FRANCOPRESSE

«Par rapport à la population, il y a beaucoup de projets dans les territoires, mais ils sont souvent à plus petite échelle», rapporte James Jenkins d’Indigenous Clean Energy. Photo : Courtoisie
«Les communautés autochtones sont devenues des championnes des énergies renouvelables au cours des dix dernières années», se félicite le directeur général d’Indigenous Clean Energy (ICE), James Jenkins.
Selon l’organisme à but non lucratif, les Autochtones détiennent, en totalité ou en copropriété, près de 20 % des infrastructures canadiennes de production d’électricité, tous systèmes confondus. Ils sont ainsi devenus «les deuxièmes plus grands détenteurs d’actifs après les sociétés d’État», souligne James Jenkins.
En 2023, l’éolien représentait environ 43 % des projets détenus ou codétenus par les Autochtones, suivi par le solaire, avec environ 29 %, et l’hydroélectricité et la biomasse avec 14 % chacune.
La Colombie-Britannique est la province qui a le plus grand nombre d’installations de plus d’un mégawatt (MW), suivis de l’Ontario et du Québec.
Dans le sud de la Saskatchewan, le premier système hybride d’énergie renouvelable du pays appartient à la Première Nation de Cowessess. Il produit de l’énergie solaire et éolienne, puis la stocke dans des batteries.
Dans les territoires, le Yukon est à la fine pointe des énergies renouvelables. En 2023, la Première Nation Kwanlin Dün a lancé le premier parc éolien autochtone dans le Grand Nord.

Au Nunavut, Martha Lenio soutient que «sept ans ou plus» sont nécessaires pour développer un projet éolien. Photo : Courtoisie
Soutien capital d’Ottawa
Au Nunavut les choses avancent. Un programme autorise désormais la production indépendante d’électricité solaire et éolienne.
«Pour la première fois, nous avons une quantité mesurable d’énergies renouvelables sur nos réseaux, au lieu d’avoir 100 % de diésel, nous en avons 99,5 %», rapporte la membre du conseil d’administration de la Société d’énergie Qulliq, Martha Lenio.
Au Canada atlantique, le professeur adjoint à l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, Chad Walker, constate lui aussi que les communautés autochtones «jouent un rôle beaucoup plus important dans les énergies vertes.»
La Première Nation malécite Tobique, au Nouveau-Brunswick, est notamment propriétaire de deux parcs éoliens de grande envergure : quinze turbines au total produisent plus de 62 MW.
En début d’année, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a de son côté annoncé la construction de six nouveaux parcs éoliens en partenariat avec plusieurs Premières Nations. Au niveau national, ICE suit actuellement quelque 600 projets solaires, éoliens et de biocarburants.
Le professeur à l’Université de la Saskatchewan et codirecteur du partenariat international Community Appropriate Sustainable Energy Security (CASES), Bram Noble, estime que les programmes de financement d’Ottawa ont permis d’amorcer cette révolution énergétique. «C’est une voie vers la réconciliation économique.»

Chad Walker explique que la Première Nation Tobique au Nouveau-Brunswick a utilisé l’argent tiré de la revente d’électricité verte pour construire des logements et mettre en place des programmes d’aide sociale. Photo : Courtoisie
Coincés dans les méandres de la bureaucratie
«Les subventions fédérales aident les entreprises autochtones qui peuvent avoir des difficultés à accéder à des prêts. Ça les aide à franchir les étapes les plus risquées», confirme James Jenkins.
Les projets mettent néanmoins du temps à voir le jour. La construction d’une petite installation solaire sur un toit ou d’un système de biomasse pour un bâtiment peut prendre un ou deux ans, mais «la phase d’examen peut prendre cinq ans ou plus», déplore James Jenkins.
Chad Walker considère que les monopoles publics d’électricité entravent la transition énergétique que mènent les Autochtones. «Les compagnies préfèrent largement être responsables de la production d’énergie. Les programmes qui permettent la participation et la propriété autochtone sont encore rares», observe-t-il.
Martha Lenio regrette également «le manque de leadeurship du gouvernement du Nunavut», qui n’a pas défini ses priorités en matière d’énergie renouvelable et n’a adopté aucun plan stratégique.
«Dans le Grand Nord, les prix de l’électricité sont largement subventionnés pour les maintenir à un niveau abordable. Ça cache le cout réel du diésel et peut étouffer la transition vers les énergies renouvelables», ajoute Bram Noble.
500 millions de dollars de revenus réinvestis par an
Confrontés à une demande énergétique croissante, «les compagnies et les gouvernements reconnaissent néanmoins de plus en plus la nécessité d’encourager un plus grand leadeurship autochtone», nuance James Jenkins.
Cependant, «le manque de personnel autochtone qualifié», capable d’assurer le fonctionnement et la maintenance des équipements, demeure un autre obstacle aux yeux de Martha Lenio.
«Ça ralentit déjà certaines initiatives, alerte James Jenkins. Si l’on veut poursuivre le rythme de croissance actuel, il est essentiel d’investir de l’argent public pour former les jeunes et assurer la transition des travailleurs vers des emplois dans le secteur de l’énergie propre.»
En s’impliquant dans la production d’énergie renouvelable, les Premières Nations en retirent de nombreux avantages socioéconomiques. L’ICE évalue qu’elles réinvestissent chaque année 500 millions de dollars de revenus, générés par la revente d’électricité verte, dans des programmes sociaux, de santé et d’éducation ou encore dans la construction de logements dans les communautés.