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Davina Kashala présente le Guide des pratiques exemplaires de lutte contre le racisme en milieu scolaire. Photo : Courtoisie
Selon Sa Eva Katusevanako, le directeur général de l’Association francophone de Brooks (AFB), «le directeur de l’école et les enseignants ont beaucoup apprécié» ce lancement, mais ils n’étaient pas les seuls puisque de nombreux élèves ont pris part aux activités organisées pour cette occasion.
C’est Davina Kashala, une jeune bénévole de l’AFB récemment diplômée du secondaire, qui a eu l’honneur de débuter la séance et de présenter ce guide après la coupure du ruban symbolique.
Originaire de la République démocratique du Congo, Davina était très fière de participer à l’événement à la fois pour sensibiliser les plus jeunes, mais aussi pour s’exprimer sur le racisme, un mot qu’elle a finalement découvert, il y a quelques années, en arrivant au Canada.
Elle a exprimé la nécessité d’identifier et de connaitre les différentes formes de racisme existant dans la société et, plus précisément, dans les écoles afin d’être capable de les dénoncer. Un principe qui pourrait paraitre évident, mais qui ne l’est pas forcément, comme l’expliquait Sa Eva lors d’une entrevue sur le pourquoi de la conception d’un tel guide. «Le racisme est très important dans le milieu scolaire et chez les jeunes adolescents. Parfois, ces jeunes victimes ne se rendent pas forcément compte qu’ils en sont victimes et ne peuvent donc pas le dénoncer», assure-t-il.
Davina va plus loin lors de sa présentation, elle estime que les victimes comme «les agresseurs» sont parfois incapables de réaliser que certains actes expriment le racisme. «Même des mots que l’on peut dire en blaguant», des expressions anodines, des questions mal formulées «peuvent blesser certains élèves, il faut juste le réaliser», explique-t-elle.
Cinq principes essentiels pour lutter contre le racisme
- 1er principe : Le racisme, il faut en parler.
- 2e principe : Le racisme, il faut le dénoncer.
- 3e principe : Le racisme, il faut s’en dépouiller.
- 4e principe : Le racisme, il faut le déceler pour mieux le combattre.
- 5e principe : Le racisme, il faut y résister en développant l’estime de soi et un esprit de résilience et de tolérance.
La violence n’a pas sa place
Si la violence dans les écoles semble s’intensifier selon une étude de l’Association des enseignants de l’Alberta (ATA), il va de soi que certains actes racistes et injures sont communs. Durant sa présentation, Davina Kashala a exhorté les élèves à ne pas répondre à la violence par la violence.
Bien au contraire, «il faut garder son calme» et engager le dialogue sur un ton modéré avec celle ou celui qui fait preuve de racisme. Elle insiste sur le fait qu’aucune victime ne doit montrer sa fragilité et doit plutôt inviter la personne raciste, si elle est attentive, à réfléchir sur ses actes et à se mettre à la place de la victime afin de connaitre sa propre réaction.

Jenovie Mwaka a su faire face au racisme dont elle a été victime et aujourd’hui transmet son témoignage aux jeunes de Brooks. Photo Courtoisie
Un témoignage qui vaut mille mots
Les jeunes élèves ont beaucoup appris avec cette présentation et le témoignage, qui a suivi, de Jenovie Mwaka les a bouleversés.
Elle raconte. «Quand je suis arrivée à Edmonton dans cette école sans réellement de diversité, les professeurs m’ont mis une étiquette. J’étais la jeune élève qui arrive d’une zone de conflit.» Celle qui avait quitté la République démocratique du Congo pour l’Angola et, finalement, pour se réfugier au Canada avait alors ressenti une double peine. «Mes camarades de classe avaient peur de moi, d’abord, parce que j’étais noire, mais ils assumaient aussi, comme certains professeurs, que je pouvais être violente.»
Lors de ce témoignage, l’intérêt des élèves semblait décuplé. Jenovie a poursuivi en disant qu’elle «était toujours la dernière choisie lors de travail de groupe», qu’à chaque conflit mondial expliqué en classe, elle était montrée du doigt. Alors, elle espère «que son message a touché le cœur des jeunes et que si, parmi eux, certains étaient des intimidateurs, ils arrêteraient…»
Cet épisode scolaire a été pour elle extrêmement difficile. C’était «ajouter des traumas sur d’autres traumas qu’elle avait, à force de résilience et de travail sur elle-même, vaincus». Toutes ces réactions, elle les identifiait comme des actes de méchanceté, plus que de racisme. Un mot inexistant dans son vocabulaire lorsqu’elle vivait en République démocratique du Congo.
Le racisme au bout des lèvres
Après cet épisode scolaire, Jenovie Mwaka a déménagé à Brooks. «La diversité est partout, nous vivons tous ensemble! Que l’on soit d’Afrique, des Caraïbes ou d’Asie.» Elle a alors compris que ce qu’elle avait vécu auparavant s’apparentait à du racisme. Aujourd’hui, elle en fait une lutte au quotidien et «veut dénoncer le racisme pour mieux le combattre».
Cette activité a particulièrement touché les élèves qui ont, selon Sa Eva Katusevanako, un grand besoin «de renforcer leurs capacités à lutter contre le racisme». Il évoque aussi l’importance pour les jeunes nouveaux arrivants francophones de s’inscrire dans une école francophone afin d’avoir, en cas de racisme, les moyens de converser avec ces camarades mal attentionés et d’éviter l’isolement comme a pu le vivre Jenovie.
Un avis partagé par l’intéressée. «Lorsque je suis arrivée, mon anglais était loin d’être parfait. Si j’avais pu aller à l’école francophone pour me familiariser avec les gens de ma communauté, cela m’aurait rendue plus forte», estime avec du recul celle qui, dans quelques semaines, embrassera une carrière d’agente de bord.
Le directeur général de l’AFB ne s’arrête pas à la sphère scolaire. Il estime que c’est au quotidien, au travail comme dans la rue, qu’il faut être vigilant. «Dénoncer le racisme», c’est la première étape pour lutter contre cette idéologie. Il faut le dénoncer «à la police, à votre supérieur hiérarchique au travail et plus encore…» Il souhaite, comme Jenovie, que la parole se libère de plus en plus.

Sa Eva Katusevanako, le directeur général de l’Association francophone de Brooks. Photo : Courtoisie
Une belle collaboration
Ce Guide des pratiques exemplaires de lutte contre le racisme en milieu scolaire est le fruit des échanges tenus lors de forums jeunesse et des résultats d’enquêtes menées par l’AFB entre 2020 et 2022 auprès des jeunes de Brooks inscrits au club de devoir de l’AFB et des élèves de l’École Le Ruisseau, mais aussi des jeunes ambassadeurs de l’Alliance Jeunesse-Famille de l’Alberta Society (AJFAS), à Edmonton.
Sa Eva insiste, l’élaboration de ce guide a été rendue possible grâce au gouvernement canadien, mais plus particulièrement le ministère du Patrimoine canadien et du volet Renforcement des capacités organisationnelles du Programme de multiculturalisme et de lutte contre le racisme.
Le directeur général de l’AFB est optimiste quant à la suite à donner au guide, puisqu’il a aussi reçu du soutien de la Fondation pour les communautés noires (FPCN). «Cette aide financière de la FPCN permettra à l’AFB d’assurer la poursuite de la vulgarisation non seulement en milieu scolaire, mais aussi dans le milieu de travail et dans la communauté jusqu’au mois de mars 2026.»
Glossaire – Vulgarisation : Fait de diffuser au grand public des connaissances, des idées