le Mardi 28 octobre 2025
le Lundi 27 octobre 2025 15:15 Santé

Une participation en demi-teinte aux consultations sur la santé

L’école Notre-Dame-des-Vallées aurait dû être le théâtre des consultations sur les besoins en santé des francophones de Cochrane. Malheureusement faute de participant, celle-ci a été annulée. Photo : Archives Le Franco - Gabrielle Audet-Michaud
L’école Notre-Dame-des-Vallées aurait dû être le théâtre des consultations sur les besoins en santé des francophones de Cochrane. Malheureusement faute de participant, celle-ci a été annulée. Photo : Archives Le Franco - Gabrielle Audet-Michaud

IJL - Près d’un an après le lancement de son étude de trois ans qui vise à identifier les besoins en santé des francophones en Alberta, l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) poursuit sa tournée provinciale afin de recueillir des données. Mais sur le terrain, la mobilisation des communautés demeure inégale selon les régions.

Une participation en demi-teinte aux consultations sur la santé
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Isabelle Laurin est la directrice générale de l’ACFA. Photo : Courtoisie

Les douze premiers mois de la tournée ont permis à l’organisme porte-parole de la francophonie albertaine de donner la parole à plus de 220 francophones et de rencontrer des professionnels de la santé dans chaque région. 

Ces échanges ont mis en lumière plusieurs défis auxquels la francophonie fait face. «Les retours qu’on a eus vont vraiment au-delà de nos espoirs. On sent qu’il y a un véritable appétit pour des services en français», souligne la directrice générale de l’ACFA, Isabelle Laurin.

Cet appétit ne semble toutefois pas se traduire par une participation massive aux consultations. Le 24 septembre, la première rencontre de la deuxième année de tournée a dû être annulée à Cochrane faute de participants. Or, pour Isabelle Laurin, cette faible réponse ne reflète pas un désintérêt envers les soins en français, mais plutôt la réalité d’une communauté encore en construction.

«Cochrane, c’est une communauté en développement. Ce n’est pas un manque de volonté, mais plutôt un manque de synergie. Une consultation en septembre, c’est aussi tôt dans l’année scolaire. On apprend à travers tout ça. On sortait d’un mois marqué par la menace de grève des enseignants», explique-t-elle.

Malgré cet échec local, la directrice générale rappelle que d’autres banlieues de la région de Calgary seront consultées au cours des prochains mois, notamment Okotoks et Chestermere, où les réalités devraient être comparables. «Les messages ont tendance à être assez [similaires] autour des grandes villes», observe-t-elle, tout en précisant qu’elle n’exclut pas l’idée de tenir une rencontre virtuelle pour remplacer celle qui a dû être annulée.

Charles Brochu, un résident de Cochrane, siège au conseil d’école Notre-Dame-des-Vallées. Photo : Gabrielle Audet-Michaud

Un manque d’intérêt 

Pour Charles Brochu, résident de Cochrane et conseiller au sein du conseil d’école Notre-Dame-des-Vallées, cette faible mobilisation n’a rien d’étonnant, même s’il se dit «déçu». Selon lui, plusieurs facteurs expliquent la situation : l’horaire de la rencontre, tenue à 18h, peu propice aux travailleurs, mais aussi un manque de visibilité de l’événement dans la communauté. 

«Moi, je suis arrivé vers 18h55, après le travail, et la concierge m’a fait savoir qu’il n’y avait personne et que c’était annulé. Mais je pense aussi que l’événement a peut-être été mal diffusé. Il y a eu un courriel à travers le courriel de l’école, une diapositive sur le sujet aussi pendant la rentrée scolaire, mais c’est tout», explique-t-il.

M. Brochu s’interroge également sur la stratégie de communication de l’ACFA. Selon lui, l’organisme s’est surtout appuyé sur les réseaux scolaires pour diffuser l’information, un choix qui aurait limité la portée de l’invitation. «Il y aurait eu d’autres moyens de faire connaître l’événement. La communauté francophone, c’est plus que ceux qui vont à l’école… Mes enfants terminent leurs études bientôt, alors si ce n’est pas à travers l’école, comment on va nous interpeller?», lance-t-il.

Au-delà de ces considérations logistiques, le résident de Cochrane voit dans cette faible participation le reflet d’une réalité propre à la région : celle d’une francophonie encore en train de se structurer et dont les membres ne se sentent pas toujours interpellés par les enjeux provinciaux. 

L’exemple n’est pas nouveau, rappelle-t-il. Il y a deux ans, l’ACFA régionale de Calgary avait tenu à Cochrane une grande foire francophone réunissant plusieurs organismes de la province, un événement qui s’était soldé par une autre annulation.

