le Samedi 19 avril 2025
le Vendredi 28 juin 2024 12:06 Éducation

Des élèves francophones se glissent dans la peau d’avocats

Procureur de la Couronne, avocat de la défense, accusé, policier, témoin, les élèves de l’École de la Rose sauvage ont incarné divers rôles lors du procès simulé. Photo : Gabrielle Audet-Michaud
Procureur de la Couronne, avocat de la défense, accusé, policier, témoin, les élèves de l’École de la Rose sauvage ont incarné divers rôles lors du procès simulé. Photo : Gabrielle Audet-Michaud
Des élèves du secondaire de l’École de la Rose sauvage ont vécu une immersion hors du commun le 28 mai dernier en participant à un procès criminel fictif au palais de justice de Calgary. Organisée dans le cadre de leur cours de droit, cette simulation en français leur a permis de plonger au cœur du système juridique albertain.
Des élèves francophones se glissent dans la peau d’avocats
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Le procès simulé avait lieu à la Cour provinciale de l’Alberta à Calgary. Photo : Gabrielle Audet-Michaud

Une certaine fébrilité régnait dans la salle à quelques minutes du début de la séance. Les rires nerveux et les murmures ont cependant été interrompus rapidement par l’entrée en scène de la juge April Grosse, qui siège habituellement à la Cour d’appel de l’Alberta. Cette dernière, rassurante, a invité l’assistance à s’asseoir.

«On essaie d’être aussi réalistes que possible, mais on doit changer certains détails pour avoir un procès qui dure seulement quelques heures», a-t-elle rappelé d’entrée de jeu.

Dans les rôles de procureur de la Couronne, d’avocat de la défense, d’accusé et de témoin, les élèves ont rapidement pris leur place et donné vie à un scénario inventé de toutes pièces. La plaignante, victime d’un vol de souliers avec voies de fait, a été appelée à la barre et longuement questionnée par les deux camps qui avaient préparé leur interrogatoire et leur contre-interrogatoire «avec rigueur». 

Vraisemblablement, a relaté Marc Fecteau, enseignant à la Rose sauvage, les deux équipes ont fait un «travail remarquable pour aller chercher des éléments techniques et créer des preuves». C’est peut-être aussi ce qui a contribué au verdict non unanime qu’a finalement rendu le jury en fin d’avant-midi. 

«Ça fait six ans que je donne le cours de droit et ce sont les deux meilleures équipes que j’ai vues. Les avocates ont été très agressives. Elles voulaient gagner», a-t-il mentionné.

Ce dernier a travaillé en étroite collaboration avec l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta (AJEFA) pour concrétiser la tenue de la simulation. Il a aussi enseigné certaines notions juridiques de base à ses élèves pour les préparer en vue du jour J. «C’est beaucoup de travail et ils sont évalués, alors ils prennent ça au sérieux.» Six élèves ont participé activement à la simulation, tandis que six autres ont siégé au jury.

Une collaboration bien accueillie 

L’avocate criminaliste Kim Arial a aussi offert un coup de pouce pour appuyer les deux équipes dans la préparation des interrogatoires, des contre-interrogatoires et des plaidoiries présentées en fin de procès. «Ils ont bien fait ça. Les deux avocates ont mis beaucoup de temps à se préparer et à écouter mes conseils, je suis très fière», a-t-elle décrit.

Me Arial a même poursuivi son travail de mentor jusque dans la salle du tribunal où elle a offert ses conseils lors de certains moments décisifs du procès. «J’ai essayé d’être juste. Il y a eu des témoignages qui sont sortis différemment de ce à quoi les élèves s’attendaient, mais ils se sont ajustés.»

Isabelle Normandeau, une élève de onzième année qui jouait le rôle de l’accusée, a été étonnée par certains rebondissements du procès, mais surtout par le verdict du jury qui n’a pas tranché en faveur de la défense. «Je suis un peu déçue parce qu’on a quand même travaillé très fort et notre avocate avait des arguments vraiment solides», a-t-elle expliqué. Pendant deux mois, les équipes ont consacré au moins une «trentaine d’heures» à la préparation du procès.

Même son de cloche du côté d’Audrey Quimper, avocate de la défense, qui aurait préféré voir le jury prendre une décision unanime. «En même temps, ça veut dire que les deux équipes ont vraiment fait du bon travail», a-t-elle nuancé.

Devant la stupéfaction de la salle d’audience face au verdict non unanime, la juge April Grosse a apporté certains éclaircissements. Ce type de conclusion est rare, mais peut survenir lorsque le jury ne parvient pas à se mettre d’accord. «Pour l’accusé, ce verdict aurait pour le moment le même effet qu’un verdict de non-culpabilité», a-t-elle précisé.

La magistrate a tenu à féliciter le travail des élèves en soulignant notamment la qualité et l’habileté de leurs interrogatoires. Selon elle, les deux équipes ont démontré leur compréhension des notions de base du système juridique avec efficacité malgré quelques petites erreurs, telles que l’utilisation de preuves de caractère et de mauvaise moralité qui n’auraient normalement pas été admissibles. «Participer à un procès sans formation en droit, ce n’est pas facile, alors bravo!», a-t-elle ajouté.

Ils ont été plusieurs à être appelés à la barre. Photo : Gabrielle Audet-Michaud

Plaider en français

Pour ces élèves francophones, l’occasion était bonne pour découvrir les possibilités de carrière juridique dans la langue de Molière. La juge Grosse a rappelé que plusieurs affaires sont entendues en français à Calgary chaque année. «Ce qu’on a fait aujourd’hui, ça se fait 20, même 30 fois par an.»

Me Arial a souligné, quant à elle, que les juristes francophones sont encore trop peu nombreux dans la province malgré que leur nombre soit en croissance. «C’est important de montrer aux jeunes que c’est une voie à envisager, ça peut permettre d’augmenter le [bassin] d’avocats et d’améliorer l’accès», a-t-elle conclu. 

GlossaireStupéfaction : Grand étonnement