jeunesse. 

Après dix-huit mois à la direction générale de l’ACFA régionale de Saint-Paul, il intègre la fonction publique fédérale où il mène une carrière exemplaire pendant plus de 30 ans. La devise de son milieu de travail était : «Donner des conseils avisés et mettre en œuvre les choses avec loyauté».

Un dévouement sans borne

Fonctionnaire engagé, il est un homme de l’intérieur souhaitant initier des changements positifs pour les communautés francophones de l’Ouest canadien.

Soucieux d’éthique, il s’éloigne un temps de la vie associative et culturelle. Dans les années 1990, il revient au théâtre avec le Théâtre d’Edmonton et se met à chanter, encouragé par son épouse musicienne. 

Il rejoint d’abord un chœur pop-jazz, puis une chorale purement jazz, explorant ainsi une nouvelle forme d’expression artistique. Il s’implique également bénévolement au comité des parents de l’École Joseph-Moreau. Lorsqu’il prend sa retraite, il s’investit dans le Centre de développement musical (CDM), une association qu’il apprécie particulièrement pour son action auprès des jeunes. Il y occupe tout d’abord le poste de conseiller pendant deux ans, puis celui de président pendant quatre ans.

C’est lors du Forum des arts du Regroupement artistique francophone de l’Alberta (RAFA), en juin 2022, qu’un nouveau tournant s’amorce. Ému et inspiré par les paroles de Gaëtan Benoit, lauréat du prix Envol, il se souvient : «Ses mots m’ont bouleversé». Le lendemain, il présente sa candidature à la présidence du conseil d’administration du RAFA et est élu. Il partage une vision touchante et authentique, fondée sur l’écoute, la reconnaissance des artistes et l’ancrage communautaire

« Le monde a besoin d’artistes. La francophonie a besoin d’artistes.»

Depuis, il consacre temps et énergie à soutenir la grande transition de l’organisation, mettant à profit son expérience administrative et artistique. Il offre au milieu francophone stabilité et vision tournée vers l’avenir. Cette année marque son troisième Forum des arts qui se tiendra les 12 et 13 juin prochain. 

Il souhaite axer cet événement sur l’échange et la reconnaissance de la contribution des artistes membres à l’avenir de la francophonie albertaine, mais aussi au-delà : «Célébrer l’artiste que nous sommes tous et toutes». 

Voilà l’esprit qu’il souhaite insuffler au RAFA. Son parcours témoigne d’un engagement profond pour favoriser l’épanouissement de la francophonie sous toutes ses formes. Marcel Préville nous rappelle combien l’éducation artistique à l’école est essentielle, lui qui a bénéficié du théâtre durant sa propre jeunesse. 

« La jeunesse est notre avenir à tous. »

Homme de dialogue et d’action, il aime initier des changements de l’intérieur, toujours au service des communautés qu’il côtoie. Et toujours en mouvement, il remontera sur scène du 15 au 17 mai dans Le Malade imaginaire, la prochaine production de L’UniThéâtre, dans le rôle de Béralde. Pour lui, la langue de Molière est bien plus qu’un héritage culturel : c’est une identité vivante profondément enracinée dans la francophonie albertaine, nourrie par l’art et l’engagement communautaire.