«On avait fait des annonces dans le journal local, sur les réseaux sociaux, à l’école… Et on a eu seulement trois personnes dans l’après-midi, alors on avait annulé. Il y a une certaine apathie dans la communauté. L’engagement n’est pas super élevé par rapport à ces sujets-là. Mais quand on organise un party de Noël francophone, ça se vend en trois minutes», constate-t-il.

Il y aurait eu d’autres moyens de faire connaître l’événement. La communauté francophone, c’est plus que ceux qui vont à l’école.

— Charles Brochu

Camille Fely, la nouvelle directrice de l’ACFA régionale de Canmore. Photo : Courtoisie

Autre déception à Canmore? 

À environ une heure de route, à Canmore, la consultation sur la santé tenue le 27 septembre a, elle aussi, suscité un engouement limité. Seules deux personnes issues de la communauté francophone se sont déplacées, malgré les efforts soutenus de l’ACFA régionale pour mobiliser les résidents.

«On a fait ça un samedi après-midi, il faisait super beau, alors ce n’était peut-être pas le meilleur moment», admet Isabelle Laurin. Elle se réjouit toutefois de la qualité des échanges avec les participants présents. Les deux personnes sur place ont partagé, avec habileté, leur opinion sur plusieurs enjeux. «Il y a des choses qu’on n’avait jamais entendues ailleurs et c’est ressorti dans le cadre de cette consultation-là. L’important, ce n’est pas toujours le nombre, mais d’avoir les bons intervenants qui comprennent bien leur région», nuance-t-elle. 

Camille Fely, directrice de l’ACFA régionale de Canmore – Banff, abonde dans le même sens. Selon elle, le choix du moment a sans doute joué contre la participation. «C’était une des dernières [fins de semaine] de camping et on a une communauté très active», partage-t-elle. Elle ajoute que si l’événement a été bien diffusé, le message n’a peut-être pas suffisamment interpellé le grand public. «Je ne sais pas si les gens savaient vraiment de quoi on allait parler», reconnaît-elle.

En amont, la directrice régionale avait tout de même pris soin de consulter plusieurs professionnels de la santé francophones de la Bow Valley pour dresser un portrait plus large de la situation. Le constat est clair : l’accès aux soins spécialisés demeure un défi majeur pour les francophones de la région.

«Ce qui est ressorti, c’est que beaucoup doivent se déplacer à Calgary pour recevoir des soins importants. Cela crée des enjeux au niveau du transport. Certains n’ont pas de voiture, d’autres sont des personnes âgées», explique-t-elle.

Il y a des choses qu’on n’avait jamais entendues ailleurs et c’est ressorti dans le cadre de cette consultation-là.

— Isabelle Laurin

Le local de l’ACFA Canmore – Banff est un lieu chaleureux pour se retrouver entre francophones. Photo : Courtoisie

Des consultations qui poussent à la réflexion 

Si la participation à Cochrane et Canmore a été plutôt timide, la situation a été meilleure à Airdrie, où la consultation du 25 septembre a réuni environ sept participants. Un chiffre «tout à fait normal» pour cette région, selon Isabelle Laurin. «Ça concorde beaucoup avec ce qu’on a vu dans d’autres régions, dans les banlieues d’Edmonton, où on avait, je te dirais, entre 5 et 10 personnes», précise-t-elle. 

Elle rappelle que la force de cette démarche ne se mesure pas en chiffres, mais en profondeur d’échanges. «Même si le groupe est plus petit, la consultation est bâtie de façon à ce que les résultats deviennent probants pour nous», insiste-t-elle. Un sondage de validation sera d’ailleurs diffusé à la fin de l’étude triennale afin de permettre aux francophones d’ajouter leur voix, si certains enjeux n’ont pas été cernés.

D’ici là, la directrice générale espère pouvoir valider, à travers la province, certaines informations qui sont ressorties dans les rencontres précédentes, notamment l’ouverture des francophones dans les régions à l’utilisation de la technologie pour accéder à des soins.

«Il y a de l’intérêt pour la télémédecine. Certaines communautés nous ont fait part d’un besoin croissant d’accéder à des services en français, mais de cette façon-là. C’est un élément que nous validerons dans les prochains mois.»

L’ACFA espère maintenant renforcer la participation pour la suite de la tournée qui se déplacera, d’ici la fin de janvier, vers Jasper, Okotoks, Lethbridge, Medicine Hat, Brooks et Chestermere. Sans oublier plusieurs rencontres prévues à Calgary.

«On lance l’invitation aux gens : votre voix est importante. On veut vraiment s’assurer de refléter la diversité régionale», conclut Isabelle Laurin.

Les données recueillies lors des rencontres seront partagées avec un comité multipartite, qui sera mis sur pied prochainement en collaboration avec le gouvernement provincial, afin de traduire les constats du terrain en pistes d’action concrètes.

Il y a de l’intérêt pour la télémédecine.

— Isabelle Laurin

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