«Née à Edmonton et d’origine rwandaise, je suis présentement en 10e année à l’école Alexandre-Taché. Je suis passionnée de lecture et d’écriture. Mes passe-temps incluent aussi la natation, les sports de combat, notamment le karaté. J’aime aussi faire du ski, mais je n’en fais pas autant que je le voudrais. Du côté des voyages, j’ai eu la chance de quitter le continent trois fois pour aller au Rwanda. Je vais être bientôt propriétaire d’un animal de compagnie, je suis tiraillée entre le choix d’un chien ou d’un chat.»
La tire d’érable, le lever du drapeau franco-albertain et les spectacles de musique sont autant d’activités que j’ai appréciées durant le Mois de la francophonie. J’ai également appris un fait intéressant : «le français est la langue maternelle d’un Canadien sur cinq et de 88 010 Albertains (2% de la population)».
Cependant, ces évènements ont suscité des remarques qui ont éveillé ma curiosité. En retournant à la maison, dans l’autobus scolaire, en pensant toujours à ce que j’ai appris, à ma droite, j’aperçois un nouveau quartier. Cela m’a fait réfléchir à la vitesse avec laquelle la ville change, tout comme la francophonie que je venais d’apprendre à l’école.
Dans cette même pensée, je me suis demandé quelle était la vie francophone en Alberta aux derniers siècles.
Si nous étions dans les années 1840, je devrais dire adieu à mes pantalons amples et à mes cheveux afro. Vous m’auriez vu à la mode avec un chignon de style victorien et une longue robe volumineuse à la taille corsetée*. Mon nom serait également différent, peut-être Marie-Anne.
Je suis alors la benjamine de neuf enfants puisque, malheureusement, mon petit frère est mort du scorbut, en raison de l’hiver rigoureux. Je vis dans une maison de bois que mon père et mon frère Jean-Baptiste ont construite, dès leur arrivée de la Nouvelle-France, sur quelques hectares de terre où ils cultivent du blé, de l’avoine et de l’orge.
J’ai quinze ans et je vis proche de la région des Forts de Prairies (Fort Edmonton) sur la Terre de Rupert, car la majorité des hommes de ma famille font le commerce de la fourrure. Bien qu’au poste de traite, ils échangent des marchandises, c’est aussi l’occasion d’interactions et d’échange de connaissances.
Même si je n’y suis pas autorisée, j’aime me faufiler derrière Jean-Baptiste et écouter les commerçants raconter leurs expériences de chasse qui semblent parfois très à risque, voire mortelles. Ils évoquent aussi des contes et des chants folkloriques. Je me délecte aussi d’écouter les mzee (mot dans ma langue d’origine**), c’est-à-dire les aînés qui parlent avec nostalgie de la Nouvelle-France et aussi de la France.
J’aimerais que la vie soit plus facile et plus amusante dans l’Ouest, comme le disaient les anciens. «Oh Jean-Baptiste! Oh Papa! Vous me manquez!» La dernière fois que je les ai vus, c’était il y a plusieurs mois. Ils sont partis explorer le «grand Ouest» en espérant, grâce au commerce de la fourrure, nourrir leur famille. Fervente catholique, je ne les oublie jamais dans mes prières.
Pour moi, il n’y a pas grand espoir. Je suis une jeune fille, l’école ne m’est pas destinée. Je suis vouée à devenir une femme au foyer.
Plus de quatre-vingt-dix ans plus tard, à la fin des années 1920, Jeanne est une adolescente, c’est aussi ma descendante. Elle est en vogue avec son allure «garçonne» : une coupe au carré et une longue robe grise.
Alors que sa famille a quitté la ferme pour la ville, sa francophonie l’a accompagnée. À la différence de ses grands-parents, elle n’a le choix que d’apprendre l’anglais. Le français est néanmoins parlé à la maison, mais ses petites sœurs l’ont oublié. Car, dans les rues de la grande ville, Edmonton, cette langue n’est d’aucune utilité.
Par contre, elle a intérêt à connaître sa langue maternelle, comme tous les autres paroissiens qui se rendent en masse à la cathédrale Saint-Joachim, car les messes y sont célébrées en français.
Elle avoue qu’elle a de la difficulté à trouver sa place en ville. Elle est bien plus à l’aise lorsqu’elle va visiter sa famille élargie, installée dans les campagnes de Bonnyville. À Edmonton, tout le monde est anglophone, même ses amis qui ont des noms français, mais qui ne connaissent pas la langue.
Et, finalement, si j’étais, moi aussi, une adolescente de cette époque, ma mère m’enseignerait le français à la maison et je n’écrirais pas dans Le Franco, car seuls les hommes avaient droit à ces métiers. Mais j’aurais eu le plaisir de lire La Survivance (le nom du Franco à l’époque).
Plusieurs années ont passé. La communauté et l’identité francophones ont changé. Et me revoilà en 2023. Je m’appelle Kaylie Murangwa, il n’y a aucune consonance française dans mon nom. Il est aussi difficile de croire que je parle français à cause de mon apparence contrairement à l’époque où je me prénommais Marie-Anne.
Aujourd’hui, je vis dans une ville anglophone, où l’identité francophone est invisible, à moins que l’on en parle…
Je me rappelle, il y a quelques années, en débarquant de l’autobus, j’ai salué ma jeune voisine qui retournait également chez elle. Depuis que je lui ai dévoilé que je fréquentais une école francophone et donc ma francophonie, nous nous sommes mis à discuter en français. Elle fréquentait une école islamique en anglais, mais elle se considérait, elle aussi, francophone grâce à ses racines algériennes.
