IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
Le conteur Roger Dallaire en sait quelque chose. «C’est sûr que les jeunes n’ont pas toujours l’habitude de rester concentrés. Alors, ça peut être difficile de les captiver pendant 15, 20 ou même 30 minutes pour écouter une histoire», reconnaît-il. Selon lui, des plateformes comme YouTube et TikTok ont habitué les jeunes à des vidéos de 15 à 30 secondes, si bien que leur intérêt s’effrite dès que ce rythme ralentit.
Mais devant cette nouvelle réalité, le Franco-Albertain ne baisse pas les bras, bien au contraire. «C’est encore possible de les accrocher. Il faut juste vraiment réussir à nourrir leur curiosité», explique-t-il.
Pour maintenir l’attention, il incarne ses personnages, adapte son récit lorsqu’il sent que les jeunes «décrochent» et mise sur l’humour pour créer un lien immédiat avec son public. «L’humour, c’est une bonne stratégie. Ils sont tellement allumés et rapides à comprendre les blagues. Peut-être même encore plus avec les applications comme YouTube, où ils sont habitués à voir des vidéos comiques», note-t-il avec amusement.
Roger Dallaire reste d’ailleurs convaincu que le conte apporte aux enfants quelque chose d’essentiel. «C’est bon pour eux autres, dit-il. D’apprendre aussi que, dans la vie, on ne peut pas toujours tout changer ou swiper tout de suite.»
En écoutant un récit du début à la fin, les enfants développent au contraire leur patience, leur curiosité et surtout leur imaginaire. «Quand je raconte une histoire, c’est eux qui se créent dans leur tête les images. Et ça, c’est riche», analyse-t-il.

Andréanne Gagné est professeure titulaire à l’Université Laval et chercheuse au sein de l’équipe Qualité des contextes éducatifs à la petite enfance. Photo : Courtoisie
Le véritable impact des écrans
Si le conte nourrit l’imaginaire et la concentration, les écrans, eux, tendent à faire l’inverse durant l’enfance, confirme Andréanne Gagné, professeure titulaire à l’Université Laval et chercheuse au sein de l’équipe Qualité des contextes éducatifs à la petite enfance. Elle rappelle que leur présence, même en arrière-plan, peut avoir des effets délétères sur le développement du langage chez les jeunes enfants.
«Il y a deux types d’effets, explique-t-elle. Évidemment, quand c’est l’enfant qui utilise directement l’écran. Mais aussi, et c’est de plus en plus documenté, lorsque le parent est absorbé par un écran en présence de l’enfant, ça aussi, c’est nuisible.»
Dans les deux cas, le constat est le même : moins d’interactions entre adulte et enfant, moins de jeux et une baisse marquée de la qualité des échanges. «Tout cela a un impact direct sur le développement du langage. L’enfant a aussi moins d’occasions de communiquer, de développer son attention soutenue et de s’engager dans une activité sans s’interrompre. C’est démontré», souligne-t-elle.
À l’opposé, la lecture, le jeu et le conte demeurent, quant à eux, des sources de développement cognitif essentielles puisqu’ils favorisent l’enrichissement du vocabulaire, loin des sollicitations fragmentées des écrans. «Il ne faut pas non plus minimiser l’importance de l’ennui qui a un effet sur l’imaginaire et la créativité», mentionne l’experte.
Andréanne Gagné invite d’ailleurs les parents à se poser une question simple : que remplacent les écrans dans le quotidien de l’enfant? «S’ils prennent la place d’une interaction que vous auriez avec le jeune, d’un jeu que vous feriez ensemble, d’une sortie à l’extérieur ou d’un moment de lecture, alors mieux vaut les éviter.»
Car, contrairement à certaines croyances, «il n’y a aucun avantage à utiliser l’écran avant cinq ans, sauf peut-être pour maintenir un lien à distance, par exemple avec les grands-parents», insiste-t-elle.
Elle nuance toutefois son propos dans un contexte particulier : celui des communautés linguistiques minoritaires. «Dans ces milieux, il peut y avoir une certaine richesse culturelle à visionner des films, regarder des vidéos en français», conclut-elle.

Roger Dallaire devant un des panneaux explicatifs de l’économusée. Photo : Courtoisie
Un nouvel économusée du conte
Inauguré en juin dernier à Saint-Vincent, dans une ancienne étable centenaire, l’économusée du conte est une première en Alberta. Imaginé par Roger Dallaire, il met en valeur l’art de raconter à la manière franco-albertaine.
Les visiteurs y explorent les racines et l’importance du conte dans la tradition canadienne-française à travers expositions et anecdotes. Des ateliers destinés autant aux enfants qu’aux adultes permettent aussi de s’initier à cette pratique vivante.
Le musée est ouvert sur réservation principalement pour les groupes.