IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO

Mireille Isidore, directrice de Kayanou, présente son atelier devant un public un peu plus nombreux en après-midi. Photo : Arnaud Barbet
Si la froidure a eu raison des nombreux inscrits à l’évènement, le public s’est tout de même déplacé en petit nombre au St Mary’s Cathedral Hall pour écouter les deux conférenciers, Denis Perreaux, directeur général de la Société historique francophone de l’Alberta (SHFA), et Mireille Isidore, cofondatrice de Kayanou et maintenant directrice générale de l’organisme, sur une thématique qui leur est chère : «Un voyage à travers le temps : la croisée des cultures».
Cet évènement organisé par l’ACFA régionale de Calgary débute avec le mot de bienvenue de Marie-Thérèse Nickels, sa directrice. C’est ensuite au tour de Denis Perreaux de prendre le micro pour le premier volet de la conférence ayant pour objectif de démontrer l’importance des francophones dans le développement du Canada, notamment, dans l’ouest du pays, et aussi la présence historique d’acteurs noirs.
Denis Perreaux souligne d’ailleurs que l’histoire «n’est pas toujours parfaite, car les écrits manquent». Fort de son expertise, il offre un cours qu’il qualifie de «magistral», survolant l’arrivée des Français dans l’Est, le déploiement des voyageurs en majorité francophones, ces premiers acteurs du commerce de fourrure dans l’Ouest, la présence des premiers Noirs qui ont joué un rôle dans le développement du pays, la place de la société métisse – en raison des mariages arrangés entre les voyageurs et les filles de chefs de tribus des Premières Nations -, le rôle de l’Église catholique et la prédominance des francophones en Alberta jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Pierre Beldor, président de l’Association de la communauté haïtienne de Calgary, est très attentif tout au long de l’exposé. Photo : Arnaud Barbet
Pierre Beldor, président de l’Association de la communauté haïtienne de Calgary, est très attentif tout au long de l’exposé. Il souligne «l’importance d’un tel évènement». Venant d’Haïti, «c’était vraiment beaucoup de connaissances et d’informations». Il souligne «la mise en évidence essentielle des acteurs noirs qui ont participé à la création du Canada que nous connaissons aujourd’hui», tout en soulignant qu’il est très rare d’en entendre parler.
Concernant les acteurs noirs de l’histoire francophone au Canada, mais aussi en Alberta, Denis Perreaux aime à répéter que l’on peut facilement parler de l’histoire du Canada en nommant ceux nombreux qui ont participé à la conquête de l’ouest du pays et à l’installation des francophones en Alberta plus récemment. Il nomme notamment Mathieu Da Costa en 1604 et Olivier Lejeune en 1628 et il assure qu’il y en a bien d’autres. Il souligne d’ailleurs que l’immigration africaine, qui rejoint la province trois siècles plus tard, et ce, dès les années 1980, est aujourd’hui essentielle à la francophonie albertaine.
Pour les nouveaux arrivants et les jeunes générations originaires d’Afrique ou d’Haïti, Pierre Beldor semble rassuré de pouvoir dire que «le peuple noir était là depuis le début». Une manière pour lui de légitimer, si c’était nécessaire, la présence des nouveaux immigrants sur le territoire canadien et albertain et d’affirmer leur identité francophone.

La visite de la cathédrale a aussi été un moment de recueillement pour certains. Photo : Arnaud Barbet
Une visite rapide, mais très appréciée par celles et ceux qui ont répondu présents
Finalement, ils étaient plus d’une trentaine à se frayer un chemin dans la neige fraiche pour rejoindre la cathédrale St Mary’s, la maison Rouleau et le couvent Sacré-Cœur. L’objectif de l’ACFA régionale de Calgary et sa directrice était de faire connaitre ses lieux qui sont à la source de la francophonie dans la cité.
Après un passage à la cathédrale, où chacun a su apprécier l’incroyable flèche de quarante mètres battue par les vents et la richesse architecturale et artistique de l’édifice, s’en est suivi une visite de la maison Rouleau, construite en 1885 et acquise en 1887 par le médecin francophone Édouard Rouleau, où il vivra jusqu’en 1911. Marie-Thérèse Nickel, directrice de la régionale de Calgary, n’a pu cacher son optimiste à intégrer très prochainement les lieux avec l’organisme qu’elle dirige. «Nous y aurons nos bureaux, mais l’édifice sera aussi là pour préserver le patrimoine historique francophone de Calgary!»
Finalement, la procession s’en est allée au couvent Sacré-Cœur pour une visite d’un des «rares bâtiments historiques encore très bien préservés et d’une grande richesse architecturale, accueillant du public», exprime Denis Perreaux.

L’atelier interactif a été un moment d’échanges et de réflexion entre tous les participants. Photo : Arnaud Barbet
À l’honneur, la diversité et ses interrogations
Après le repas, c’est au tour de Mireille Isidore, directrice de Kayanou, de présenter son organisme et ses futurs projets. Puis, elle offre un atelier collectif et interactif afin de réfléchir sur la place des Noirs dans l’histoire albertaine.
Trois groupes, formés au hasard, ont dû réfléchir sur trois thématiques différentes : la contribution des communautés noires francophones à Calgary, les éléments formant notre identité francophone et, finalement, les raisons expliquant l’existence de l’histoire des Noirs francophones en Alberta. Autant dire que le public présent, issu de toutes les diversités, s’est pris au jeu et à la réflexion.
Valérie Jamga, travailleuse sociale et membre du Portail de l’Immigrant Association (PIA), a pris la parole pour son groupe afin de clarifier l’apport exceptionnel de celles et ceux qui arrivent du continent africain. «Les immigrants arrivent avec leurs histoires, leurs identités et ils colorent la francophonie albertaine.» Une richesse à la fois culturelle, mais aussi intellectuelle, souligne-t-elle. «Ils sont diplômés, ils sont brillants, c’est la crème des crèmes.» Elle assure que leur expertise leur permet de s’intégrer rapidement.
À la suite, Jean Tenaguem, employé du Réseau santé Alberta, assure que «la langue est le premier facteur d’identification de la francophonie plurielle», et ce, peu importe l’accent que l’on a. Porte-parole de son groupe, il assure que «cette langue recrée une communauté francophone dans un milieu minoritaire difficile». Le groupe a donc évalué que la langue commune était le facteur d’identification, avant la religion ou les origines.
Finalement, c’est Françoise Kimbe, récemment arrivée de la République de Côte d’Ivoire, qui émet quelques hypothèses pour son groupe quant à l’absence de l’histoire des Noirs francophones en Alberta. Elle évoque la culture orale qui ne laisse que peu de traces, «la difficulté ou le manque de volonté de mettre en avant ses origines», mais aussi le manque de contenu dans les écoles qui pourrait offrir aux jeunes générations une meilleure compréhension de leur passé et de leur futur.
C’est finalement Valérie Jamga qui souffle le mot de la fin à Mireille Isidore en évoquant le besoin pour les générations présentes sur le territoire de connaitre leurs leadeurs.
Glossaire – Hypothèse : proposition