IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
Employée d’épicerie, couturière à son compte, gérante d’entreprise, Émilie a enfilé bien des chapeaux depuis son arrivée à Jasper. Aujourd’hui mère de famille, elle souhaite que ses enfants grandissent en français, dans un milieu où la langue est vivante et fièrement portée.
Le Franco : Bonjour Émilie. Au moment de votre arrivée dans la province, vous en connaissiez peu sur l’existence de la francophonie locale. De quelle manière avez-vous été mise en contact avec la communauté francophone de Jasper?
Émilie Langley : Il y a deux personnes clés qui m’ont aidée à connaître la francophonie ici. Marie-Claude Faucher, qui est la directrice de l’École Desrochers. Très tôt, en arrivant ici, je l’ai rencontrée et je me suis rendu compte qu’il y avait une école francophone. Et puis, il y a aussi Anne Daniel, qui était une collègue de travail à l’époque. Elle m’a tout de suite présenté à l’ACFA [régionale], elle m’a invité à des événements… Ça a été une personne super accueillante qui m’a un peu tout montré.
Le Franco : Découvrir une communauté est une chose, s’y engager activement en est une autre. Qu’est-ce qui vous a motivée à vous impliquer? Est-ce que cela s’est fait naturellement?
Émilie Langley : J’étais moins impliquée avant. Mon mari est anglophone, mais, malgré ça, ma famille a quand même toujours participé aux événements. J’ai été sur le conseil d’administration de l’ACFA régionale, j’ai été bénévole, j’ai été impliquée pour célébrer la Saint-Jean-Baptiste et pendant nos cabanes à sucre. Mais je pense que c’est aussi vraiment au moment d’arriver en poste que je me suis plus immergée complètement dans la francophonie.
Le Franco : Qu’est-ce qui vous a motivée à poser votre candidature au poste de direction de l’ACFA régionale de Jasper?
Émilie Langley : En fait, c’est drôle parce que c’était la troisième fois que j’appliquais. Mais les deux autres fois, ce n’était pas le meilleur timing et, en plus, j’avais appliqué un petit peu trop tard et quelqu’un d’autre avait eu le poste, ce qui est correct! Je pense que je n’aurais pas complètement été prête avant de toute façon. J’ai acquis d’autres qualifications avec mon entreprise, ce qui m’aide à mieux faire le travail de directrice de l’ACFA.
Là, je trouve que c’était vraiment le meilleur moment dans ma vie pour occuper cet emploi-là. Mes enfants sont plus vieux, je suis prête à travailler fort! Parce que ça prend une grande implication… C’est quand même un gros emploi!
Évidemment, j’ai une super bonne équipe. Le conseil d’administration est très impliqué. Ils ont de très bonnes idées, mais ça reste que c’est moi, l’employée! Je dois trouver des idées d’activités, faire les livres, appliquer à des subventions, animer les soirées, nos événements, faire les rapports… Je veux dire, on a vraiment beaucoup de chapeaux en tant que direction d’une ACFA! Et jusqu’à maintenant, on n’avait pas d’employés, alors c’était seulement moi qui s’occupais de tout. Mais là, avec l’aide de la Croix-Rouge, on a une nouvelle employée, ce qui est super!
Le Franco : Depuis combien de temps est-elle en poste?
Émilie Langley : Elle a commencé aujourd’hui (en juin)! C’est vraiment une bonne nouvelle. Elle va commencer par une journée par semaine, puis à l’automne, elle va faire un peu plus d’heures. Sa charge de travail sera surtout concentrée sur un projet en collaboration avec la Croix-Rouge. On va organiser un souper communautaire et une fin de semaine de bien-être. Mais, entre-temps, elle va aussi travailler avec moi et m’aider aux événements. C’est tellement bienvenu cette aide-là!

Émilie dans l’un des costume qu’elle a confectionné. Photo : Courtoisie
Le Franco : À quel point ça fait une différence de ne pas être seule? J’imagine que votre travail au quotidien était habituellement un peu solitaire?
Émilie Langley : Juste le fait de partager et valider des idées, ça aide tellement! C’est le fun aussi de pouvoir corriger nos textes.
Le Franco : Est-ce que ce même esprit de collaboration existe entre vous et les directions des autres ACFA régionales?
Émilie Langley : Oui. Vraiment. On se parle quasiment tous les jours. On a un groupe de discussion et on partage. C’est vraiment une source indispensable pour moi. Ils ont des expériences différentes des miennes et peuvent m’aider à relativiser. Quand j’ai un problème aussi, je peux les appeler. Ou si j’ai besoin d’idées d’activités ou de n’importe quoi d’autre… On se contacte et on s’entraide! C’est comme si on avait des compagnes de travail, mais au téléphone.
Le Franco : Quelle est la nature de votre collaboration avec l’École Desrochers, à Jasper, et comment la voyez-vous évoluer?
Émilie Langley : C’est notre bras droit! Ils sont impliqués et toujours prêts à aider. Mais, de plus en plus, on voit aussi les deux autres écoles d’immersion qui deviennent aussi très impliquées.
Je pense qu’ils reconnaissent à quel point notre impact est important. Si on enlève l’ACFA, il reste seulement [la sphère scolaire] pour représenter la francophonie de Jasper. On n’aurait pas les mêmes opportunités de rassemblement…

