Ekaterina est une jeune élève russo-colombienne francophile, amoureuse de la vie et de l’apprentissage. Elle est passionnée par les conversations qui ouvrent l’esprit!
Cette frénésie des achats de Noël est moderne, contrairement à la coutume profondément ancrée dans la religion chrétienne de donner à autrui pendant cette période et bien avant son détournement commercial.
L’histoire des Rois Mages, qui apportèrent des cadeaux à l’Enfant Jésus, reflète une dévotion sacrée qui a inspiré les chrétiens à les imiter au réveillon. Plus tard, au quatrième siècle, Saint-Nicolas, connu pour sa charité envers les pauvres et les enfants, suscita la générosité au temps des fêtes, puis aujourd’hui la figure joviale du père Noël. Ces personnages mettaient en avant l’altruisme et la solidarité : ils encourageaient le don d’argent ou de vivres pour les sans-abris et les démunis.
Jusqu’au dix-neuvième siècle, Noël restait tout de même une fête conviviale axée sur la joie et les festins. Mais son atmosphère a changé. Aujourd’hui, la saison des fêtes s’est commercialisée. Une évolution tranquille vers une saison opportuniste pour les commerçants. Cette évolution et le résultat que nous connaissons aujourd’hui commencent avec l’émergence de récits comme Un chant de Noël de Charles Dickens et le poème Une visite de Saint-Nicolas de Clement C. Moore.
Ces récits ont séduit la population avec cet aspect familial et chaleureux d’un Noël intime, à la maison ou au chalet. Ce même soir où les enfants et les parents sont ravis par la magie de Noël et les échanges de cadeaux. Dans le récit de Moore, il y a aussi l’image fantastique du père Noël, l’égérie de la distribution de cadeaux. Noël, aujourd’hui, se résume à un échange de cadeaux qui incarne la magie des fêtes pour un grand nombre. La commercialisation de Noël était née.
À la fin du dix-neuvième siècle, grâce à cette nouvelle façon de célébrer Noël, les entreprises ont réalisé des profits substantiels. L’augmentation de la promotion des achats de Noël a alimenté cette culture de consommation qu’adoptent les pays capitalistes. Les boutiques et leurs propriétaires étaient prospères.
De nos jours, l’émergence des traditions commerciales modernes, comme le Vendredi fou et la Cybersemaine, amplifie cette focalisation séculaire sur les cadeaux, souvent au détriment des coutumes culturelles. Les symboles universels – le père Noël, les cadeaux – éclipsent les traditions régionales et religieuses, uniformisant les célébrations.
Le poids sur les familles
L’esprit de Noël est donc bien en danger lorsque de nombreuses personnes ressentent la pression de la société mercantile pour acheter des cadeaux coûteux ou organiser des fêtes somptueuses. Ces témoignages de l’opulence peuvent entrainer un stress démesuré, l’endettement et un sentiment d’inégalité sociale pour une partie de la population.
L’omniprésence de promotions et l’injonction d’offrir le «cadeau parfait» sont des messages qui peuvent exercer une pression considérable sur l’être humain!
M. Barriault est un enseignant, mais avant tout un père dévoué et affecté par cette pression sociétale. Il la ressent comme généralisée, «la pression pour acheter, elle est là, c’est sûr. Elle est partout!» Avec la publicité sur les rabais de Noël et l’occasion d’acheter en ligne, l’acte d’achat devient toujours une bonne idée. Et pourtant, l’enseignant prévient du danger qu’est l’endettement. «En vieillissant, plus on a accès au crédit, plus on se permet d’acheter en dehors de nos limites! Surtout au temps de Noël où on se sent obligé d’offrir le “meilleur” de ce qu’on nous vend.»
Pour les plus jeunes, les enjeux sont différents, mais semblent tout aussi préoccupants. Ce Québécois d’origine s’explique, «la technologie a provoqué une accélération du consumérisme auprès de tous, notamment les jeunes». Les réseaux sociaux exacerbent les comparaisons : «tout le monde en a» devient un refrain familier qu’entendent les parents à Noël. L’anxiété liée à l’intégration dans le groupe persiste et elle peut devenir frappante pendant les fêtes.
Malcolm Jackson, un garçon de six ans, n’hésite pas à dire, le sourire aux lèvres, que son moment préféré de Noël, ce sont les paquets. «J’aime être excité avant les cadeaux et les recevoir!»
Selon de nombreuses études, recevoir des cadeaux contribue positivement au développement des enfants, stimulant leur curiosité et leur créativité. Mais un excès peut renforcer ce sentiment matérialiste. Lorsque l’essence des fêtes de Noël se résume à posséder des objets, la magie des fêtes perd de son éclat. Un Noël centré sur la consommation réduit l’importance des moments d’interaction avec la famille et les amis. Les très jeunes ne comprennent pas encore la vraie richesse de souvenirs créés avec leurs familles et leurs amis.
S’armer de courage
Vaincre les influences négatives du consumérisme, c’est se prémunir avec équilibre, gratitude et une conscience. La première astuce est de rester raisonnable dans nos actes d’achats, car ils restent tout de même une partie intégrale de Noël. Il faut dépasser cette tradition du matérialisme et se créer des expériences qui vont au-delà de celui-ci, en investissant son temps dans des moments de qualité, qui incluent des activités et des personnes que l’on apprécie. C’est facile…
De plus, cultiver la gratitude au quotidien peut transformer votre perception des fêtes. Pour chaque liste de souhaits, rappelons-nous des bénédictions déjà présentes dans notre vie. Comme le chante Band Aid, le supergroupe anglo saxon à but charitable, «le plus beau cadeau est celui de la vie» (The greatest gift they’ll get this year is life). La vie est en soi est quelque chose dont on devrait s’émerveiller bien plus qu’autre chose.
Soyons également attentifs à nos actions et nos paroles. Transmettre l’esprit de Noël – un esprit de partage, d’empathie et de générosité – enrichit non seulement notre propre expérience, mais aussi celle de nos proches. Considérer nos proches a un impact significatif pour vivre un Noël épanouissant.
Avec ces trois principes, nous pouvons désarmer la marchandisation de Noël et minimiser ses effets néfastes. Certes, nous ne pouvons complètement échapper à l’empreinte du consumérisme, mais il reste encore de belles choses à célébrer : la chaleur des réunions familiales, la joie des rires partagés et l’émerveillement des enfants. Ces trésors immatériels, souvent oubliés dans le tourbillon des achats, se cachent, eux aussi, sous chaque sapin.
Glossaire – Gratitude : Lien de reconnaissance envers quelqu’un