le Jeudi 29 mai 2025
le Mardi 27 mai 2025 11:58 Politique

Joël Godin, ministre fantôme des Langues officielles : «Le ministère de Steven Guilbeault est une erreur flagrante»

Joël Godin est ministre fantôme des Langues officielles depuis 2022. Photo : Olivier Plante – Francopresse
Joël Godin est ministre fantôme des Langues officielles depuis 2022. Photo : Olivier Plante – Francopresse
ENTRETIEN – Nommé ministre du cabinet fantôme des Langues officielles le 21 mai, le député conservateur Joël Godin, qui œuvre au sein du comité parlementaire du même nom depuis 2020, assure qu’il surveillera de près la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, adoptée il y a deux ans.
Joël Godin, ministre fantôme des Langues officielles : «Le ministère de Steven Guilbeault est une erreur flagrante»
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FRANCOPRESSE

Francopresse : Que pensez-vous de la nomination de M. Guilbeault à titre de ministre des Langues officielles?

On l’a vu comme vire-vent au niveau de la taxe sur le carbone. Est-ce qu’il va agir de la même façon au niveau des langues officielles? Je ne le sais pas. Je vais donner la chance au coureur.

Je suis beaucoup plus dérangé par l’attitude du gouvernement Carney qui a mis en place un ministre qui a un double chapeau et qui n’a pas le titre de ministre des Langues officielles.

Il a le titre du ministre responsable des Langues officielles. Il y a une nuance bien importante en termes de signal, et ça me dérange au plus haut point.

C’est un élément comparable à la nomination de la Gouverneure générale qui ne parle pas français. Si en haut, on ne lance pas le signal, on ne pourra pas inciter les gens dans la machine gouvernementale et dans la société à valoriser le bilinguisme français-anglais au Canada.

Votre chef, Pierre Poilievre, a séparé les Langues officielles de l’Identité et la Culture canadiennes au sein de votre cabinet fantôme. Pourquoi?

Joël Godin : Il y a toujours eu dans le passé un ministre du cabinet fantôme pour Patrimoine [canadien, NDLR], de même pour les Langues officielles. Le problème que l’on a présentement, c’est que Steven Guilbeault occupe les deux fauteuils.

Nous, on pense que c’est un dossier très important. Le dossier des langues officielles n’est pas dans la cour de Rachael Thomas [ministre du cabinet fantôme responsable de l’Identité canadienne et de la Culture, NDLR], c’est dans ma cour, même si c’est le même ministre.

Maintenant, je pense qu’on aurait dû nommer un ministre des Langues officielles [au sein du gouvernement libéral, NDLR]. Ça démontre que le Parti libéral du Canada n’a pas cette sensibilité-là, ni la volonté et l’intention de défendre réellement les langues officielles.

Selon moi, si on a à donner un chapeau à un autre ministre pour s’occuper des Langues officielles, on aurait dû le donner au Conseil du Trésor.

Le ministère de Steven Gilbeault, c’est une erreur flagrante parce que le Conseil du Trésor devrait être la seule agence centrale, mais les libéraux […] sont allés à l’encontre de ce qu’ils avaient écrit dans le livre blanc de Mélanie Joly.

Le rôle du Conseil du Trésor en 2021

C’est dans le Livre blanc de 2021 – fruit du travail de la ministre libérale du Développement économique et des Langues officielles de l’époque, Mélanie Joly – que le rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor était désigné comme central, en ces termes :

«Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada élabore des règlements et des politiques concernant les communications avec le public et la prestation des services aux citoyens, la langue de travail et la participation équitable des francophones et des anglophones dans la fonction publique fédérale. Il assure également le respect de ces exigences.»

Est-ce que séparer les Langues officielles et l’Identité et la Culture canadiennes de votre côté ne laisse pas entendre que les deux dossiers n’ont aucun lien?

Je ne le vois pas de cette façon-là. Les Langues officielles est un dossier spécifique et [Pierre Poilievre] a nommé quelqu’un pour s’en occuper, comme il l’a fait dans le passé. Il ne le fait pas pour s’adapter au Cabinet Carney, mais parce que sa préoccupation est de protéger les deux langues officielles et de faire en sorte d’arrêter le déclin du français.

Regardez la liste des ministres d’État [du gouvernement de Mark Carney]. Moi, je pense que ça aurait dû être prioritaire de nommer un ministre dédié aux Langues officielles. La ministre d’État à la Nature, par exemple, alors qu’il y a un ministre de l’Environnement. C’est quoi un ministre d’État de la nature? Ça veut dire que c’est plus important ça que les langues officielles?

Pourtant, confier les Langues officielles et l’Identité et la Culture canadienne à un francophone n’aurait-il pas envoyé un message fort à la francophonie?

Je ne le vois pas ainsi. Les Langues officielles [est] un moyen de communication [au Canada]. Après, c’est un dossier qui s’applique au niveau économique, au niveau culturel, ça s’applique à toutes les sauces.

Dans quelle mesure allez-vous travailler avec la ministre fantôme qui gère l’Identité et de la Culture canadiennes, Rachael Thomas?

Je n’ai pas d’affaires avec elle. Je suis responsable du portefeuille des Langues officielles, comme je l’étais avant, et je vais faire mes représentations auprès du ministre Guilbeault pour les langues officielles.

Je n’ai pas nécessairement besoin de travailler en accord avec Mme Thomas. Je ne relève pas d’elle.

Mais il y a 38 ministres dans le Cabinet des libéraux en incluant les secrétaires d’État et 73 chez les conservateurs. La différence est notable. Pourquoi autant de ministres au sein de votre parti?

Oui, mais il [faut prendre en compte le fait qu’il] y a des ministres associés, ce sont comme des secrétaires parlementaires.

Quels sont les premiers gestes que vous allez poser en tant que ministre fantôme des Langues officielles?

Je vais m’assurer que le gouvernement libéral procède au dépôt des décrets pour ce qui est des [sanctions administratives] que le commissaire aux langues officielles a le droit d’appliquer.

Ce décret aurait dû être déposé depuis longtemps après le dépôt de la Loi [sur les langues officielles, NDRL], en juin 2023.

Le deuxième décret pour la partie II de la Loi [est aussi à surveiller], et [je vais également] mettre de la pression pour qu’ils déposent les règlements le plus tôt possible. Et je vais suivre activement la nomination du prochain commissaire [aux langues officielles].

Mathieu Lacombe, le ministre de la Culture et des Communications du Québec a déposé un projet de loi sur la découvrabilité du contenu culturel francophone. Est-ce que le fédéral peut s’en inspirer?

C’est une bonne réflexion. Je suis d’accord avec le projet de loi du Québec, pour toute action qui est faite pour augmenter le contenu francophone. Mais je ne travaille pas pour le Québec, je travaille pour la langue française au Canada.

Je ne peux que féliciter les initiatives de chacune et chacun des provinces et territoires qui font en sorte d’avoir plus de contenu francophone.

Maintenant, prendre la démarche pour faire en sorte que les autres provinces et territoires puissent mettre en place ce genre d’initiative là, je vais les encourager, mais je ne ferai pas des pieds et des mains parce que je ne suis pas en position de pouvoir.

Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.