
Fatima Zohra Rouziq est une mère de famille et une aide-élève à l’École Joseph-Moreau du CSCN. Photo : Courtoisie
Fatima Zohra Rouziq fait partie des personnes qui sont passées en mode solution dès qu’elles ont appris que les enseignants partiraient en grève au début d’octobre. Son garçon de douze ans est un enfant à besoins particuliers qui nécessite un encadrement pendant la journée, ce qu’elle ne peut offrir puisqu’elle doit continuer à travailler.
«Pour les parents, le stress, ça a été de se demander où mettre nos enfants. Moi, je me considère chanceuse, étant donné que j’ai trouvé une solution, mais croyez-moi qu’il y a d’autres parents qui ne trouvent pas», précise-t-elle.
En alternance avec quelques mères, Fatima fait donc la navette jusqu’au centre-ville chaque jour pour déposer son fils et d’autres enfants au service de garde temporaire mis en place par le Pont Cultural Bridge (PCB) dans les locaux de la paroisse Saint-Joachim, à Edmonton.
«Une chance que l’on peut compter sur nos associations francophones pendant cette période qui est loin d’être désirable. Et heureusement pour nous que le prix est abordable. J’avais essayé de trouver quelqu’un pour garder mon fils, mais elle me demandait 80 $ par jour, ce que je ne pouvais pas me permettre», ajoute-t-elle.
Anne Marie Camara, coordonnatrice de projets du PCB, précise que l’organisme a voulu mettre en place son mini-camp en réponse aux commentaires de plusieurs parents de son réseau, inquiets de la garde de leurs enfants en cas de grève. En date du 7 octobre, dix-huit enfants étaient pris en charge.
«On est là pour la communauté, on est là pour les familles. Peu importe le temps que va durer la grève, on sera là, alors il ne faut pas hésiter à nous envoyer vos enfants», indique-t-elle.
Des frais de 30 $ par jour sont demandés aux parents qui utilisent le service de garde, en concordance avec le montant remboursé par le gouvernement à travers son programme d’aide financière pour les parents et tuteurs d’élèves âgés de 12 ans et moins.
Pendant la journée, le PCB prévoit des moments d’étude (de 9 h à midi), des périodes de jeux libres et des sorties récréatives. «Il y a des activités tous les jours : on les amène à la législature, au parc, on prend le train avec eux pour aller à la bibliothèque», énumère Anne Marie Camara.

Anne Marie Camara est coordonnatrice de projets du Pont Cultural Bridge. Photo : Courtoisie
Solidarité envers les enseignants
Malgré sa frustration évidente face à la situation actuelle, Fatima Zohra Rouziq, qui travaille elle-même comme aide-élève à l’École Joseph-Moreau du Conseil scolaire Centre-Nord, ne peut s’empêcher d’éprouver de la solidarité pour ses collègues du milieu de l’éducation.
«Je leur souhaite bonne chance. Ils méritent de meilleures conditions de travail. Ils vivent des situations pas du tout convenables dans les classes, avec 40 élèves sans aide et des enfants à besoins particuliers. Ça n’a rien à voir avec l’image qu’on donne d’eux, comme s’ils parlaient juste d’argent. Ce n’est pas vrai», lance-t-elle.
La mère de famille s’inquiète toutefois de la «perte d’apprentissages» qui pourrait survenir si la grève s’éternise longtemps, et ce, malgré les outils mis en place par le gouvernement de l’Alberta pour soutenir l’apprentissage autonome des élèves.
«Ce n’est pas la même chose qu’être à l’école. Ce n’est pas génial pour les enfants de vivre cette incertitude. Déjà, on sait que c’est la même génération qui a été impactée par la COVID-19… Ils ont vécu beaucoup de choses dans leur courte vie. Moi, je pense que le gouvernement est appelé à trouver une solution rapide et efficace», ajoute-t-elle.
Magali Lefévère-Lapalud, une mère de famille de Cochrane, au sud de la province, partage une lecture similaire de la situation. Elle se dit chanceuse d’avoir des enfants plus âgés et autonomes, capables de gérer leur apprentissage pendant la grève, bien qu’elle craigne qu’ils accumulent un certain retard scolaire.
«Le site mis en place par le gouvernement est une belle initiative, mais ça ne fonctionne qu’avec les enfants autonomes, comme les miens. Et même dans ces circonstances, la plateforme n’est pas super bien faite. Mon fils est en douzième année et on se demande s’il va réussir tous ses crédits s’il prend trop de retard dans les matières», confie-t-elle.
Si elle n’a pas besoin de faire garder ses enfants pendant cette période d’incertitude, elle a tout de même voulu contribuer à sa façon. Elle a aidé sa fille Olivia à proposer ses services de gardiennage aux parents de l’École Notre-Dame-des-Vallées (Conseil scolaire FrancosSud) pour aider les familles qui n’ont pas d’option de garde.
«On trouvait que c’était une bonne façon à la fois de s’occuper et peut-être de gagner un peu d’argent. On n’a pas eu de réponses pour le moment», raconte-t-elle.
N’hésitez pas à communiquer avec vos organismes francophones pour connaitre les possibilités de services de garde d’enfants.
D’autres alternatives
À Calgary, les parents francophones peuvent, quant à eux, compter sur les services du Centre d’appui familial du Sud de l’Alberta, qui offre un service de garde aux enfants de la maternelle à la sixième année, également au coût de 30 $ par jour.
«Actuellement, on limite les inscriptions à 16 enfants par jour. Il y a eu de la déception, parce que le besoin était grand, mais on est limités en termes d’employés disponibles», précise son directeur adjoint, Maxime Lovric.
Le camp éclair mis en place par l’organisme accueille des enfants du 6 au 9 octobre et pourrait prolonger ses activités en fonction de la durée de la grève. «Ça s’est décidé un peu à la dernière minute, tout cela. On a reçu beaucoup d’appels et de courriels de parents qui nous demandaient si on prévoyait offrir des services pendant la grève. C’était vraiment un appel à l’aide», raconte-t-il.
Comme au Pont Cultural Bridge, le Centre d’appui familial accompagne les enfants dans leur apprentissage à partir du curriculum gouvernemental. La lecture est aussi mise de l’avant.
«Les enfants peuvent choisir leur livre dans notre bibliothèque ou apporter le leur. Notre équipe fait aussi de la lecture pour ceux qui ne sont pas encore en mesure de lire ou qui préfèrent écouter», conclut le directeur adjoint. Des activités sportives, créatives et récréatives complètent le programme quotidien.
Aux dernières nouvelles, les négociations contractuelles entre les enseignants et le gouvernement de l’Alberta demeuraient dans l’impasse. La dernière offre, refusée à la fin septembre, proposait une augmentation salariale de 12 % sur quatre ans, ainsi que l’embauche de 3 000 enseignants supplémentaires sur une période de trois ans, mais de nouvelles discussions semblent se dessiner pour mardi 14 octobre.
Glossaire – Impasse : Situation qui paraît n’offrir aucune issue favorable

Des élèves de la maternelle à la troisième année font leurs leçons au service de garde du PCB. Photo : Courtoisie