Émilie essaie de prendre du temps pour l’une de ses passions, la couture. Photo : Courtoisie
Le Franco : Depuis vos débuts à Jasper, avez-vous observé une évolution marquante de la francophonie locale?
Émilie Langley : En fait, je pense que le mot clé, ça serait «changement». Jasper, c’est une ville où les gens ont tendance à passer, mais ce n’est pas tout le monde qui reste. Évidemment, il n’y a pas des millions d’emplois et on est une petite ville au milieu de nulle part. Il y a beaucoup de francophones qui viennent travailler en saison et repartent ensuite. Il y en a aussi qui viennent pour un an et repartent. Alors, notre communauté est très changeante. Au niveau de la dynamique, ça bouge beaucoup en fonction des gens qui sont présents et de qui choisit de s’impliquer.
Je me souviens que moi, quand j’ai déménagé, on était beaucoup de Québécois à Jasper. Là, peut-être que c’est en raison de mon cercle, mais je vois beaucoup de Français et des personnes de l’Afrique.
Le Franco : L’été dernier, les feux de forêt ont durement touché Jasper. Quel impact cette crise a-t-elle eu sur la communauté francophone?
Émilie Langley : Moi, ce que je vois, c’est que ça a été comme des montagnes russes cette année. Ça a été une année difficile. Qu’on ait perdu notre maison ou pas, on a tous des moments où ça va bien et après ça ne va pas. Là, on embarque dans un autre été, avec encore plein d’insécurité…
Pour les gens qui ont perdu leur maison, ils sont fatigués. Ils n’en peuvent plus de jongler avec les assurances. Il manque aussi beaucoup de personnes au sein de notre communauté. Il y a des gens qui choisissent de quitter parce qu’ils n’ont juste nulle part où habiter.
J’ai une amie que je côtoie depuis que j’ai déménagé ici, il y a 20 ans, qui s’en va avec sa famille. Ils vont à Edmonton parce qu’ils n’ont toujours pas de maison. Ce n’est pas le bilan le plus positif, mais je suis certaine qu’il y a des histoires très positives aux alentours aussi…

«De nombreux projets se dessinent pour la rentrée de septembre à l’ACFA régionale de Jasper», Émilie Langley
Le Franco : Quel rôle l’ACFA régionale a-t-elle joué auprès des francophones pendant cette période difficile?
Émilie Langley : C’est la grosse question que je me suis posée! J’ai même appelé l’ACFA provinciale pour leur demander exactement ça : «C’est quoi mon rôle?». Je pense que c’est de continuer à être présente dans ma communauté, continuer d’être présente sur les réseaux sociaux, montrer qu’on est toujours là. J’ai fait plusieurs entrevues avec les journaux, la télévision, mais c’était juste pour dire qu’on est là, on ne lâche pas notre communauté…
Mais, sur le terrain, on a quand même été limités. On n’a pas pu organiser des rassemblements pendant un long moment parce qu’on était tous un peu répartis partout dans le pays. Dès qu’on a pu revenir à Jasper, on s’est donné le mandat de rassembler la communauté gratuitement le plus souvent possible. On voulait aussi voir quels étaient les besoins de la communauté et si ça avait changé… S’ils voulaient qu’on change la programmation, par exemple.
Le Franco : J’allais justement demander si les besoins de la communauté ont changé depuis les feux…
Émilie Langley : De ce qui nous a été communiqué, les gens veulent que l’on continue la même programmation qu’avant. D’ailleurs, en octobre et novembre, nos activités étaient pleines! Les gens voulaient se rassembler, se retrouver ensemble. La fréquentation a diminué un peu à l’hiver… Comme je le disais, le moral a baissé un peu à ce moment-là. Mais ça revient! Ça va et ça vient!
Le Franco : Pour conclure, quels sont les projets ou événements à venir qui vous enthousiasment particulièrement à l’ACFA régionale de Jasper?
La population de Jasper a pu revenir sur les lieux à partir de la mi-août 2024.
Émilie Langley : Il y a le projet Croix-Rouge dont j’ai glissé un mot plus tôt. La deuxième partie de la demande n’a pas encore été approuvée, mais ce serait éventuellement d’avoir accès à des soins de santé mentale suite aux feux. On partagerait d’abord un sondage pour voir si les besoins sont là.
Sinon, on a toujours notre programmation régulière. On va avoir les cours de français qui vont recommencer à l’automne, le club de lecture, le ciné franco. Moi, je donne aussi des cours de couture en français aux adolescents à l’école. Ça va peut-être recommencer à l’automne.
On va avoir le groupe de musique LGS [Le Group Swing] qui va venir en octobre. C’est un groupe de l’Ontario. Ils vont faire un spectacle et des ateliers sur l’insécurité linguistique.
Après ça, on va embarquer dans l’hiver, avec la tire sur neige, le pentathlon qui va être modifié cette année. On ne sait pas encore exactement comment, mais, vu qu’on a dû annuler les deux dernières années à cause de la température, on a décidé de changer le format. Ça ressemble pas mal à ça!
Glossaire – Immerger : Se placer dans un milieu différent de celui dont on a l’habitude dans le but d’en subir l’influence
Pour rejoindre l’ACFA de Jasper : ICI