Par contre, en face de chez moi vivait une jeune fille qui fréquentait l’école en français. Malgré tout, je lui parlais en anglais sans savoir qu’elle parlait français. Son père aussi me parlait en anglais, avec difficulté. Cela a toujours été ainsi jusqu’au moment où le facteur a confondu nos boites aux lettres. J’y ai trouvé dans la mienne deux copies du journal Le Franco. Mais l’un des journaux lui appartenait. Surprise et contente, je suis immédiatement allée frapper à leur porte, cette fois-ci en les saluant en français.
Chose étonnante, qu’il y ait des apparentés francophones juste à côté! Un courrier mal distribué et une longue conversation se crée au seuil de la porte et j’apprends que cette famille est libanaise.
La jeune libanaise faisait l’école à domicile. Certes, son père était intéressé par l’école francophone que je fréquentais et il pensait y envoyer sa fille à l’avenir. Depuis ce jour-là, on a mis l’anglais dans l’oubli et les brefs échanges sont devenus de longs entretiens.
Après ces expériences, il est clair que l’habit ne fait plus le moine.
Aujourd’hui, je n’hésite plus à m’exprimer en français en public. En faisant cela, j’ai eu de belles surprises, car plusieurs personnes parlent la langue de Molière autour de moi. Sauf le conducteur de bus qui lui croyait que je parlais espagnol! C’est une longue histoire, que je raconterais peut-être la prochaine fois.
Mon récit est basé sur des sources historiques.
Glossaire – Corsetée : Qui porte une gaine baleinée et lacée, un corset.
**Ma langue d’origine est le kinyarwanda.
Contenu promotionel par l’ACFA Régionale de Calgary
La fin de semaine du 4 et 5 mars, la Cité des Rocheuses a été le théâtre d’un événement unique et passionnant, le Festival d’hiver franco, organisé par l’ACFA régionale de Calgary en collaboration avec de nombreux partenaires communautaires. Plus de 1000 personnes ont participé à cette célébration des cultures francophones à Calgary, qui a duré deux jours. Après trois ans d’absence, l’ancien Festival des sucres est revenu avec un nouveau nom et un nouveau concept axé sur la diversité et la participation active des communautés culturelles francophones de la grande région de Calgary.
Ce festival a été un véritable succès, avec un beau mélange d’artistes franco-albertains dont Pierre Sabourin, Team BMB – formée de musiciens et danseurs de diverses origines -, Ivan Touko – originaire du Cameroun -, les groupes autochtones Four Winds Indigenous Showcase et les Calgary Metis Cultural Dancers, ainsi que d’artistes du Québec, soit le duo Folklofolie et André Thériault.
Les animateurs du festival, Steve Jodoin et Kazir Coulibaly, ne pouvaient pas mieux avoir été choisis et ont été le fil conducteur de la réussite du festival. Ils ont en effet su créer les liens entre les différentes communautés culturelles et ils ont été garants du rythme, en faisant vivre l’événement. Ils étaient pourvus de dynamisme et avaient tous les deux un grand sens de l’humour et de la répartie.
La variété des artistes du Festival d’hiver a su créer, sur la piste de danse, une excellente cohésion entre les différentes communautés francophones présentes. Les participants, sans se connaître, s’invitaient à danser, ce qui a apporté une ambiance chaleureuse et dynamique interculturelle qui a été appréciée de tous.
Bien sûr, la traditionnelle tire d’érable sur neige était au rendez-vous tout au long du festival grâce à la famille Voyer et bien des familles présentes au festival, cette année, découvraient cette tradition pour la première fois.
Ce que nous pouvons reconnaître de cette première édition du Festival d’hiver franco est que les participants, visiteurs, bénévoles, exposants et partenaires, sans oublier Mascotte Brisebois, étaient tous bien heureux de faire partie de l’événement, de participer et d’échanger avec les autres, en plus de découvrir les différentes facettes culturelles de notre francophonie et de partager un bon brunch au sirop d’érable préparé par le chef Alain Éthier.
Le Festival d’hiver franco a aussi été l’occasion de mettre de l’avant les talents artistiques francophones de la région, de la province et du Québec, non seulement sur scène, mais aussi à travers les arts visuels et les âges. En partenariat avec le Centre de développement musical de l’Alberta et sous la direction de Pierre Sabourin, trois jeunes artistes des écoles francophones ont fait découvrir leurs talents sur scène dans le cadre d’un mini Galala, tout en danse et en musique.
Le Festival d’hiver franco de Calgary a également proposé des activités pour tous les âges. Les participants ont pu découvrir des traditions variées, telles que le henné du Maghreb, les tresses africaines, les ceintures fléchées, un atelier de coloriage des Premières Nations. Une fresque impressionnante a été conçue à partir des nombreuses créations visuelles réalisées lors d’activités artistiques offertes à la Maison des jeunes par le Portail de l’Immigrant Association et au village des enfants par le Centre d’appui familial du sud de l’Alberta. Les activités interactives variées ont permis aux familles non seulement d’acquérir de nouvelles connaissances sur les saveurs de la francophonie albertaine, mais aussi de découvrir les nombreux talents des jeunes et des enfants.
Le Festival d’hiver a démontré que les cultures francophones sont vivantes et dynamiques à Calgary et que les francophones de tous horizons sont prêts à célébrer leur patrimoine culturel ensemble.
Nous avons hâte de voir ce que l’ACFA régionale de Calgary a en réserve pour la deuxième édition du Festival d’hiver franco qui aura lieu les 2 et 3 mars 2024!
L’ACFA régionale de Calgary remercie tous les bénévoles, les partenaires, les commanditaires et les bailleurs de fonds qui ont permis d’offrir cette toute nouvelle édition du festival d’hiver francophone à Calgary cette année.
Partenaires du Festival d’hiver franco 2023