le Samedi 8 novembre 2025
le Samedi 8 novembre 2025 9:00 Communautaire

Poursuivre son engagement dans la francophonie en tant qu’adulte

Une table ronde sur l’engagement au-delà des structures jeunesse a été présentée dans le cadre du Congrès annuel de la francophonie albertaine. Photo : Courtoisie
Une table ronde sur l’engagement au-delà des structures jeunesse a été présentée dans le cadre du Congrès annuel de la francophonie albertaine. Photo : Courtoisie

IJL - Le relais entre l’implication jeunesse et la participation à la vie communautaire à l’âge adulte demeure fragile dans la francophonie albertaine. Celles et ceux qui s’impliquent tôt semblent toutefois mieux maintenir ce lien au fil du temps.

Poursuivre son engagement dans la francophonie en tant qu’adulte
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Yvette Yakibonge a bien vécu la transition entre l’implication jeunesse et l’engagement communautaire adulte. Photo : Courtoisie

Ce constat a été au cœur d’une table ronde présentée dans le cadre du Congrès annuel de la francophonie albertaine, organisé par l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), les 17 et 18 octobre dernier.

Yvette Yakibonge avoue avoir vécu la transition entre son implication jeunesse et son engagement communautaire une fois adulte de manière assez naturelle, une expérience qui, reconnaît-elle, n’est pas partagée par tous. Selon elle, le fait d’avoir commencé à s’impliquer à un jeune âge lui a permis de bâtir un réseau solide, qu’elle n’a jamais vraiment quitté. 

«J’ai été très active dès l’âge de huit ans, d’abord avec l’Alliance Jeunesse-Famille de l’Alberta Society (AJFAS), puis j’ai toujours continué à faire du bénévolat», raconte celle qui est née à Montréal de parents d’origine congolaise.

Si son parcours témoigne d’une belle continuité, Yvette sait que la réalité n’est pas la même pour tout le monde. Pour plusieurs jeunes, passer des structures jeunesse francophones à un rôle actif dans la communauté reste un défi, surtout lorsque les ponts entre les deux mondes sont fragiles.

«Les organismes doivent faire plus pour aider les jeunes à transitionner vers des rôles de leadership communautaire. Il y a plein d’opportunités pour les jeunes, les parlements jeunesse, les événements de la Fédération de la jeunesse de l’Alberta, mais c’est moins vrai pour les adultes et, parfois, ça crée une coupure», souligne-t-elle.

Elle insiste toutefois sur la responsabilité partagée : les jeunes adultes doivent, eux aussi, rester curieux et entretenir leurs relations au sein de la francophonie. «Parfois, on s’attend à ce que les gens viennent vers nous, mais il faut aller chercher les opportunités», ajoute-t-elle.

Parfois, on s’attend à ce que les gens viennent vers nous, mais il faut aller chercher les opportunités

— Yvette Yakibonge

Adam Brown, qui a fréquenté l’école d’immersion française, s’implique dans la francophonie depuis qu’il a fait ses études au Campus Saint-Jean. Photo : Courtoisie

Des parcours différents

La route vers l’engagement communautaire a été moins linéaire pour Adam Brown, qui est issu d’une famille anglophone et qui est passé par une école d’immersion française. «En immersion, on ne nous enseigne pas qu’il existe une communauté francophone vivante en Alberta, ni comment s’y impliquer», explique-t-il.

Ce n’est qu’à son arrivée au Campus Saint-Jean, en 2015, dit-il, qu’il a véritablement découvert la francophonie albertaine et qu’il a amorcé son engagement au sein de l’Association des universitaires de la Faculté Saint-Jean (AUFSJ), puis comme délégué au Parlement jeunesse pancanadien. Plus récemment, il a siégé au conseil d’administration de l’ACFA et amorce maintenant une nouvelle aventure au sein de La Fondation franco-albertaine.

«Quand on entre dans la communauté sans lien familial et sans connaissance réelle de [celle-ci], c’est important de créer des amitiés. Moi, ce sont mes amis qui m’ont encouragé à m’impliquer», partage-t-il.

Il espère aussi que la francophonie albertaine fera davantage d’efforts dans les prochaines années pour inclure les élèves issus de l’immersion française et pour faciliter leur passage vers la communauté. «On a parfois le sentiment de ne pas être assez francophones pour s’impliquer. C’est intimidant, surtout quand on arrive avec un niveau de français d’immersion : on peut se sentir pas assez bons pour faire partie de la communauté», confie-t-il.

Avec le temps, Adam a élargi sa réflexion sur ce que signifie «s’impliquer» dans la francophonie. «Il n’y a pas qu’une seule façon de contribuer», rappelle-t-il. «Pas tout le monde a besoin de siéger à un conseil d’administration. On peut faire du mentorat, travailler au sein d’organismes communautaires ou simplement faire du bénévolat», énumère-t-il.

À ses yeux, l’important est de cultiver un sentiment d’appartenance durable, peu importe la forme qu’il prend. Après la parenthèse de la pandémie, il a d’ailleurs observé un regain d’intérêt chez les jeunes pour les initiatives francophones. Une réalité encourageante, à condition que les organismes fassent aussi l’effort d’aller chercher ces nouvelles voix, précise-t-il.

Quand on entre dans la communauté sans lien familial et sans connaissance réelle de [celle-ci], c’est important de créer des amitiés

— Adam Brown

Ladan Souldan est enseignante en immersion française à Fort McMurray. Photo : Courtoisie

S’impliquer après l’immersion, pas toujours facile

Si Adam Brown plaide pour une francophonie plus inclusive envers les diplômés de l’immersion française, Ladan Souldan, elle, s’intéresse à la manière dont le sentiment d’appartenance envers la communauté francophone se construit, ou s’effrite, selon le milieu où l’on vit.

Installée à Fort McMurray après des études en enseignement, l’enseignante en français immersion constate que la proximité avec la communauté francophone varie énormément d’une région à l’autre. 

«Quand on vit à Edmonton, on est entouré d’organismes et d’événements francophones, mais dans les régions plus éloignées, comme Fort McMurray, c’est différent. L’ACFA régionale existe, mais la communauté n’est pas toujours aussi visible ou rassemblée», observe cette Franco-Albertaine d’adoption, née à Montréal de parents somaliens.

J’essaie de créer cet engagement et d’inspirer mes élèves à garder leur francophonie à cœur, à saisir les opportunités qui s’offrent à eux en français

— Ladan Souldan

Cette réalité rend les choses plus difficiles pour les jeunes adultes qui souhaitent poursuivre leur implication une fois sortis de l’école, mentionne-t-elle. Une réalité encore plus marquée chez les élèves d’immersion française.

«Quand ils quittent l’école, il y en a quelques-uns qui vont au Campus Saint-Jean à Edmonton, mais beaucoup restent à Fort McMurray et ne continuent pas leur parcours en français. Leurs parents ne parlent souvent pas la langue, alors ils la perdent», souligne-t-elle.

Pour Ladan, il faut multiplier les occasions d’appartenance et d’expression culturelles afin que la francophonie ne se limite pas à l’école, mais qu’elle devienne plutôt une porte d’entrée vers la communauté. 

Dans sa classe, comme dans la communauté, elle tente de combler ce manque à travers des projets culturels et des collaborations avec l’ACFA régionale. «J’essaie de créer cet engagement et d’inspirer mes élèves à garder leur francophonie à cœur, à saisir les opportunités qui s’offrent à eux en français», conclut-elle.

*NDRL Francophonie jeunesse de l’Alberta.

Glossaire – Linéaire : Dont les éléments se succèdent simplement