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Le professeur Sadik El Ghoul conseille aux entrepreneurs albertains de miser sur des secteurs comme le pétrole, le gaz, l’hydroélectricité et les énergies renouvelables pour développer certains marchés africains. Photo : Courtoisie
«Sa forte croissance économique, la croissance de la population – alors que celle-ci décline dans les pays dits développés –, l’essor de sa classe moyenne et l’intégration progressive de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) offrent de nouvelles opportunités aux exportateurs canadiens, réduisant leur dépendance aux États-Unis», annonce Sadok El Ghoul.
Le professeur titulaire en administration des affaires au Campus Saint-Jean et spécialiste de la finance internationale est d’avis que les secteurs les plus prometteurs sont notamment dans le domaine de l’énergie, à savoir le pétrole, le gaz, l’hydroélectricité et les énergies renouvelables. Suivent l’agroalimentaire, avec l’exportation de céréales, d’engrais ou de technologies agricoles, et les infrastructures, que ce soit dans les domaines de la construction ou des transports, voire de l’électricité.
Les nouvelles technologies ne sont pas en reste avec les télécommunications ou l’apprentissage en ligne. Enfin, les services financiers avec des besoins au niveau des banques, des assurances et de la microfinance. «L’Afrique connaît un besoin urgent de modernisation dans ces domaines et l’expertise canadienne y est reconnue», assure M. El Ghoul.
Parmi les pays africains les plus susceptibles d’accueillir des produits canadiens, Sadok El Ghoul estime que le Nigéria, à titre du plus grand marché africain, a besoin d’expertise en matière énergétique et agricole. De son côté, l’Afrique du Sud, en tant que plateforme commerciale régionale et de centre financier, peut être un très bon débouché pour les produits canadiens. Quant à l’Égypte, il faut garder en tête qu’elle importe beaucoup de blé et qu’elle a un fort potentiel en matière d’énergies renouvelables. L’universitaire francophone rappelle que le Maroc et l’Algérie sont également «les premiers partenaires commerciaux africains du Canada. D’autres pays, comme le Ghana, le Kenya et le Sénégal, offrent aussi un environnement propice aux investissements».
Pour ce qui est des entrepreneurs franco-albertains, le professeur El Ghoul mentionne que le Sénégal, le Bénin et la Côte d’Ivoire sont des pays particulièrement attrayants «grâce à leur croissance économique, leur stabilité relative et la langue française qui facilite les affaires. L’avantage culturel des entrepreneurs franco-albertains leur permet d’accéder plus facilement aux réseaux locaux et d’établir des relations de confiance, un facteur clé pour réussir en Afrique».
Cependant, Alpha Sow, économiste francophone basé à Calgary et membre du conseil d’administration du CANAF, a un peu plus de réticences en ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest. Pour lui, «c’est un marché plus fragmenté» en raison, notamment, du taux de change et de différentes monnaies qui s’y retrouvent, comme le naïra, la monnaie du Nigéria, ou le cedi ghanéen.
Mais, surtout, précise-t-il, «ce n’est pas un marché intégré comme peut l’être l’Afrique de l’Est». Selon Alpha Sow, des pays comme l’Ouganda, le Kenya ou l’Éthiopie peuvent avoir certaines incitations économiques pour attirer les entrepreneurs à venir investir chez eux, comme des crédits d’impôt ou un meilleur usage des leviers disponibles auprès de la Banque africaine de développement.
La Côte d’Ivoire : une possible porte d’entrée
Fondateur de Kazir Consulting, une firme spécialisée dans le développement des affaires et la transformation numérique des PME, Kazir Coulibaly est installé en Alberta depuis 2015. En plus d’être consul honoraire de la République de Côte d’Ivoire en Alberta, il accompagne les entrepreneurs dans leur stratégie d’expansion internationale. C’est toutefois à titre d’homme d’affaires qu’il a discuté avec Le Franco.
Pour lui, la Côte d’Ivoire constitue une plateforme clé pour les entreprises canadiennes souhaitant s’implanter en Afrique. Cela est d’ailleurs confirmé par le ministère ivoirien de l’Économie, du Plan et du Développement qui estime que la Côte d’Ivoire est «la première puissance économique contribuant en moyenne à près de 40% du PIB nominal de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)».
L’homme d’affaires francophone ajoute qu’avec une population jeune et dynamique, «en s’implantant en Côte d’Ivoire, une entreprise a potentiellement accès à tout le marché ouest-africain, soit plus de 400 millions de consommateurs», ce qui est davantage que le marché américain avec ses quelque 346 millions d’habitants.
«Si vous avez accès au marché ivoirien, vous avez accès à l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone», tient à ajouter Kazir Coulibaly. Premier producteur de cacao dans le monde, la Côte d’Ivoire s’intéresse, bien sûr, à l’agroalimentaire, mais aussi aux nouvelles technologies, à la transformation numérique, à l’énergie, aux infrastructures, ainsi qu’aux mines et aux ressources naturelles. D’ailleurs, l’entreprise calgarienne Canadian Natural Ressources y exploite, depuis de nombreuses années, le gisement pétrolier et gazier extracôtier Baobab.
Afin de favoriser les échanges entre la Côte d’Ivoire et le Canada, Kazir Coulibaly mentionne qu’un forum économique se tiendra à Calgary cet été. Sans aller dans les détails, il précise tout de même que cet événement rassemblera des chefs d’entreprises, des représentants gouvernementaux et des investisseurs. «Ce forum sera l’occasion idéale pour les entrepreneurs albertains d’explorer le potentiel du marché ivoirien et de créer des liens stratégiques», annonce M. Coulibaly.

Kazir Coulibaly estime que la Côte d’Ivoire est une bonne porte d’entrée vers le marché de l’Afrique de l’Ouest. Photo : Courtoisie
Des outils à utiliser
Mais avant de conclure des affaires avec des partenaires étrangers, les entrepreneurs albertains doivent apprendre à utiliser des outils qui sont à leur portée, notamment au Canada.
L’économiste Alpha Sow mentionne le Programme d’accélération du commerce international proposé par le Calgary Economic Development. Le site web d’Exportation et développement Canada (EDC) est un autre outil intéressant pour qui veut avoir accès aux connaissances et aux perspectives d’experts en commerce international. Des organismes comme la Chambre de commerce Canada-Ghana peuvent aussi offrir des renseignements commerciaux et des occasions de réseautage à qui veut percer le marché de ce pays voisin de la Côte d’Ivoire, du Togo et du Burkina Faso.
Enfin, Alpha Sow a tenu à faire connaître une nouvelle toute récente : le 6 mars dernier, Affaires mondiales Canada a lancé sa première stratégie mondiale pour l’Afrique. Il s’agit d’un partenariat où s’entrecroisent à la fois économie, sécurité et diplomatie.
Mais faire des affaires signifie aussi qu’il faut bien connaître la culture de l’autre.
En guise de conseils, Sadok El Ghoul rappelle que la réussite commerciale en Afrique «repose sur la construction de relations de confiance, le respect des normes locales et l’adaptation aux styles de négociation». Cela demande aux entrepreneurs d’ici d’apprendre à être flexibles au niveau du temps, de mieux comprendre la communication indirecte, de respecter l’importance de la hiérarchie et de miser sur les réseaux personnels. «Une approche interculturelle bien maîtrisée permet d’éviter les malentendus et d’optimiser l’intégration dans l’écosystème économique local», de conclure le spécialiste albertain.
Glossaire – Fragmenté : se dit de quelque chose qui est divisé